samedi 30 octobre 2021

Chanson oubliée

 



S’échappant d’une boite à musique oubliée dans les roseaux des rives du Léthé, une chanson retentit, Souvenirs, Souvenirs, soulignée à la flûte de Pan par un jeune berger et interprétée par un Johnny en costume bleu souligné par un collier de perles blanches, aux mains frémissant sur les cordes de sa guitare.

Toute notre jeunesse surgit de ces rives enchanteresses et des airs entraînants nous propulsèrent dans des boites de jazz, à la suite de nos chanteurs préférés dont les refrains jaillirent sur toutes les lèvres.

Oubliant soucis, maladies et douleurs de l’âme, nous avons retrouvé, le temps d’une chanson, nos vingt ans lumineux avec une kyrielle d’angoisses, de stress, d’amours parfois pernicieuses et d’espoirs enfantins.

Johnny a enchaîné les airs entraînants puis est devenu, un instant, mélancolique avec un blues célèbre puis il a terminé son mini récital d’automne par un vibrant Gabrielle et Les Portes du Pénitencier, se drapant de noir pour la circonstance.

Les anges compatissants sont venus le chercher et nous sommes repartis en emportant les notes oubliées qui ont été reprises par le grillon du foyer.

Au revoir, Johnny, nous guettons ton retour et nous t’apportons les chrysanthèmes blancs de notre amour.

lundi 25 octobre 2021

Perles d'amour

 



Fendant les nuages de son pas aérien au rythme d’une musique céleste insufflée par les anges, Johnny est apparu, drapé dans un costume inédit brodé de perles d’amour et il a chanté avec ferveur en s’accompagnant de la lyre d’Orphée, revisitée par les libérateurs de l’esclavage et de l’ennui sur les bords du Mississippi.

Auprès de Louis Armstrong , de Georges Brassens et de Charles Aznavour, il retrouve des rythmes libres, magnifiant Les Copains d’abord, Emmène-moi et Nobody Knows mixés en un chant inédit dont les notes cascadent sous les doigts d’ Yvan Cassar, son ami terrestre aux évocations sublimées, transcendant l’azur et les grands airs des bardes de Brocéliande.

Le Roi Arthur s’échappe de l’île d’Avallon où il se repose en compagnie des Dames du Lac et il rejoint le Roi des Chanteurs d’un siècle, Johnny à la voix d’or et à la présence toujours sublimée par d’incroyables tenues de scène floquées du thème principal du concert.

Arborant une tunique pourpre brodée de roses d’or, Johnny offre des perles d’amour enrobées dans les bulles de ses notes, ensorcelantes, nous donnant ainsi un maillon de l’immense chaîne qui nous relie à lui, depuis toujours, nous projetant dans un univers féerique pour le reste de nos jours.

Les oiseaux participent à la fête et ajoutent leurs trilles à ce concert inédit et désormais inoubliable, parachevant le rêve après le départ de Johnny, pour notre bonheur du jour.

jeudi 21 octobre 2021

Les fleurs des ténèbres

 



Dissimulées au cœur de gardénias et de catleyas, les fleurs des ténèbres se sont emparées par surprise de Johnny, au son mélodieux de sa guitare, d’un harmonica et d’une sonate au piano revisitée en mode rock par le légendaire Yvan Cassar, capable de transformer en or le bronze de Brocéliande.

Devenu, par ricochet, le voisin de Merlin l’enchanteur, Johnny a profité de sa féerique présence pour raccorder sa guitare et lui donner les accents des ruisseaux du Val-sans-Retour, cascadant sur les galets où se nichent parfois des paillettes d’or fin.

Buvant à longs traits cette eau miraculeuse, Johnny retrouve sa jeunesse, son allant, ses amours et surtout son incroyable talent de troubadour rocker.

Surgissant en éclats couleur sinople, les fleurs des ténèbres ont tenté d’enrober l’âme de Johnny dans une gangue de velours noir pour l’empêcher d’opérer son éternel retour mais c’était sans compter sur la résistance du houx, de la bruyère et des genêts pour protéger le chanteur du silence mortel voulu par les divinités infernales.

Et c’est ainsi qu’il nous est revenu, flamboyant et auréolé d’azur pour nous enchanter une fois encore, de son chant merveilleux, inoubliable, à nul autre pareil.

dimanche 17 octobre 2021

La maison de Bernard


Tant que je le pourrai, je resterai chez toi, Bernard, dans la maison que tu as désirée et remodelée pour la rendre agréable, La Jalousie. C’est là que tu as rendu le dernier soupir, partant vers des lieux inconnus où,  je l’espère,  tu retrouveras des êtres chers, tes parents en attendant ma venue.

Je l’avoue, je suis venue ici un peu à reculons car j’étais restée attachée à ta terre bretonne, son univers légendaire et notre maison conçue pour y vivre de manière moderne, avec de grandes ouvertures donnant sur un jardin que je ne cessais pas d’admirer en préparant mes cours ou en écrivant.

La Jalousie ne manquait pas de charme mais de nombreux défauts la rendaient difficile à vivre au quotidien : pas de moyen de chauffage, mis à part un poêle à bois dans la grande salle rebaptisée par ses propriétaires la salle des vendanges car on pouvait y mettre une immense table destinée à accueillir les vendangeurs. La cuisine était dotée d’une cuisinière fonctionnant au bois, ce qui était parfois problématique pour assurer une cuisson idéale : faute de tirage, le far breton n’en finissait plus de dorer !

Il fallut d’abord parer au plus pressé, équiper la maison de radiateurs de qualité, refaire les ouvertures en s’adressant au meilleur menuisier du coin. Des vitres à double vitrage furent posées dans un encadrement en bois exotique, le meilleur pour éviter l’attaque des insectes proliférant dans la région.

Ensuite, on se sépara de la cuisinière fonctionnant au feu de bois car elle me donnait la sensation de revivre les années difficiles de Cendrillon et on la remplaça par la Rolls des cuisinières, à mes yeux, une Rosières, de couleur bleue et si agréable en comparaison de cette cuisinière qu’à présent nous regrettons tant elle était symbolique et de fonctionnement irréprochable : une amie bretonne, Michèle Le Baut, me confia que c’est par le truchement de cette cuisinière qu’elle avait réussi le meilleur gâteau breton de sa vie, moelleux et doré à souhait.

Je me consolai rapidement d’avoir quitté la belle Bretagne en apercevant, dès que l’on quittait le village de Labastide d’Armagnac pour nous rendre chez nous, dans un quartier nommé Géou, difficilement prononçable pour qui n’est pas landais, une trouée d’arbres qui me rappelait les dessins de Gustave Doré et qui m’inspira immédiatement une suite de contes dont je devins un écrivain suffisamment aguerri pour attirer un éditeur.

Ses travaux de jardinage terminés, Bernard se mettait au clavier et écrivait ces histoires en maniant les touches du clavier avec l’adresse que je n’ai pas.

Il a même contribué à corriger des manuscrits d’amis burundais qui souhaitaient l’excellence pour leurs œuvres avant de les proposer à un éditeur : je corrigeais les épreuves à la main et Bernard transformait l’essai sur le clavier, colonne rouge pour l’erreur décelée et colonne verte pour la proposition d’amendement que je proposais.

Ce travail, nous l’accomplissions de gaieté de cœur car il nous rapprochait encore !

Puis malheureusement, tes yeux qui étaient ta fortune et qui selon une ophtalmologiste rennaise étaient les plus beaux qu’elle eût jamais vus, verts, étoilés de points d’or, se sont voilés et il fallut renoncer à tous ces jeux d’écriture.

De plus, d’autres pathologies se sont manifestées, te réduisant peu à peu à une forme d’impuissance que tu supportais difficilement dans la mesure où l’action avait toujours été ton principal ressort.

Nous avons essayé de rêver encore et toujours mais cela devenait d’autant plus difficile que je n’ai pas, non plus, été oubliée par les divinités infernales qui s’en prennent aux démunis.

Entourée et soutenue par nos fils qui me prodiguent à présent les soins qui me sont nécessaires et embellissent le cadre de notre maison en remaniant la décoration pour me redonner le goût de vivre, encore et toujours, dans ta maison, Bernard, qui est aussi la mienne et celle de nos fils et de notre petit-fils Eloan qui pense sans cesse à son Papi, sculptant un tombeau sur sa gomme pour l’avoir toujours près de lui !

Haut les cœurs, Bernard est toujours parmi nous, au plus profond de notre être et nous le chérissons en vivant dans sa maison, celle qu’il a tant aimée et que nous admirons, à l’unisson !

samedi 16 octobre 2021

Le granit du rêve

 



Un nom s’imposait à Bernard comme le symbole familial d’un Paradis convoité par toute la fratrie au point de susciter des querelles sourdes et intimes, c’est celui du Pas Hamon.

Au terme d’une vie de labeur bien remplie, Henri Roze et Bernadette Letellier, son épouse, se sont retirés, renonçant aux travaux des champs du fait de leur âge.

Henri ne profita pas de sa retraite et ce fut Bernard, venu pour l’aider à présenter ses poireaux destinés à la vente au Marché des Lices de Rennes qui le découvrit mort, sa dernière tâche achevée.

Le Pas Hamon, j’y entrai pour la première fois lors d’une soirée où les douze frères et sœurs convinrent d’en attribuer la possession à l’unique personne de la famille célibataire.

C’était une décision prise par les enfants avec le consentement de leur mère qui était selon eux un moindre mal, les « pièces rapportées » dont je faisais partie apparaissant comme autant d’ennemis potentiels, capables de semer la zizanie dans un univers qui se voulait consensuel et conservateur.

Chacun partit ensuite en ayant vrillé au cœur sa parcelle de Pas Hamon, à la fois légendaire et concrète.

Outre cette ambiance digne d’une nouvelle de Guy de Maupassant, je retins du Pas Hamon l’immensité d’une salle où l’on remarquait une horloge comtoise, une grande photographie où apparaissaient le couple et ses sept premiers enfants, le huitième, Bernard, présent mais caché dans le ventre maternel et une gigantesque cheminée, à l’ancienne.

Bernard avait hérité de son père une carrure imposante, ce qui impliqua la confection de costumes sur mesure.

Il n’avait pas son pareil pour griller les châtaignes au feu de bois, les faisant danser dans l’arasoire d’un geste sûr.

Tout le monde l’admirait en ces moments car ce n’était pas une mince affaire de préparer ce délice automnal pour une cinquantaine de personnes.

Chez nous, à la Jalousie, c’est Jean- Noël qui fait danser les châtaignes avec la même détermination que son père et surtout, il faut bien le dire, le courage d’affronter la flamme sous le froid glacial du soir qui tombe.

Certains se sont demandé pourquoi Bernard avait quitté sa Bretagne natale pour s’installer en Nouvelle Aquitaine, si loin de son berceau familial, rompant avec les liens professionnels qui lui étaient chers et l’image perdue du Paradis, Le Pas Hamon.

Après avoir cherché en vain une propriété qui lui rendrait sa part d’enfance, c’est sur la route d’une station thermale qu’il trouva la perle rare nommée La Jalousie.

C’était un domaine viticole qui avait été géré de main de maître par «  Grand-Mère Julie » puis laissé en l’état par un fils tourné vers la ville, Aire-sur-Adour en l’occurrence et un petit-fils dont la fibre commerciale l’emportait sur l’amour de la terre.

Rennes, son musée, son parc du Thabor, ses quais, ses librairies, notamment Les Nourritures Terrestres où l’on trouvait toujours le livre que l’on cherchait, étaient au centre de mes pensées sans oublier la légendaire Brocéliande, son Val-sans-Retour et sa symbolique féerique mais je pliai face au désir d’un époux qui avait toujours eu un rêve vrillé au corps.

Comme tu as été heureux à La Jalousie, Bernard !

Tu y as retrouvé tes racines.

Tes mains fines d’intellectuel ont pris de la corne alors que tu maniais la faucille, la pelle et la pioche.

Ton jardin était une merveille  et Jean-Noël a ensuite pris la relève, ajoutant des roses et de l’amour en cage pour me faire plaisir.

Tu as également, Jean-Noël, planté de jolis arbres et entretenu un coin réservé aux cucurbitacées et aux piments en tout genre, notamment le piment d’Espelette que tu enfiles adroitement sur un fil après la récolte comme dans le village rendu célèbre pour ses productions.

Tu cuisines tous ces condiments et légumes automnaux, réalisant des veloutés délicieux et tu prépares aussi des conserves pour que nous retrouvions les joies de l’été en plein hiver.

Les récoltes n’ont jamais fait défaut à La Jalousie et, à présent, Jean-Noël s’est même fait une réputation de maître  jardinier, alternant, comme son père, les activités cérébrales et les travaux agricoles.

Jean-Bernard, quant à lui, préfère les activités commerciales.

Je le revois encore, à son retour d’Irlande, du Relais du Sheen Falls Lodge où il était sommelier, déposer sur le buffet de la cuisine,  une liasse de billets, un million de l’époque, toutes ses économies !

Cet apport inespéré nous fut précieux car nous avions emprunté de l’argent à la banque pour financer notre prêt-relais et l’achat des terres attenant à la propriété.

Tu as fixé le cap, mon cher Bernard, si courageux, si actif, servant de modèle à tes fils qui te rendent au centuple tout l’amour que tu leur as témoigné en entretenant magnifiquement ton tombeau et en faisant le maximum pour perpétuer ta mémoire.

Quant à moi, je joue le rôle de l’éléphante du troupeau qui retrouve les chemins perdus qui mènent aux sources du souvenir pour réactiver la mémoire d’un homme valeureux que nous n’oublierons jamais !

 

Frenchie comme Johnny !

 



Qui a pu songer, un seul instant, que Johnny n'était pas français ?
Au vu de cette belle photographie, tout est clair ! Johnny, comme tous les Français de son âge, s'est trouvé deux patries, la sienne, la France et aussi son rêve d'enfant, la fabuleuse Amérique avec ses rythmes de blues, de chansons inspirées par le Mississippi et ses riverains avides de liberté et de beauté !
Eh oui, n'en déplaise à ceux qui voulaient faire de Johnny un apatride et un ingrat, Johnny a fait son service militaire et ici, il arbore fièrement la fameuse quille qui symbolise la fin des corvées en tout genre, parcours du combattant, épluchage de pommes de terre, nettoyage de la chambre avec son lit au carré, bref des occupations que d'aucuns voudraient voir renaître pour peaufiner la cohésion du pays qui fait cruellement défaut aujourd'hui !
Magnifique Johnny, toujours à l'aise dans toutes les épreuves qui se sont imposées à lui !

Perle, la reine des embruns

 



Dans un palais de brume, Perle, la reine des embruns lit et relit L’écume des jours.

Elle a fait construire un piano qui livre des cocktails à l’artiste qui joue des airs d’Érik Satie ou de Frédéric Chopin.

Cette œuvre savourée au rythme des accords savants, elle enchaîne la lecture d’autres romans.

La chartreuse de Parme, Belle du seigneur, Le lys dans la vallée font ses délices or ces livres lus et relus, ils laissent dans l’âme de Perle une sensation de manque mystérieux, une absence indéfinie à la saveur amère, celle de la merveille dont elle porte le nom.

Elle range ses livres, chausse des sandales de cuir et part à la recherche de son double, la perle des grands larges, couleur corail ou rose des sables.

Elle embarque à bord d’un esquif manœuvré par l’un de ses fidèles compagnons.

Au large, la présence des précieuses perles se dessine sous la forme de volutes blanches qui coiffent les vagues.

Les pêcheurs de perles plongent et ne tardent pas à remonter à la surface avec une prodigieuse récolte.

Rentrée en son palais, Perle admire les richesses marines après un bain qui les délivre des scories masquant leur blancheur nacrée.

Perle s’endort sous un dais voilé de roses. Dans la nuit, elle rêve qu’une perle gigantesque éclate au grand jour pour qu’apparaisse le plus beau des princes, aux yeux d’azur et aux mains de violettes.
Il est si beau que la chambre de Perle est irradiée de lumière.

Il s’agenouille auprès de la reine et lui murmure des mots caressants qui s’écoulent à la manière d’une source, prodigieuse et limpide.

Le prince Eugène enlace sa promise et décline les richesses qu’il fera porter en son palais.

«  Il y a longtemps que je vous observe, reine de beauté au nom si bien porté et pour m’unir à vous, je suis prêt à pourfendre tous les dragons de la terre et à conquérir des royaumes inconnus si vous le souhaitez.

Mon ami, seul un cœur pur pourra gagner la reine.

Je vous invite à me tenir compagnie pour que nous fassions connaissance ».

Les deux amants passèrent de longs mois à se promener sur la plage, écrire des poèmes ou participer à la création de bijoux fabuleux mettant en valeur les perles les plus précieuses.

Certains d’être le complément de l’autre, la moitié d’une coquille parfaite contenant une créature merveilleuse à venir, un enfant à la beauté du dieu Amour, chacun des deux amants offrit à l’autre le plus extraordinaire cadeau qui soit, un baiser aux ailes d’ange, diaphane comme les ocelles d’un papillon.