lundi 4 octobre 2021

Petite

 


Petite

C’est ainsi qu’il m’appelait parfois, «  Petite »  et ce simple mot recelait toute la tendresse qu’il éprouvait à mon égard.

Il était né et avait été élevé dans une famille où les marques d’affection passaient pour de la faiblesse.

Il se souvenait qu’un jour, sa mère avait voulu le câliner sur ses genoux en lui chantant une ritournelle destinée à calmer ses ardeurs : «  Tu es bien trop petit, mon petit ami » mais il s’était arraché des jupes de sa mère qu’il aimait pourtant tendrement pour retourner à ses activités : traire une vache en douce et préparer sa propre bouillie par exemple. Un jour il m’a cuisiné une de ces fameuses bouillies et elle était délicieuse !

Dans sa famille, on ne s’embrassait pas, ou si peu. Les garçons se saluaient en se donnant un coup de tête, ce que je ne manquais pas de trouver singulier.

Comme dans ma propre famille, le baiser était de mise mais qu’il s’accompagnait souvent d’hypocrisie et de mensonge voire de haine, je ne prêtais pas à ce comportement de distanciation une importance primordiale.

Bernard a été l’une des rares personnes à prononcer mon prénom en son intégralité.

Il est vrai que Marguerite-Marie est difficile à prononcer et qu’à l’inverse, Marie-Marguerite semble plus mélodieux.

Cependant on ne transige pas avec le nom d’une sainte : Sainte Marguerite-Marie a eu une vision, celle du sacré cœur de Jésus et elle est la seule à avoir reçu ce don.

L’un de mes beaux-frères, Gilbert, inversait l’ordre des prénoms formant l’ensemble composé et il disait plaisamment : «  Je l’ai toujours dans le désordre » ! mais toi, Bernard, tu ne t’es jamais trompé, rendant à mon prénom sa noblesse initiale.

«  Petite » s’est réveillée brutalement face à l’entrepreneur des Pompes Funèbres, acceptant sans tergiverser une offre florale magnifique mais ô combien onéreuse : un chemin de fleurs recouvrait entièrement le cercueil, du plus beau chêne par ailleurs.

J’ai dit ensuite à nos fils que j’avais voulu pour leur père ce qu’il y avait de mieux car il s’était toujours effacé, prétendant qu’il n’avait besoin de rien.

Les comptes se feront au Paradis si Dieu le veut et «  Petite » retrouvera sa place privilégiée auprès d’un mari aimant et toujours attentionné.

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