samedi 28 avril 2018

Le Maître des Horloges



Parler à bon escient, parler vrai, parler d'or, à point nommé, parfois même là où on ne l'attend pas, tel est le marqueur de notre président.
Sans doute a-t-il été impressionné par les films d' Ingmar Bergman, notamment Les Fraises Sauvages où, à la fin de sa vie, un professeur souffre d'un cauchemar dont l'objet central est une horloge cassée, sans aiguilles.
Traumatisé par cette vision, au réveil, il entreprend une analyse de sa vie et finit par conclure qu'il est toujours passé à côté des événements d'importance.
L'obsession d'être en mouvement, d'empoigner le réel à pleines brassées, semble être le fil rouge de l'action présidentielle et si le président a, par certains aspects, une figure stendhalienne, un Del Dongo moderne qui ne recule jamais face au danger, il est aussi, par moments, le tout jeune homme qu'il n'a jamais cessé d'être, courant au devant d'enragés qui brûlent d'en découdre, en toute velléité anarchiste, ou, au contraire vers des amoureux de sa personne qui lui tendent avec ferveur des tablettes pour capter son reflet.
Visage presque fermé, sourire carnassier et main prompte à se poser sur l'épaule d'un adversaire ou allure juvénile d'un Gérard Philipe qui aurait embrassé une carrière politique, c'est le double profil du dieu Janus qui régnait sur le Capitole, annonçant la guerre ou la paix, tel apparaît notre président.
Il s'interdit le mot guerre en bon démocrate qu'il est car il a le souci d'incarner, non seulement son pays, mais l' Europe qu'il porte en lui comme un doux viatique.
Marcher ou mourir, telle pourrait être sa devise et il va, marchant, courant parfois même, pour persuader autrui de la pertinence de sa vision.

lundi 23 avril 2018

Douceur de rose


Dans le cœur d'une rose, un ange s'est blotti et à l'aube, il a fait surgir un palais près d'un oued.
La princesse Ornella a doté toutes les pièces d'apparat de sofas brodés de fleurs puis elle a fait appel à un peintre renommé pour orner les murs blanchis à la chaux de grandes fresques pour célébrer tous les arts reconnus depuis l' Antiquité.
La palme a été accordée à la représentation d'une muse, diaphane et douce au sourire mystérieux.
Une pièce a été meublée pour l'usage d'un enfant.
Poupées, voitures de collection miniature, peluches et jeux de création étaient disposés artistiquement sur des fauteuils en rotin et des coffres d'ébène.
On l'attendait, le bel enfant, le petit prince ou la petite princesse, tout était en ordre.
Dans le jardin, une volière d'oiseaux exotiques apportait la beauté de ses chants harmonieux pour célébrer l' amour.
L'ange blond, niché dans le cœur d'une rose,s'est envolé et a tracé dans le ciel, l'empreinte folle des amours éternelles.

samedi 21 avril 2018

Les parures de la reine


La reine ôta ses bijoux et les rangea soigneusement dans sa cassette.
Le temps n'était plus à la parure mais à la méditation et elle entra dans le palais de sa mémoire.
Des princes y étaient venus pour lui présenter leur plus bel hommage mais pour la reine, seul comptait, à ses yeux, le souvenir de son roi.
Il lui avait envoyé un dernier adieu du bout des lèvres en maitrisant son destrier, pour partir, une dernière fois à une guerre qu'il estimait à la mesure de l'honneur royal et des blessures infligées aux opprimés.
On lui avait rapporté son cœur dans un coffret précieux et des larmes de nacre s'étaient écoulées de ses yeux dont l'éclat avait été chanté mais qui n'étaient plus, à ce jour, que la porte de brume donnant sur les champs de la mort.
Eurydice en son royaume, sans aucun Orphée pour tenter de la ramener à la vie, la reine avait vécu, brûlant les jours, les semaines et les mois jusqu'à ce qu'un chant de rossignol lui annonce que sa délivrance était proche.
La reine rangea sa cassette de bijoux, écrivit ses dernières volontés sur un parchemin azuré et attendit que le carrosse du voyage vers l'au-delà trouve les chevaux blancs qui l'y emporteraient.

mercredi 18 avril 2018

Le prince aux yeux d'émeraude


Mon prince aux yeux d'émeraude, aux mains caressantes, à la douceur de soie et à la voix de velours, je t'enferme dans la bulle mordorée de ma mémoire.
Je t'ai tant aimé que tu t'es incrusté insidieusement en moi et que je t'emporte où que j'aille et te confronte aux tours abolies de mes amours.
Montségur rayonne en mon cœur et j'arpente les dédales de ses ruelles sombres.
Rosemonde y règne en maîtresse absolue et décerne des lauriers aux servants du culte interdit.
Les hommes au cœur pur et leurs gentes dames se croisent en un quadrille à pas glissés, au son de la vielle et du luth oriental.
Mon prince aux yeux d'émeraude, tu ne disparaîtras pas de ce monde tant que je chanterai l'immortel cantique de l'amour courtois.

lundi 16 avril 2018

Magie bleue


Sous les grands arbres d'or, les dames d'atour dansent en interprétant une chorégraphie qui s'harmonise avec les improvisations d'un violoniste inspiré.
Et le soir finit par tomber, interrompant les danses et les mélodies et c'est alors que les rossignols se mirent à chanter, faisant pâmer d'amour toutes les dames d'atour, sauf une qui venait récemment de connaître le désespoir et les meurtrissures infligés par un bel infidèle.
C'est ainsi, soupira une mésange, les chants d'amour les plus sincères proviennent presque toujours des perles d'eau douce qui naissent dans les étangs pour qu'un gentil prince se donne la peine de les recueillir pour les offrir à sa dame d'amour.

dimanche 15 avril 2018

La fontaine des oubliés


Près de la fontaine de l'oubli, j'ai croisé un chevalier qui ne m'a pas regardée alors j'ai supplié la fée du houx de m'accorder une métamorphose et c'est ainsi que j'ai retrouvé jeunesse et beauté.
Je suis partie sur les chemin
s de ronde à la recherche du printemps éternel et j'ai vu des scènes dignes de Botticelli et des Filles du Feu du poète que j'ai tant aimé, Gérard de Nerval, chantre de la mélancolie et du désespoir olympien.
J'ai tressé une couronne de fleurs pour Aurélie et Sylvie et j'ai chanté un succès oublié de la grande Sylvie Vartan, Tout au fond des tiroirs, suivi de La Maritza.
Et alors Johnny est apparu, magnifique et sincère et il a embrassé tous ses enfants réconciliés.
Près de la fontaine des oubliés, j'ai retrouvé mes amours, ma jeunesse et la fée bleue de l'espoir.

samedi 14 avril 2018

Requiem pour un fils


Je ne suis qu'un fils oublié, un fils spolié et je pleure mon enfance reniée.
Les sirènes du Mississippi emportent ma peine et les anges de ma vie atténuent mon chagrin.
Dans le grand bleu de mon cœur, des tambours résonnent et me somment de marteler le sol au rythme de mes chansons qui deviendront immortelles et s'égrèneront en bord de Seine, le fleuve chéri par Apollinaire et Hemingway.
Demain, c'est promis, je reprendrai ma guitare, je chausserai mes bottes de sept lieues et je m'en irai par les chemins, une chanson aux lèvres, comme les troubadours.
Je ne suis qu'un fils, un fils rebelle qui se meurt de n'avoir pas été aimé.

jeudi 12 avril 2018

Le bal des fauvettes


C'est au son des violons que le prince Muguet enlaça la princesse Myosotis et de cette union, naquit le prince Printemps.
C'était un bel enfant rieur, aux jolies boucles et aux joues roses.Il aimait courir dans les champs et rapportait à sa mère de magnifiques bouquets de fleurs diverses dont il jonchait sa chambre d'enfant pour mieux les peindre ou composer une ode à leur beauté.
Le temps passa à une allure vertigineuse, la princesse mourut, laissant un orphelin inconsolable.
Sa douleur fut incommensurable lorsque son père décida de se remarier. Une certaine Violette qui appartenait à la société campagnarde mais dont la beauté pouvait l'élever au rang de princesse fut l'heureuse élue.
Pour ne pas voir le déroulement des noces, le prince Printemps s'en fut dans un pays lointain et à dater de ce jour, les fleurs de myosotis se firent rares et l'on pleura les noces merveilleuses au son des violons et nombre de musiciens composèrent des madrigaux et des sonates qui firent rêver les jeunes filles du royaume, naïves et certaines de se voir aimer jusqu'à leur dernier souffle.

vendredi 6 avril 2018

De Chopin à Tardieu, un héros stendhalien



"De mémoire de rose, on n'a jamais vu mourir de jardinier" : Voici un adage qui pourrait être celui qui le motive, songeait la dame de cœur en suivant le vol de l'oiseau bleu et cette rêverie la ramena à l'époque où cet ovni, mi-adolescent, presque un enfant, mi-vieux sage de la montagne, avait fait irruption dans son cours de théâtre, bouleversant sa vie sentimentale après avoir métamorphosé sa vision de la geste théâtrale.
" A l'aube ! oui, à l'aube, nous partirons ! Avant que l'on sache ! ...Nous roulerons sans bruit !...Au premier soleil, nous y serons...
....
Comme des graines plantées, nous sommes comme des graines ...comme des graines ! ...attendant le réveil !..."
Ces bribes de La Comédie du langage de Jean Tardieu résonnaient en elle, trouvant une seconde naissance, s'imprimant dans le quinquennat qu'elle suivait, en fidèle épouse à ses côtés.
Une passion stendhalienne s'était emparée d'elle, à la vue de cet enfant qui portait en lui les forces vives de l' Histoire.
Tour à tour révolutionnaire et martial comme le fondateur de la V ème République, profond, poète et fin politique comme son successeur et parfois aussi, primesautier et amoureux des arts comme aucun président ne le fut, il était à nul autre pareil.
On avait taxé l'un de ses prédécesseurs de Florentin et d'adepte de Machiavel mais l'on trouva dans les carnets de la femme qu'il aimait, des petits mots arrachés à la tourbe des jours, si désuets et passionnés que l'on demeurait pantois.
Rien de tel chez l'être qu'elle aimait.
Il n'avait rien de commun avec les rappeurs et les slameurs du temps, rien non plus avec Baudelaire ou Rimbaud qu'il aimait jusqu'à pouvoir les citer à l'improviste, non, il était lui même, un être complexe comme se plaisaient à le dire ses soutiens afin de repousser les chroniqueurs qui n'étaient pas à son niveau.
Sentant le poids de sa responsabilité maritale, la dame des lieux éprouva le besoin d'écouter un nocturne de Chopin mais elle songea que ces notes passionnées, empreintes de mélancolie ne seraient pas en adéquation avec l'atmosphère feutrée et philosophique des lieux et elle préféra se concentrer sur l'évocation des mains fines de son mari, courant sur les touches du clavier comme à l'époque où il rêvait peut-être d'une carrière de virtuose.

lundi 2 avril 2018

La princesse aux yeux de faïence


La princesse aux yeux de faïence
Il était une fois une princesse aux yeux de faïence bleue, un Vermeer vivant, avec un turban turquoise pour maintenir ses cheveux d'or et une perle à l'oreille, longue, nacrée où l'on voyait le monde.
Elle vivait dans un domaine boisé et elle aimait s'y promener pour donner des plantes fraiches aux biches qui se laissaient apprivoiser. Elle recueillit un jeune faon, blessé par les chasseurs et refusa farouchement de leur livrer cette proie promue à la dague et à l'art que pratiquait Tristan avant de tomber éperdument amoureux d' Yseult aux cheveux d'or.
La princesse se nommait Aurore et elle honorait ce prénom en accomplissant des promenades matinales, accompagnée désormais par son faon.
C'est au cours d'une randonnée dans les bois qu'elle se trouva en présence d'un prince qui cueillait de jolies fleurs, jacinthes sauvages si parfumées et jonquilles belles comme le soleil.
Ils échangèrent peu de mots mais tout de suite, ils surent qu'ils étaient faits l'un pour l'autre et ils revinrent au château de la belle Aurore en se tenant la main.
Le prince André avoua à sa promise qu'il l'avait prise pour une fée tant sa beauté était hors du commun. Rose de plaisir, Aurore s'abandonna à son bien aimé et ils vécurent ainsi de nombreuses années sous le regard attendri du faon qui s'était métamorphosé en un magnifique cerf.
Il ne voulut pas renouveler une expérience malheureuse avec les chasseurs et vécut au domaine, toute sa vie durant.