mercredi 30 juin 2021

La fée des landes

 



Si, d’aventure, vous quittez un chemin pour couper à travers bois dans les landes de Gascogne, vous risquez d’entendre distinctement un bruit de clochettes.

Une cape de laine vous servira d’écran aux attaques des elfes et lorsque vous arriverez dans une clairière, asseyez-vous sur un tronc d’arbre et attendez.

Il n’est pas impossible que vous assistiez à une ronde féerique destinée à faire jaillir les eaux vives d’une source enchantée.

La belle Camélia se trouva dans cette posture. Partie pour vendre ses travaux de broderie à la ville, elle prit un chemin de traverse et se trouva soudain dans un lieu qui lui parut magique.

La lumière, les parfums, l’herbe parsemée de fleurs merveilleuses, les papillons, les coccinelles, les mantes-orchidées formaient un ensemble féerique.

Sensible à tous ces jeux de lumière et heureuse de s’enrichir des parfums associés aux chants d’oiseaux, Camélia fit une halte près d’un ruisseau.

Elle s’assit sur un arbre banc qui semblait avoir été posé là pour inciter à la rêverie et à la création poétique sous toutes ses formes, écrits, peintures, compositions symphoniques ou chansons pastorales.

La jeune fille se contenta d’engranger les sensations, se promettant de les exploiter pour enrichir ses futures broderies.

C’est alors qu’apparut, venu de Venise qui s’enfonçait sous les flots, le prince Alméda, en quête de granit et d’arbres destinés à protéger son palais de la montée irréversible des flots.

En apercevant Camélia, il oublia l’objet de sa quête.

Il lui demanda la permission de s’asseoir à ses côtés, ce qu’elle lui accorda bien volontiers tant il était avenant et conforme à la bienséance.

Tous deux rêvèrent, laissant vagabonder leur imagination dans le palais du rêve.

Ils marchèrent sur les dalles marbrées de rues jalonnées de petits palais emplis de tableaux vénitiens et d’objets en cristal venus de Murano.

Un orchestre invisible entama un grand air de Verdi et des roses magiques surgirent d’un Thabor propice à la méditation.

Enfermés dans une bulle turquoise, les deux amants, obéissant aux injonctions de la fée des landes, unirent leurs destins si différents jusqu’à leur rencontre.

Camélia emporta la féerie des landes de Gascogne à Venise et elle tapissa les murs vierges du palais de son époux de ses broderies aériennes où fleurissaient les orchidées et frémissaient les papillons tandis que les oiseaux se livraient à un opéra si mélodieux qu’il leur naquit un petit Mozart attentif à la splendeur de la terre, de la mer et du ciel réunis sous une arche arc-en-ciel, celle du bonheur !

mardi 29 juin 2021

Les trois perles

 



Dans un royaume insulaire défendu par un rempart de constructions évoquant les sirènes, ornées de corail et de fleurs exotiques, des perles faisaient la renommée de leurs pêcheurs car elles étaient de trois couleurs, blanc nacré, noir et une couleur singulière que l’on baptisa don de Vénus.

La perle don de Vénus offrait un kaléidoscope de couleurs irisées évoquant la chair pulpeuse de la déesse.

C’était naturellement la plus prisée et lorsqu’elle disparut tout à coup, échappant aux filets miraculeux des pêcheurs de rêves, ce fut un événement ressenti à la manière d’une catastrophe.

Le roi Philéas promit une énorme récompense à qui lui rapporterait la perle divine et nombreux furent ceux qui se mirent sur les rangs des conquérants car il se disait sous le manteau que la récompense inédite, en plus des lingots d’or annoncés, consistait à l’offrande céleste de la main de la plus jeune des princesses dont la beauté était hors norme.

Un jeune pêcheur de corail prénommé Lilo aperçut au retour d’une fructueuse plongée, une sirène dont le cou était paré d’un collier de trois rangs de perles de Vénus.

Elle était élégamment juchée sur un rocher, une lyre à la main et elle chantait une mélodie ancienne avec tant de charme que Lilo se sentit attiré comme par un  aimant.

Il s’approcha de la merveilleuse créature, captivé et plein de désir.

La jolie sirène lui demanda un don de corail car elle souhaitait s’en parer.

Lilo lui tendit les plus beaux spécimens qu’il avait arrachés à l’océan. Pour le remercier, la sirène mit son joli collier de perles dans un sac tissé d’algues brunes et lui donna un baiser qui le remplit de confusion et de passion.

Puis elle plongea dans les flots en éclaboussant le jeune homme d’une vague d’écume qui se transforma en une frange de perles que Lilo ajouta au corail qui lui restait.

Lilo rentra chez lui plein d’ardeur et de joie et il cuisina une matelote de poissons frais, mangea et se doucha pour prendre un repos apaisé.

Son trésor, corail, collier de perles et perles de Vénus offertes par l’écume des vagues, fut mis soigneusement à l’abri dans un coffre en bois ciselé.

Le lendemain, il se présenta chez le roi Philéas et lui tendit le coffre.

Le roi n’en crut pas ses yeux : les perles miraculeuses étaient de retour !

Il demanda à son chambellan de conduire le jeune pêcheur dans un appartement luxueux.

Lilo fut traité comme un hôte de marque.

Des serviteurs lui firent prendre un bain parfumé, le massèrent à l’aide d’un onguent qui fit disparaître les cicatrices laissées par les morsures océanes.

On lui fit endosser un magnifique costume d’apparat.

Ainsi préparé, il fut invité à prendre place sur un sofa dans un salon où on lui servit du thé, des biscuits à la rose et des fruits déguisés en pâte d’amande.

Des danseuses firent une entrée au son d’un tambourin et elles exécutèrent une chorégraphie enchanteresse qui plongea le jeune homme dans un état voisin de l’extase.

Puis vint le moment de goûter à des mets dont il ignorait la délicatesse, notamment une pastilla aux pigeons et aux amandes.

Il passa quelques jours enchanteurs puis vint enfin un moment merveilleux : la princesse Djamila lui fut présentée dans un jardin du palais.

Escortée par sa dame de compagnie, la jeune fille dont la beauté n’avait d’égale que la prestance due à son rang, l’encouragea à parler en le félicitant pour son exploit.

Avoir fait revenir les perles de Vénus dans le royaume était digne d’un personnage de haut rang ce qui lui valut un statut supérieur à celui de pêcheur de corail qui était le sien.

Elle lui offrit un diplôme, un éventail princier et une barrette de commandeur du royaume.

Ils se quittèrent à regret et ce fut le point de départ d’une idylle charmante qui fit oublier à Lilo les difficultés de la pêche du corail.

Leur mariage fut célébré avec faste et l’on dit qu’une sirène déposa sur le sable une parure de perles fines pour la mariée et une tunique bleu turquoise brodée de perles et de corail pour le gentil pêcheur qui n’avait pas hésité à lui faire don de sa récolte arrachée aux fonds océaniques au péril de sa vie !

mercredi 23 juin 2021

La nuit de Johnny

 



Le cœur brisé en deux comme une grenade mûre éclatant au soleil, Johnny s’est égaré dans la nuit de ses souvenirs, ravivant les morsures cruelles de l’amour passionnel vécu tant de fois !

Sa fidèle amie à la main, sa guitare «  ni tout à fait la même ni tout à fait une autre », il part sur les chemins du désespoir pour que renaissent les pervenches de sa jeunesse enfuie.

Des enfants jalonnent sa route et lui rendent un monde perdu.

Pour eux, il retrouve les grands airs du Far West, se déhanche comme Elvis et réalise des prouesses scéniques, la semelle de ses bottes résonnant à la manière des danseurs de claquettes.

Johnny incarne à jamais la nuit immortelle des amants éperdus, fous d’amour et d’éternité bleue !

mardi 22 juin 2021

Les chevaliers de la rose d'or

 



Dans un royaume lointain, bordé par une mer céleste où abondaient les perles et les coraux, vivaient des chevaliers qui arboraient une rose d’or sur leur bouclier.

Ils menaient parfois des expéditions destinées à la vérification du bon ordre régnant dans les zones habitées.

Le chevalier Bertrand de la Tour Noire dont les ancêtres avaient récolté le fruit des vignes en terroir cadurcien, se trouva détaché de ses compagnons du fait d’une épine plantée dans l’une des jambes de sa monture, près du sabot.

Un médecin spécialisé dans l’art de soigner les chevaux ôta l’épine et appliqua un baume cicatrisant sur la plaie.

Il invita le chevalier à passer la nuit dans sa demeure, l’assurant que l’un de ses valets nourrirait et bouchonnerait sa monture dans les règles de l’art.

Le chevalier accepta l’invitation et il ne regretta pas sa décision car l’hospitalité du médecin frisa la perfection.

Dame Odile apporta un pichet de cidre et en remplit des hanaps, agrémentant cette boisson ancestrale d’un assortiment de beignets aux pommes, de tartelettes à la crème, enrichies de fruits des bois et de pommes d’amour.

Puis elle s’activa à la cuisine pour servir ensuite un plat de viande  en sauce épicée de baies de genièvre et d’airelles, aromatisée de sauge, de thym et de romarin. Un vin chaud liait les sucs de viande confite singée de farine fleurie.

Ce même vin servant à lier la sauce fut servi à table : c’était un bon vin de Tursan, un château Bourda plus précisément et les deux hommes lui firent honneur.

Un plat de topinambours à la crème aida à faire glisser les morceaux de viande en leur octroyant une belle onctuosité.

Le dessert consista en un assortiment de petits gâteaux variés qui révélaient le savoir-faire et l’inventivité de la maîtresse des lieux.

Antoine, son mari, félicita chaleureusement son épouse et le chevalier s’inclina devant cette hôtesse dont la beauté n’avait d’égale que son talent culinaire.

Il se promit de lui envoyer un collier de trois rangs de perles dès son retour en son fief.

Le chevalier passa une excellente nuit dans une chambre parfumée à la lavande et à la rose.

Après un petit déjeuner complet où les œufs à la coque faisaient bon ménage avec des crèmes et de la brioche aux fruits confits ainsi qu’un grand bol chicorée au lait crémeux, il prit congé de ses hôtes, retrouva sa monture guérie et partit, non sans avoir dissimulé une bourse de louis d’or dans un bouquet de fleurs des champs où figuraient des marguerites et des pavots. Il avait envoyé une petite fille du domaine cueillir ces fleurs  moyennant un beau louis d’or.

Il traversa une forêt profonde.

Plongé dans ses pensées, il ne vit pas que les fourrés devenaient de plus en plus épais et que la lumière se faisait désirer. Les feux follets lui servaient de repères.

Craignant de voir sa monture blessée à nouveau, il profita d’une clairière où l’on avait érigé une fontaine.

Il but de l’eau fraîche avec bonheur et offrit la pareille à son étalon qui répondait au joli nom de Prodige.

Il s’assit sur la margelle de la fontaine, effeuilla une marguerite en rêvant et c’est à peine s’il fut surpris de voir une ravissante jeune fille, une cruche à la main. Elle venait se ravitailler en eau pour sa maisonnée lui dit-elle.

Elle portait précisément le nom de Marguerite, ce qui apparut, aux yeux du chevalier, comme un magnifique prélude à une romance étoilée.

Ils devisèrent aimablement.

La jeune fille lui apprit qu’elle vivait non loin de là.

Comme le chevalier avait une noble apparence et qu’il était soucieux des prévenances, elle l’invita à passer la nuit à ses côtés.

Heureux de cette invitation en terre poétique, le chevalier lui emboita le pas, tenant Prodige par ses guides.

Ils arrivèrent près d’une maison en briques roses, pimpante et fleurie, des camélias couvrant le mur et le parant de soieries florales.

Les parents de la jeune fille étant partis pour la foire de Beaucaire, les jeunes gens se trouvèrent seuls.

Le chevalier s’occupa de Prodige puis il coupa du bois pour faire une flambée dans la cheminée.

Marguerite alla chercher des œufs dans le poulailler, de la salade dans le potager et elle fouetta une préparation campagnarde additionnée de crème pour faire une omelette à laquelle elle ajouta de la ciboulette.

Elle déposa des feuilles de laitue romaine dans un grand saladier, y ajoutant des cerneaux de noix, des amandes et des cubes de chèvre frais. Un vinaigre de cidre vieilli en fût de chêne et des framboises, ajoutés à de l’huile de noisette agrémentèrent l’assaisonnement de la salade.

Le chevalier félicita la jeune fille pour ses talents de cuisinière et il se régala, au dessert, de fromage frais agrémenté d’un coulis de fraises.

Ensuite, respectant les usages, le chevalier voulut prendre congé car il se souciait de la réputation de son hôtesse mais la charmante Marguerite le pria de rester en sa compagnie.

«  Une amie viendra ce soir en compagnie de son époux et ils se feront un plaisir de me prêter main forte pour respecter les usages de l’hospitalité et de la courtoisie » dit-elle enfin afin de briser la résistance du chevalier.

Le couple ne tarda pas à arriver.

Olivier était un troubadour doté d’une voix chaude et il interpréta une romance qui semblait provenir du Roman de la Rose.

Son épouse, Bérangère, dansait la volte avec une remarquable légèreté et, en compagnie de son époux, elle exécuta un très joli pas de danse qui transporta les jeunes gens dans un univers féerique.

Ne voulant pas être en reste, Bertrand prit sa mandoline et il chanta une ballade guerrière qui avait une mélodie si particulière que chacun applaudit spontanément.

Marguerite s’adonna aux préparatifs de la nuit et bientôt ceux qui se sentaient unis par les liens amicaux se retirèrent pour goûter les effets d’un sommeil réparateur, riche en rêves délicats.

Le lendemain, chacun reprit sa route.

Bertrand remercia ses nouveaux amis avec effusion et il leur demanda, comme une grâce, d’accepter une invitation à venir quelques jours dans son château : il leur réserverait un accueil chaleureux, plein de surprises avec un apparat digne d’eux.

Décidé à rejoindre le groupe des chevaliers à la rose d’or, il offrit à chacun une magnifique création en or pur qui symbolisait la rose chevaleresque de leur idéal.

Pressé de retrouver ses compagnons, il poussa sa monture et finit par remonter son handicap.

Soulagé de les apercevoir au détour du chemin, il éluda les questions, se contentant du récit réduit à son minimum pour relater l’ensemble de ses aventures.

Leur randonnée touchait d’ailleurs à sa fin.

Satisfaits de ne pas avoir rencontré de bandits voire des assassins, les chevaliers rentrèrent dans leur foyer.

Bertrand put alors se livrer à des préparatifs soignés pour une réception digne de la jolie Marguerite et de ses autres invités.

Lorsque tout fut prêt, il lança les invitations, envoya son cocher avec le carrosse des fêtes et un attelage flamboyant à destination de la maison où il s’était senti si heureux, n’oublia personne, le couple d’artistes ainsi que le médecin et son épouse à qui il avait envoyé un collier de perles d’une rare beauté comme il se l’était promis.

Le jour de la fête arriva.

Venue quelques jours auparavant pour prendre ses marques, Marguerite découvrit avec ravissement une suite de pièces qui lui étaient destinées.

Une armoire contenait de magnifiques robes qui s’adaptaient à tous les événements de la journée et des soirs de fête.

Des robes qui rivalisaient avec les plus merveilleuses créations destinées à séduire une princesse dans le conte Peau d’Ane auraient pu s’appeler robe couleur d’argent, couleur de feu ou couleur de prairie avec un tapis de marguerites brodées d’or.

Marguerite ne put résister au plaisir de revêtir la robe couleur de prairie et lorsqu’elle descendit dans la salle à manger, elle fut frappée par la beauté du chevalier qui s’apparentait à la légende de son enfance.

Vêtu d’un pourpoint de feu, Bertrand avait l’allure d’un prince et c’est ainsi qu’elle accepta sa demande en mariage, assortie d’un anneau d’or serti de pierreries.

Les fêtes se déroulèrent aux accents d’une noce improvisée et lorsque tous les invités eurent pris congé, Bertrand porta sa belle épousée dans le lit nuptial aux longs voiles brodés et ils s’aimèrent jusqu’à la fin des temps.

jeudi 17 juin 2021

Pour un amour de marguerite

 



Si Ronsard m’avait chantée, je serais présente dans tous les poèmes d’amour mais il a préféré les charmes ineffables de la rose et de ses multiples attraits.

Pétales séchés, essences de parfum, confitures et gelées, tout est destiné à sublimer cette fleur royale sous toutes ses formes.

Rien de tel chez la marguerite qui ne peut susciter l’intérêt de l’esthète qu’en jouant le rôle de révélateur au cœur d’un bouquet magistral.

Petite marguerite, préserve tes pétales car une coutume exige que l’on t’effeuille sans pitié pour tenter d’avoir une option amoureuse sur le cours du destin.

Une roue en biscuit imbibé de liqueur au goût de cerise sert de base à un gâteau où alternent des couches de crème légère et de gelées fruitées, surmonté de petites figurines en tenue de noces.

On gardera à vie, sous globe de verre, la couronne de fleurs d’oranger de la mariée et les petites figurines, lustrées, seront placées dans une vitrine, rappelant à chaque instant les minutes d’une merveilleuse et exceptionnelle journée de noces.

Outre le spectaculaire gâteau de mariage, de petites tartelettes en pâte sablée, garnies de crème vanillée étaient décorées de pétales de marguerites en pâte d’amande, le cœur de la fleur consistant en une délicieuse gelée d’abricot.

Toutes ces marguerites pâtissières ont disparu en un clin d’œil dans une lyrique envolée gourmande.

Qu’elles soient présentes dans les prairies de la Carte du Tendre, dans les herbiers, Les Petites Filles Modèles de la Comtesse de Ségur, dans des compositions florales ou gastronomiques, les marguerites tiennent leur rang floral, jetant leur note virginale dans un désir d’éternité.