mardi 8 juin 2021

Les lavandières du soleil

 



Dans les chansons populaires, les légendes bretonnes, lors d’épisodes pittoresques de romans de société, les lavandières apparaissent, hautes en couleurs, le battoir à la main et la langue volubile pour accompagner le mouvement du poignet et le déhanchement du corps emporté par la mobilité extrême de l’exploit.

Le Cheval d’Orgueil de Per Jakez Hélias, oscillant entre la sociologie, l’histoire d’un village et d’une famille en particulier sur fond d’anecdotes s’ajoutant à la poésie d’un terroir ancré entre le granit et l’océan, met en scène, dès les premières pages, ces femmes courageuses aux prises avec la la grande lessive mensuelle.

Plus d’une y a laissé la vie en entrant dans l’eau glacée pour rincer le linge de toutes les lavandières à tour de rôle tant le contraste entre le lessivage actif producteur de chaleur et la dernière opération destinée à supprimer les traces du nettoyage minutieux était vif et porteur de troubles pulmonaires.

Rien de tel chez les servantes de Nausicaa, lavant le linge en bord de mer : selon le poète Homère, le linge n’était pas sale, il était seulement froissé et défraîchi de par son entassement dans les coffres destinés aux vêtements.

Un songe avait été envoyé à la princesse afin qu’elle se rende près du fleuve où Ulysse , nu et couvert d’écume après un naufrage ultime, se cachait dans les roseaux.

Seule une princesse de haut rang pouvait reconnaître en ce naufragé dissimulant sa nudité sous des feuillages un roi poursuivi par le destin.

De nos jours, dans l’hexagone, des lavoirs ont été réhabilités tant le souci de la préservation de l’histoire locale est prégnant.

Dans ma petite commune de Labastide d’Armagnac, un lavoir de toute beauté a fait l’objet d’une restauration soignée.

On y rêve de toutes ces dames qui, fort heureusement pour leur santé, ont troqué le battoir pour un  mécanisme sophistiqué rendant la lessive accessible à tous, sans efforts physiques.

Des peintres renommés, Paul Gauguin, Eugène Boudin entre autres ont peint ces dames sous des angles divers, selon leur penchant artistique, mettant l’accent sur leur beauté ou la difficulté de leurs gestes répétés.

Quant à moi, je rêve de lessives historiques se déployant de chaque côté de la mer Méditerranée : les lavandières jetteraient entre les deux rives opposées des ponts de soie et de satin pour que la beauté resplendisse sans réserve et sans accroc sur deux peuples que tout destinait à l’harmonie et qui se sont déchirés, pour des plantations d’orangers, des vignobles et autres richesses naturelles nécessitant les rudes efforts d’hommes et l’apport coutumier des femmes, cuisinant les agrumes sous toutes les formes et recueillant au préalable les fleurs d’orangers pour en faire des parfums.

Déesse Athéna, je t’en conjure, œuvre de toute ta divine ardeur pour que les hommes vivant sur les rives de Mare Nostrum rangent définitivement leurs armes et leurs casques guerriers et s’affrontent uniquement, une plume à la main, sur le terrain de l’harmonieuse poésie !

Que la langue d’Homère revienne dans nos cités pour que renaisse le parfum de la liberté citoyenne éprise de paix et de respect de l’autre !

Les lavandières de nos jours, lavandières du soleil, marcheront sur un pont de perles et de soie pour s’unir avec l’espoir de mettre un terme aux ardeurs guerrières de leurs maris, frères, pères et cousins.

Lavandières du soleil, j’ai foi en vous !

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