Désireux de sortir de l’impasse amoureuse dans laquelle il se
trouvait face à l’élue de son cœur, Orion décida d’organiser un bal costumé et
d’inviter la fine fleur des royaumes voisins à venir prendre un peu de bon
temps.
Il envoya des invitations choisies, composant un poème pour
chaque participant éventuel, ce qui lui valut la notoriété qui lui faisait
défaut jusqu’à présent.
Il n’était plus l’elfe aux pieds d’argent dont on redoutait
les maléfices mais un bel esprit, capable du meilleur en société.
Quelques mères rêvèrent de l’avoir pour gendre et choisirent
le costume de leur fille en vue de l’éblouir.
Les couturières durent reproduire des robes de Cendrillon, de
Peau d’âne ainsi que les tenues portées par Belle à la demande de La Bête.
La robe couleur du temps fut si souvent demandée que pour
éviter les similitudes, les couturières durent rivaliser d’ingéniosité en composant
un nuancier délicat dans les variantes impliquées au temps.
Les tailleurs, de leur côté, avaient fort à faire pour varier
les costumes de prince charmant.
Le prince Fuchsia choisit d’apparaître en prince Muguet.
Quant à Marjolaine, la princesse aux yeux d’azur, elle opta
pour le costume ancien de La Belle au Bois Dormant.
Tandis que chacun s’appliquait à paraître sous son plus beau
jour, Orion s’affairait pour que le banquet accompagnant le bal fût somptueux.
Un gâteau-perles fut créé à grand renfort de crème, de
fruits, de glaçage subtil sur une tour de génoises à la cuisson parfaite.
D’autres gâteaux originaux furent confectionnés en secret.
Ils ne seraient mis sur la table que le
soir du bal.
Le plus beau consistait en une réalisation destinée à la
reine du bal, la princesse Camélia.
Toutes sortes de boissons rafraîchissantes et revigorantes
étaient prévues ainsi qu’un élixir de longue vie à base d’ambroisie. Ce
breuvage divin ne serait servi qu’avec parcimonie.
Le grand jour arriva. Orion accueillit tous ses invités,
enveloppé dans une cape argentée. Il portait un loup aux volutes subtiles de
camélia, envoyant ainsi un message subliminal à sa belle d’amour.
Camélia portait une robe de princesse orientale. Shéhérazade
renaissait en elle. Son diadème portait l’inscription des Mille et une Nuits en
cabochons précieux.
Ces messages lancés, l’orchestre attaqua les premières
mesures d’une valse, Le Beau Danube Bleu. En hôte parfait, Orion s’inclina
devant la princesse aux yeux d’azur et l’enlaça, avec l’autorisation de son
mari, pour rendre hommage à l’éclat céleste de celle qu’il avait aimée jusqu’à
en perdre la raison.
Des couples se formèrent pour les rejoindre sur la piste de
danse et le prince Fuchsia s’inclina devant la belle Camélia pour respecter la
symétrie des danseurs.
Chacun retrouva sa partenaire lors de la danse suivante
rythmée par le célesta.
Les princes n’avaient d’yeux que pour Camélia et Orion sentit
le poison de la jalousie pénétrer dans son cœur.
La pièce montée à l’effigie de la princesse suscita l’admiration
de tous ce qui la rendit plus désirable encore.
Orion se demandait si cette idée de bal n’était pas une
erreur quand un événement imprévu perturba le cours de la soirée.
Des oies sauvages s’invitèrent à la fête et firent un sort
aux gâteaux somptueux destinés à augmenter les velléités amoureuses de tous.
Ce n’était pas méchant mais cette intrusion jeta un froid sur
l’assemblée.
Chacun trouva un prétexte élégant pour se retirer et Camélia
se sentit obligée de rester auprès d’Orion, déçu par la conclusion de ce bal qu’il
avait voulu parfait.
La déconvenue fit ce que les splendeurs du bal n’avaient pu
réaliser : Camélia reçut un baiser de son prince charmant sans cesse
repoussé jusqu’à présent.
Puis ils se dirent mille riens et convinrent qu’un avenir
radieux les attendait.
Pour notre mariage, dit Orion en souriant, j’interdirai à
tout volatile sauvage de violer notre espace aérien afin que cette cérémonie
inoubliable ne soit pas gâchée.
Et tous deux s’endormirent enlacés dans les draps de soie de
l’amour.