vendredi 30 décembre 2022

Roc à coeur perdu


Façonné dans le grès bleuté de la roche tarpéienne de ses désirs, Johnny s’est campé dans une posture à voltes faces, passant du blues au rock avec une étonnante facilité.

Inspiré par ses amours, il a chanté sous tous les registres, de la passion au désespoir, voire au crime comme dans l’incroyable Requiem pour un fou dont il était le seul à pouvoir donner une densité passionnelle avec une rare authenticité.

Métallique et romantique, le cœur fondant sous les appels des sirènes, il a vogué au gré des flots, affrontant les tempêtes et vivant les amours fleuries des Révoltés de la Bounty, réservant ses dernières déclarations à cœur ouvert à ses filles Jade et Joy, attendant de Laura, sa fille bien aimée, faite à son image, le bébé qui constituerait sa lignée artistique.

Il est parti vers les étoiles, un soir de relâche et depuis, nous attendons qu’il nous revienne, fidèle, attachant et si dévoué à son public d’amour.

La reine et l'oiseleur


Dans un royaume bleu vivait une reine répondant au doux nom de Pervenche.

Elle aimait arpenter les chemins de traverse de ses domaines et récoltait les merveilles de la nature, fleurs, champignons, fruits des buissons épineux dont on ferait d’excellentes confitures au château.

Un jour, elle entendit un chant mélodieux, elle chercha à l’identifier, en vain.

C’était un oiseleur qui usait d’un pipeau pour piéger ortolans, grives, perdrix et tout autre volatile destiné à figurer en bonne place sur une table festive.

L’oiseleur avait des yeux émeraude qui scintillaient sous le soleil, envoyant des ondes énamourées aux jeunes beautés qu’il rencontrait.

Dame Pervenche ne fut pas insensible à l’éclat de ses beaux yeux et elle sourit, découvrant des dents de nacre.

Tous deux marchèrent de concert, l’oiseleur capturant au passage des oiseaux dont il espérait tirer un bon prix.

«  Je vous en donne le double, voire le triple, mon bon ami si vous relâchez ces volatiles innocents qui ne demandent qu’à vivre ».

L’oiseleur ne put se résoudre à rendre la liberté aux oiseaux capturés par la grâce de son pipeau et il baisa la main de la reine avant de disparaître à l’horizon.

Une énorme tempête doublée d’une tornade blanche dévastatrice éclata avec une telle violence que Pervenche dut son salut à un aigle qui l’emporta pour la déposer sur les marches de son château.

Un déluge de feu et de glace et de pierres enflammées s’abattit sur le royaume bleu et lorsque le calme revint, il ne restait de l’oiseleur que son pipeau.

Une tourterelle la déposa au pied de la reine, signe d’un monde disparu, cruel et peu enclin à s’incliner devant la beauté à l’état naturel.

Dans les cuisines, on prépara un menu festif composé des fruits et des tubercules récoltés dans les domaines bleus de l’île Royauté de Dame Pervenche.

Les invités ne regrettèrent en aucune manière le sacrifice des ortolans et autres oiseaux à la chair exquise et l’on se réjouit de les voir voler en toute liberté, loin des rets d’un oiseleur pernicieux et cruel.

dimanche 25 décembre 2022

La reine des étangs chimériques


Au pas du houx, la reine se promène près des étangs de son domaine, cueillant çà et là des roses de Noël, de la bruyère, du houx fleuri pour en faire une couronne qu’elle suspendra à la porte de son manoir pour y piéger le bonheur.

Ses lutins de compagnie et ses dames d’atour la suivent à bonne distance car ils savent respecter le protocole.

De plus, la reine Clotilde chante souvent des refrains qu’elle compose au cours de sa promenade et pour trouver le mot juste, elle a besoin d’intimité.

«  Le prince du houx a rendez-vous avec l’amour mais il ne le sait pas. Il suit un vol d’oies sauvages et ce triangle d’espoir le guide vers des étangs chimériques où chacun s’abritera, loin des chasseurs et des prédateurs avides de bouillons à base de gallinacés.

Les oies sauvages s’endorment au sein des buissons de houx qui éloignent les fâcheux.

Le prince les imite. Il choisit le plus beau buisson fleuri pour s’allonger à son pied, sur une couche de feuilles mortes mordorées.

Il contemple les étoiles, se fixe sur Orion et rêve d’une rencontre avec la princesse de cœur qui l’attend ».

Satisfaite de sa création, la reine Clotilde s’assied sur un banc pour noter les paroles avant que sa mémoire ne les efface et au moment où elle mettait le point final, le prince apparut.

Il s’assit sans mot dire à ses côtés et tous deux commencèrent une mélodie d’amour qui les conduisit au mariage.

La cérémonie fut décorée, comme il se doit, de couronnes de houx porte-bonheur.

mardi 20 décembre 2022

Charles

Il est arrivé dans notre vie au moment où nos amis nous avaient tourné le dos : finies les réjouissances orchestrées par Super Bernard, son fabuleux couscous, ses canards aux pêches et ses grands vins coulant généreusement pour accompagner ces mets savoureux. Plus d’agapes, plus d’amis !

Mais toi, Charles, tu es venu en toute simplicité, avec ta générosité, ton accent chantant ponctué de «  adiu », ton élégance et ton charme si particulier !

Bernard est devenu ton ami et tu as pris part à sa souffrance ponctuée de douloureuses dialyses en bavardant avec lui dans le salon du jardin, écossant en sa compagnie les haricots cultivés brillamment par Jean-Noël dont tu étais devenu, à dater d’une rencontre au marché de Mont-de-Marsan, le mentor landais qui lui manquait.

Le soir de ton attaque, Jean-Noël a reçu un étrange message muet sur son portable. Sans doute avais-tu essayé de lui lancer un S.O.S mais la parole t’avait manqué.

Alors aujourd’hui, Charles, à l’approche de Noël, je me fais le porte-parole de toute la famille Roze, sans oublier Eloan pour qui tu as de l’affection tant il te rappelle ton petit garçon parti accidentellement, plein de vie et affectueux ; cette voix familiale au grand complet te conjure, Charles, de t’accrocher à la vie car, sois en persuadé, nous avons besoin de toi, de ton sourire, de ta gentillesse et de l’esprit landais empreint de force, de courage et de cette générosité sans égale qui te caractérise.

Charles, nous t’en supplions, reste parmi nous car si tu partais à ton tour, ce serait comme si Bernard mourait une seconde fois.

Je te revois, tel le commandeur des légendes, au pied du funérarium, en grande tenue, pour accompagner Bernard jusqu’à sa dernière demeure.

Nous espérons, de toutes nos forces, que tu résisteras à l’appel du grand large et que nous te reverrons, encore et toujours, dans notre jardin pour en apprécier les miraculeuses récoltes.

Charles, nous t’embrassons affectueusement et nous te redisons notre amitié, fidèle et éternelle.