vendredi 26 juin 2015

Les perles de l'Amour




Distraite, la reine jouait avec ses perles et elle ne vit pas un aigle fondre sur elle et l’emmener dans ses serres puissantes.
 Au terme d’un long voyage, l’oiseau royal la déposa dans un étrange nid d’amour où s’entrelaçaient des perles et des roses.
Fourbue, la reine s’endormit mais quand elle s’éveilla, elle reposait vêtue de perles océanes de toutes les couleurs dans un grand lit couvert de dentelles.
Alors qu’elle admirait le travail des dentellières, un fort bel homme apparut un plateau d’argent à la main.
Il lui servit avec infiniment de grâce une tasse de thé au jasmin. Des pâtisseries orientales, à base de miel, d’amandes et de sirop de rose sans oublier les perles du japon éclatantes de blancheur dans un lait de coco en verrines firent ses délices. Pour agrémenter le tout de couleurs flamboyantes, des groseilles couraient comme des lianes, jetant une note de rubis.
Le serviteur s’éclipsa pour laisser la reine savourer ce petit bonheur puis une dame d’atour lui prépara un bain de jouvence parfumé et lorsqu’elle en sortit, la reine avait retrouvé ses vingt ans.
C’est alors qu’un prince aimant s’approcha d’elle et la porta sur le lit où ils vécurent des instants de tendresse intense.
À son réveil, la reine eut la surprise de retrouver son palais et sa vie solitaire.
« Ce n’était donc qu’un rêve » pensa-t-elle mais un collier de rubis qu’elle ne possédait pas avant son fabuleux voyage, lui prouva qu’il n’en était rien et elle attendit avec ferveur le retour de son prince.

jeudi 25 juin 2015

Le Roi blessé




Mes belles, mes tourterelles, je vous attends du haut du grand chêne où  je me suis posé il y a tant d’années.
Mes cheveux ont blanchi mais mon cœur est toujours ardent et je sais que ma fougue en imposerait à plus d’un jeune prince rêveur et amoureux.
Croyez-moi, mes belles, mes tourterelles, laissez-vous porter par la vague de mon désir, vous ne le regretterez pas.
Mais seul le vent répondit à ses propositions et le roi s’endormit en rêvant que des tourterelles lui prodiguaient mille caresses, lui rendant ses vingt ans.
Une tourterelle bleue mit à profit l’abandon du roi pour effleurer son corps avec beaucoup de délicatesse, laissant derrière ses caresses une poudre d’or qui remédia aux blessures du vieux guerrier, lui donnant une seconde jeunesse.
À l’aube, un phaéton doré apparut dans le ciel, précédé de boules de feu qui jaillissaient en bouquets et le roi prit place dans ce bel attelage tracté par des chevaux de lune. Une princesse l’accompagnait, mutation de la tourterelle du grand chêne et tous deux s’envolèrent vers un ailleurs bleuté. Un palais de marbre rose abrita leurs amours et le roi vécut très longtemps car sa princesse, Esther, veilla toujours sur lui avec infiniment d’amour.

jeudi 18 juin 2015

Don Quichotte






Debout sur ses grands étriers, Don Quichotte part droit devant et s’attaque à la pauvreté qui obscurcit le royaume, miroir de Dieu sur terre. Sa dulcinée, il l’a recrutée sur les escaliers de la Butte Montmartre et il est fermement décidé à bouter la misère qui a ensorcelé le monde des Bien Nés.
Ils en veulent toujours plus, les  Bien Nés et même quand ils viennent de gens de peu, ils ont les dents longues, pressés de rattraper le temps perdu. Tant pis s’ils doivent écraser des mendiants en chemin, ils ont pris la voie royale où fleurissent les roses et laissent les orties aux paysannes qui veulent en faire de la soupe.
Un jour, un enfant de dix ans, bon élève, amoureux du savoir, se défenestra alors que les huissiers avaient délogé sa famille et mis ses pauvres biens sur le trottoir.
Plus d’école, plus de savoir, la vie dans la rue, cet enfant ne supporta pas ce coup dur du destin et préféra se donner la mort sur les lieux mêmes où il avait cru ce qui était écrit dans les livres.
Le bonheur n’était pas de ce monde, il le trouverait dans les nuages !
C’est ce que Don Quichotte se remémorait lorsqu’il faiblissait et que son écuyer le mettait en garde contre l’inanité de son action. Plutôt mourir que faiblir disait-il aux oiseaux et il allait, poussant sa Rossinante sur les chemins caillouteux.
Le laisserons-nous aller seul dans son combat ?
Si vous ne voulez plus que les enfants meurent dans les rues ou que des familles entières n’aient plus de larmes pour pleurer, joignez-vous à lui, formez un beau cortège pour que l’espoir renaisse et fleurisse les cœurs.

Le Phénix




Mon amour de cendre, tu jaillis de l’eau vive comme un oiseau blessé. Tel le Phénix, tu apparais dans toute ta gloire et j’attends que ta forme soit définitive pour que je puisse enfin courber la tête sous ton aile protectrice. Dans ce monde où seuls les oiseaux sont porteurs de lumière, tu me donnes le courage de poursuivre ma route, si difficile, si escarpée dans les eaux tumultueuses des rivières aux rapides fous.
Ma taille se modifie, je deviens une tourterelle aux yeux bleus et nous partons, mon aimé, vers les montagnes où jouent les chamois sur des rochers fleuris d’édelweiss.
Dans une cabane de rondins et de verre, nous nous réfugions et nous dégustons des sorbets d’airelles et de myrtilles ainsi que des graines parfumées d’anis et des jus de cerises sauvages.
Nous nous endormons en contemplant les nuages et à l’aube, nous nous séparons car le phénix ne s’appartient pas et il doit apparaître à différents disciples pour que l’amour de la nature se renouvelle.
Décidée à lutter de mon côté avec mes armes, je choisis un cahier et munie de plumes et d’encre turquoise j’écris le titre : le Phénix aux ailes d’or.

lundi 15 juin 2015

Le Roi de Trèfle



Alors que j'attendais frénétiquement le roi de cœur, il m'est apparu dans un halo safran, le roi de trèfle, les mains chargées de fleurs d'automne qui m'ont remplie de joie !
Nous avons longé la lisière d'un bois mystérieux, nous attendant à tout moment, à voir apparaître le château où eut lieu la fête étrange, près d'un étang où des barques fleuries s'apprêtaient à emmener le couple de jeunes mariés. Mais la mariée eut peur et ne vint pas, le marié se tira une balle dans la tête et se manqua. Les festivités se déroulèrent tout de même car beaucoup de pièces d'or avaient été employées pour que tout soit rutilant, à la hauteur du mariage féerique.
Le roi de trèfle et moi avons passé la nuit dans la jolie chambre ornée de roses et de perles, réservée aux époux.
Puis nous avons remonté le courant de la rivière et raisonnablement, nous avons décidé de ne jamais nous quitter.

Le Retour des Misérables





Dans la ville lumineuse, des ombres se terrent. À l’aube, on s’affaire pour reprendre figure humaine. Toilette dans les lieux publics ou dans les commodités des cafés pour les plus fortunés et chacun part travailler, heureux d’être encore en vie sans avoir subi les affres des nuits glaciales ou les dangers provoqués par des assassins.
« Dans les rues de Paris, Julot rencontre Nini » chantait-on autrefois avec une certaine gaieté et la nuit semblait être le refuge des amants.
Aujourd’hui, on voit renaître une sorte de cour des misérables et des personnes semblent sorties des pages d’un livre de Victor Hugo, y compris des enfants pour qui le grand poète avait tant milité.
Dans le meilleur des cas, des tentes Quechua fleurissent les berges de la Seine, vite démontées et roulées dans un sac cache-misère où chacun et chacune gardent des objets précieux servant à la toilette et des tenues de rechange.
Comment se fait-il qu’à notre époque la misère fleurisse et se propage comme les liserons près des jardins potagers ?