dimanche 30 juin 2013

La prière du chevalier noir





Prisonnier de la plus haute tour d’un château légendaire, le chevalier noir, à genoux, son épée Lumineuse fichée dans le sol entre ses deux mains jointes, adresse à Dieu et à sa Dame une prière pour retrouver la liberté.
« Dieu, le ciel m’est témoin que je n’ai jamais aimé la guerre et que si j’ai enfourché mon destrier, c’était pour délivrer le royaume d’ennemis félons, pris du désir de massacrer les populations qui vivaient de leur travail.
Quant à toi, Aude, ma douce, ma mie, aux rubans couleur de feu que j’arbore toujours au moment des combats, précieux car ils te représentent, si je dois mourir, que ton image, du moins, ne me quitte pas !
Aude, l’idée que tu aies pu offrir ton corps à un autre que moi m’est insupportable et pourtant je ne souhaite pas que tu sois entrée dans un monastère pour des épousailles divines.
S’il m’arrive la joie de la délivrance, je te reconnaîtrai entre mille dames de haut lignage, ridées, aux cheveux blancs.
Je placerai un genou à terre et demanderai ta main, humblement et sûrement, fidèle à l’amour courtois et à ses lois poétiques pour un amour éternel si tu as eu la sagesse de m’attendre, et nous entrerons tous deux dans la ville céleste où vivent les amants ».
Le vent emporta la prière du chevalier noir et une jeune fille au nom prédestiné de Céleste, l’accueillit sous la forme du battement de cœur d’une tourterelle et en fit son talisman.

lundi 24 juin 2013

Le murmure des saules





Dans le creux de ma main, un oisillon s’est niché pour ensuite s’envoler vers un bosquet de saules à la robe d’argent.
Les dryades ont fait une ronde et ont célébré l’arrivée de ce bel oiseau plein de promesses, inspirateur d’un poète qui ne manquerait pas de venir méditer et écouter la chanson du vent pour la retranscrire en versets mélodieux.
J’y suis arrivée par hasard, lisant dans le ciel la trajectoire de mon filleul, espérant retrouver la magie du premier vol.
« Déesse aux yeux de source, au langage de miel et de fleurs, montre nous ta présence, inonde les champs de ta beauté, parle nous de la beauté du monde, de son indéniable harmonie !
Toi qui inspiras à Ronsard des strophes enchantées, reviens au clair de lune pour danser avec les muses de Du Bellay, esquisse avec nous quelques pas de danse pour que nous te suivions, ô Déesse, sur les chemins qui fleurent l’aubépine et l’églantine des buissons ».
À l’écoute des murmures du saule roi, j’ai fini par le retrouver, ce petit oiseau si doux et je lui ai offert une couronne, celle de l’oiseau poète.

dimanche 23 juin 2013

Rive gauche





Il porte un œillet rouge à la boutonnière, des souliers vernis et dans la brume de la rivière, sa casquette coiffe crânement sa chevelure de poète.
Il avance vers son destin, droit devant et moi qui suis sur l’autre rive, je ne parviens pas à attirer son regard.
Qu’importe ! Il va, le bel André et rien ne peut le détourner de son destin.
Bientôt les portes de la grande usine s’ouvriront et il entrera avec tous ses compagnons dans l’atelier sombre où rougeoient les forges.
Le métal se tordra sous leurs coups redoublés et éclateront en roses de feu qui orneront les balcons des belles rêveuses de l’autre rive.
Le martèlement du fer vaut bien celui des sabots des chevaux qui frappent la lande pour faire jaillir les étincelles de la victoire.
Lorsque sonne l’heure du départ, André et ses pareils sortent, le pas lourd et rêvent au dimanche où ils pourront faire danser les jeunes filles.
Je suis passée de l’autre côté de la rive avec la complicité d’un marinier et j’accueille André avec un panier de victuailles.
Il le prend poliment « pour sa mère » me dit-il et part d’un pas rapide, me laissant au milieu du chemin, rêveuse et dépitée.
On ne passe pas aisément de la rive droite à la rive gauche car c’est là que réside l’esprit des Compagnons du Devoir !

jeudi 20 juin 2013

Les dentelles de la nuit





Les dentelles de la nuit tamisent les rêves des enfants et leur offrent des fleurs volumineuses qui s’enroulent dans leur vie comme des spirales célestes.
Des brigades féeriques sillonnent les ruelles perdues où errent les petites âmes en détresse et les emmènent dans un pays lumineux administré par une reine au cœur aimant.
Des palais construits dans la terre ocre des frontières du désert contenant des équipes pédagogiques éducatives et préposées aux services accueillent les enfants et gèrent leur devenir avec compétence et délicatesse.
La reine est tenue au courant de la progression des enfants jadis abandonnés qui deviennent peu à peu des adolescents puis des adultes accomplis.
De nouveaux venus sont accueillis dans les palais que leurs aînés quittent pour essaimer la terre, dignes missionnaires de l’amour humain, si rare en notre monde actuel.
Les dentelles de la nuit étendent leur pouvoir onirique sur les rêves des enfants perdus et se fondent dans les masques vénitiens des belles au regard de velours.
Une ronde féerique se crée au fil des jours, rendant à chacun sa véritable beauté.

samedi 15 juin 2013

La reine des neiges





Sur l’éphéméride de ma destinée, j’ai contemplé les edelweiss de ma jeunesse. Ils accompagnaient les bouquetins sur les rocs proches des neiges éternelles et c’est alors qu’elle est apparue, dans une envolée de dentelles immaculées, la reine des neiges des contes de fées.
Elle m’a priée de venir en son palais et nous sommes parties en traîneau derrière un attelage Husky puis parvenues au but, un impressionnant édifice de cristal de roche taillé et sculpté, nous avons foulé des tapis d’inspiration berbère, en laine.
Dans la salle de réception, après les ablutions et les rafraîchissements d’usage, nous avons écouté les romances des poètes et j’en ai retenu une qui m’a paru adaptée à ma vie : « Sur les ailes d’un cheval fougueux, j’ai franchi monts et vallées pour te retrouver, amour de ma vie, aux tempes blanchies mais au cœur d’un pourpre intense, comme au premier jour et j’ai pleuré d’émotion puis j’ai commencé ma romance d’amour ».
Au lendemain de cet extraordinaire périple, j’ai retrouvé mes edelweiss et je les ai portés chez le joailler pour qu’il m’en fasse des bagues, des colliers, des bracelets et un magnifique diadème que j’ai envoyé à la reine des neiges, pour preuve de ma gratitude et de ma fidélité à son royaume.