dimanche 23 juin 2013

Rive gauche





Il porte un œillet rouge à la boutonnière, des souliers vernis et dans la brume de la rivière, sa casquette coiffe crânement sa chevelure de poète.
Il avance vers son destin, droit devant et moi qui suis sur l’autre rive, je ne parviens pas à attirer son regard.
Qu’importe ! Il va, le bel André et rien ne peut le détourner de son destin.
Bientôt les portes de la grande usine s’ouvriront et il entrera avec tous ses compagnons dans l’atelier sombre où rougeoient les forges.
Le métal se tordra sous leurs coups redoublés et éclateront en roses de feu qui orneront les balcons des belles rêveuses de l’autre rive.
Le martèlement du fer vaut bien celui des sabots des chevaux qui frappent la lande pour faire jaillir les étincelles de la victoire.
Lorsque sonne l’heure du départ, André et ses pareils sortent, le pas lourd et rêvent au dimanche où ils pourront faire danser les jeunes filles.
Je suis passée de l’autre côté de la rive avec la complicité d’un marinier et j’accueille André avec un panier de victuailles.
Il le prend poliment « pour sa mère » me dit-il et part d’un pas rapide, me laissant au milieu du chemin, rêveuse et dépitée.
On ne passe pas aisément de la rive droite à la rive gauche car c’est là que réside l’esprit des Compagnons du Devoir !

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