jeudi 23 février 2023

Le sentier magique


Sur un chemin étroit emprunté par les lutins et les fées, Johnny marche d'un bon pas, soutenu par ses bottes en cuir fauve et il va à la rencontre de ceux et celles qui l'aiment pour l’éternité.

Trouvant des accents inédits sur sa guitare, Johnny a murmuré des mots d’amour qui ont cascadé sur les cœurs comme des perles jaillissant du cristal des rivières perdues.

Ces chansons pleines d’émotion, de rêve et de passion, nous les avons fredonnées pour en faire autant de prières destinées à nos aimés.

L’étang chimérique réservé aux nouvelles mises en scène de Johnny a accueilli sur ses rives les fidèles amoureux du rock, du blues et de la chanson réaliste.

Blottis les uns contre les autres, adressant au chanteur le cœur battant de leurs mains unies, les habitués ont scandé passionnément tous les refrains de ces chansons qui retentiront dans le juke-box de leur idole.

samedi 18 février 2023

La Désirade


« Je veux jamais l’oublier

Ma blanche colombe ma blanche rade

O marguerite exfoliée

Mon île au loin ma Désirade

Ma rose mon giroflier ».

Accoudé sur le bastingage de leur caravelle, Fleur murmurait des extraits de La Chanson du Mal Aimé de Guillaume Apollinaire et son cœur battait follement à l’évocation du mot chéri «  Désirade ».

De son côté, Narcisse sculptait une représentation du dieu Amour.

Il entrelaça les ailes du dieu de baies pour envoyer un signal à Myrtille, l’élue de son âme.

Ils finirent par arriver à la Désirade et les matelots à la manœuvre pensèrent à leurs illustres prédécesseurs qui s’étaient écriés «  O île tant désirée » en découvrant une île après des heures de navigation sous les ordres de Christophe Colomb.

La caravelle des princes baptisée Marguerites par discrétion mouilla au large d’une crique qui semblait abordable.

Le lendemain, parés de leurs plus beaux atours, escortés par leurs guerriers fidèles entreprirent une marche pour aller à la rencontre de leurs dames de cœur.

Des porteurs les suivaient avec une cargaison de cadeaux les plus divers destinés aux geôliers et à leurs belles.

Une jolie maison s’offrit à leurs yeux et ils ne doutèrent pas qu’elle ne fût la villégiature des princesses.

Une jeune femme sémillante, vêtue d’un élégant costume antillais en madras leur ouvrit la porte.

Les cadeaux déposés, les porteurs furent dirigés dans un local destiné aux serviteurs.

Les princes et leur escorte furent introduits dans une vaste pièce richement meublée.

Un prince noir se présenta et tout sourire leur enjoignit de prendre place dans des fauteuils élégants.

«  Quel bon vent vous amène, Messires » ? leur dit-il dans un Français chantant.

Fleur se lança dans un discours courtois, énonçant le fait que les élues de leur cœur résidaient dans cette demeure.

Le prince noir, Adonis, frappa dans ses mains chargées de bagues et les princesses Myrtille et Myosotis firent leur entrée.

Vêtues à l’ancienne de soie et de dentelles, parées de fleurs, elles n’avaient jamais été aussi resplendissantes.

Elles s’inclinèrent gracieusement devant leurs princes puis prirent place à leurs côtés.

Après quelques propos anodins contenant parfois des allusions à la Carte du Tendre, on passa à table.

Le prince Adonis avait voulu frapper les esprits en apportant une note luxueuse et cristalline sur la table d’apparat.

Chacun prit place en respectant l’étiquette et l’on s’apprêta à déguster un menu créole des plus savoureux.

Féroce d’avocats

Jambalaya à la créole

Chaudeau

Tourment d’amour

Des jus de goyave et autres fruits rafraîchissants circulaient en carafes, apportant une note subtile.

Fleur saisit le prétexte du Tourment d’amour pour prendre la parole et dire à quel point son frère et lui avaient souffert de la disparition des princesses.

Le prince Adonis, désireux de s’exprimer à son tour, donna enfin le motif de l’enlèvement de Myrtille et de Myosotis.

«  Je voulais être sûr que vous les méritiez, c’est pourquoi j’ai multiplié les embûches » conclut-il de manière surprenante.

«  Mais ces fidèles dragons percés de flèches » s’exclama Narcisse.

Adonis rétorqua que l’île avait subi les assauts d’ennemis réels mais que ses hommes étaient arrivés à temps pour soustraire les princesses à leurs velléités détestables.

« Une partie de mes hommes a emmené les dragons blessés dans l’une de nos îles et je peux vous assurer qu’ils se portent bien à présent ».

Myrtille remercia le prince de ses directives puis elle passa le relais à Myosotis.

«  Nous demandons la permission de rester discrètes en ce qui concerne nos sentiments. Cependant Narcisse et Fleur peuvent être assurés de notre attachement, nous leur en avons d’ailleurs laissé des preuves au cours de notre périple ».

Pour couper court à l’émotion qui commençait à submerger ses hôtes, le prince Adonis conduisit les voyageurs et les princesses dans une salle de bal où les attendait un orchestre.

De jolies créoles en costume coloré accompagnèrent les messieurs qui n’avaient pas de cavalière et c’est ainsi que se termina l’odyssée de nos princes.

Ils avaient retrouvé leurs amantes, elles les aimaient. Que demander de plus ?

Nous refermons notre livre d’images sur une vue resplendissante d’amour, d’océan et de mystère.

La Montgolfière princière


Cherchant fébrilement une île à découvrir ou à défaut, un continent à aborder, les princes scrutaient un horizon désespérément vide.

Où étaient leurs aimées ?

Le signal vint du ciel.

Alors qu’aucune terre n’était en vue, une montgolfière princière apparut dans les cieux.

Le navigateur largua des colis qui atterrirent sur le pont du voilier. Il adressa aux princes un signe amical puis disparut, escorté par des albatros.

En ouvrant les colis, les princes eurent la surprise de voir une bouteille de rhum, du linge de table en madras, des capes de velours brodées de fleurs tropicales et de multiples objets destinés à la toilette.

Une lettre écrite par les princesses donnait un éclairage explicatif à ces cadeaux exotiques.

« Chers princes, soyez rassurés, nous sommes en bonne santé, nous ne sommes pas maltraitées, bien au contraire. Cependant nous aurions préféré vous attendre dans notre palais de l’île des dragons car nos pensées ne vous quittent pas.

On nous a emmenées dans une île des Antilles nommée Désirade.

Nous vivons dans une jolie maison au bord de l’océan et nous sommes libres de nous promener dans un périmètre défini. La nourriture est savoureuse. Nous sommes traitées avec déférence. Une servante a consenti à nous donner quelques indications sur le lieu de notre séjour et sur notre destinée.

On devrait nous présenter deux princes jumeaux en vue d’un mariage. L’un d’eux, le prince noir serait tombé follement amoureux de nos personnes et aurait persuadé son frère, le prince Flamboyant d’épouser la sœur de l’élue de son cœur.

Nous ne les avons pas encore vus mais nos âmes et les vôtres sont liées à jamais et nous espérons que vous viendrez nous délivrer de ces amours conquérantes à nos dépens.

Vos dames de cœur, Myrtille et Myosotis ».

Narcisse et Fleur mirent le cap sur leur île de granit rose fleurie de camélias, d’hortensias et de roses.

Ils armèrent une caravelle, emplirent les soutes d’armes, de tonneaux de cervoise, de cidre et d’alcool de pomme. Des provisions de bouche, pâtés et rillettes en conserves, rôtis mis en salaison, légumes et fruits, eau de source en jarres, furent entreposés.

Nantis de parures et de tenues princières destinées à leurs belles, les princes mirent le cap sur la Désirade, déterminés à délivrer Myosotis et Myrtille de leurs geôliers.

jeudi 16 février 2023

Broderies, poèmes et rochers sculptés


Déterminés à retrouver leurs princesses, Narcisse et Fleur écumèrent les mers, faisant escale dans chaque île avec l’espoir de revoir leurs bien-aimées ou, à défaut, de découvrir un indice permettant de les localiser.

Dans une île charmante nommée île de la soie, ils découvrirent, outre de magnifiques rouleaux de soie, des poupées à l’effigie de Myrtille et Myosotis.

Tâchant d’en savoir plus sur la présence de ces poupées, les princes commencèrent par des achats conséquents.

Satisfait, le commerçant donna quelques précieuses informations.

Deux jolies femmes encadrées par des hommes patibulaires vêtus de noir et masqués avaient séjourné quelques mois dans leur île.

Le groupe s’était installé dans une maison spacieuse où un certain train de vie avait été observé par le personnel insulaire.

Les dames de haut rang apparemment confectionnaient des poupées qui obtinrent un tel succès lors d’une mise en vente qu’elles reçurent de multiples commandes.

Leurs dernières poupées livrées, les princesses, toujours escortées par leurs gardiens, reprirent la mer pour une destination inconnue.

Narcisse et Fleur offrirent des louis d’or au commerçant et ils mirent la voile, chargés de leurs achats.

Les poupées étaient sans contexte la preuve du passage des princesses dans l’île de la soie et ces réalisations prouvaient leur bon état de santé.

« Un autre indice nous sera certainement donné prochainement dit Fleur à son frère et je suggère qu’à notre tour, nous laissions dans les îles que nous visiterons des preuves de notre passage ».

Narcisse approuva ce projet et désormais, en visitant les îles, ils déposèrent sur le rivage des poèmes insérés dans des rochers sculptés.

«  Elles verront ainsi que nous pensons toujours à elles » dit Narcisse et sur ces mots, ils renouèrent avec leur art, écrivant de nouveaux poèmes et sculptant des pierres d’amour.

Une autre île dite « sous le vent » révéla le passage des princesses avec un nouvel objet artisanal. Il s’agissait d’un chemin de table en lin brodé. Des épisodes rappelaient la venue des princes à l’île des dragons.

Toutes les scènes avaient été représentées d’une aiguille sûre et talentueuse.

Le cœur rempli d’amour, les princes achetèrent à prix d’or le chemin de table  révélateur de l’amour partagé et ils reprirent la mer, certains de retrouver leurs bien aimées au terme d’une longue quête digne des romans courtois.

Le commandeur


Il était une fois un commandeur qui, par-delà la mort, avait continué à veiller sur ceux qui l’avaient aidé à vivre.

Refusant de boire l’eau du Léthé qui efface tous les souvenirs et tous les maux endurés pendant la courte période de vie qui précède l’éternité, il avait demandé comme une faveur la possibilité de revenir parmi les siens, son public bien aimé, afin de leur apporter le courage de persévérer dans la quotidienne souffrance de l’existence terrestre.

Soudain, tous se sentaient beaucoup mieux : l’annonce du retour de Johnny faisait la une et complétait la présence des albums glanés au cours de la vie : l’idole des jeunes, même souffrant et âgé restait vive dans les cœurs et c’est ainsi que Johnny, éternel amoureux et doté d’une résistance hors du commun face aux épreuves, demeura lové au fond de notre âme et resurgit soudain comme un nouveau torrent jaillissant des montagnes sacrées et charriant dans son sillage tous les refrains de nos chansons éternelles et vivaces !