samedi 18 février 2023

La Désirade


« Je veux jamais l’oublier

Ma blanche colombe ma blanche rade

O marguerite exfoliée

Mon île au loin ma Désirade

Ma rose mon giroflier ».

Accoudé sur le bastingage de leur caravelle, Fleur murmurait des extraits de La Chanson du Mal Aimé de Guillaume Apollinaire et son cœur battait follement à l’évocation du mot chéri «  Désirade ».

De son côté, Narcisse sculptait une représentation du dieu Amour.

Il entrelaça les ailes du dieu de baies pour envoyer un signal à Myrtille, l’élue de son âme.

Ils finirent par arriver à la Désirade et les matelots à la manœuvre pensèrent à leurs illustres prédécesseurs qui s’étaient écriés «  O île tant désirée » en découvrant une île après des heures de navigation sous les ordres de Christophe Colomb.

La caravelle des princes baptisée Marguerites par discrétion mouilla au large d’une crique qui semblait abordable.

Le lendemain, parés de leurs plus beaux atours, escortés par leurs guerriers fidèles entreprirent une marche pour aller à la rencontre de leurs dames de cœur.

Des porteurs les suivaient avec une cargaison de cadeaux les plus divers destinés aux geôliers et à leurs belles.

Une jolie maison s’offrit à leurs yeux et ils ne doutèrent pas qu’elle ne fût la villégiature des princesses.

Une jeune femme sémillante, vêtue d’un élégant costume antillais en madras leur ouvrit la porte.

Les cadeaux déposés, les porteurs furent dirigés dans un local destiné aux serviteurs.

Les princes et leur escorte furent introduits dans une vaste pièce richement meublée.

Un prince noir se présenta et tout sourire leur enjoignit de prendre place dans des fauteuils élégants.

«  Quel bon vent vous amène, Messires » ? leur dit-il dans un Français chantant.

Fleur se lança dans un discours courtois, énonçant le fait que les élues de leur cœur résidaient dans cette demeure.

Le prince noir, Adonis, frappa dans ses mains chargées de bagues et les princesses Myrtille et Myosotis firent leur entrée.

Vêtues à l’ancienne de soie et de dentelles, parées de fleurs, elles n’avaient jamais été aussi resplendissantes.

Elles s’inclinèrent gracieusement devant leurs princes puis prirent place à leurs côtés.

Après quelques propos anodins contenant parfois des allusions à la Carte du Tendre, on passa à table.

Le prince Adonis avait voulu frapper les esprits en apportant une note luxueuse et cristalline sur la table d’apparat.

Chacun prit place en respectant l’étiquette et l’on s’apprêta à déguster un menu créole des plus savoureux.

Féroce d’avocats

Jambalaya à la créole

Chaudeau

Tourment d’amour

Des jus de goyave et autres fruits rafraîchissants circulaient en carafes, apportant une note subtile.

Fleur saisit le prétexte du Tourment d’amour pour prendre la parole et dire à quel point son frère et lui avaient souffert de la disparition des princesses.

Le prince Adonis, désireux de s’exprimer à son tour, donna enfin le motif de l’enlèvement de Myrtille et de Myosotis.

«  Je voulais être sûr que vous les méritiez, c’est pourquoi j’ai multiplié les embûches » conclut-il de manière surprenante.

«  Mais ces fidèles dragons percés de flèches » s’exclama Narcisse.

Adonis rétorqua que l’île avait subi les assauts d’ennemis réels mais que ses hommes étaient arrivés à temps pour soustraire les princesses à leurs velléités détestables.

« Une partie de mes hommes a emmené les dragons blessés dans l’une de nos îles et je peux vous assurer qu’ils se portent bien à présent ».

Myrtille remercia le prince de ses directives puis elle passa le relais à Myosotis.

«  Nous demandons la permission de rester discrètes en ce qui concerne nos sentiments. Cependant Narcisse et Fleur peuvent être assurés de notre attachement, nous leur en avons d’ailleurs laissé des preuves au cours de notre périple ».

Pour couper court à l’émotion qui commençait à submerger ses hôtes, le prince Adonis conduisit les voyageurs et les princesses dans une salle de bal où les attendait un orchestre.

De jolies créoles en costume coloré accompagnèrent les messieurs qui n’avaient pas de cavalière et c’est ainsi que se termina l’odyssée de nos princes.

Ils avaient retrouvé leurs amantes, elles les aimaient. Que demander de plus ?

Nous refermons notre livre d’images sur une vue resplendissante d’amour, d’océan et de mystère.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire