vendredi 31 août 2018

Noces flamboyantes


Noces flamboyantes
Les futurs mariés arrivèrent en char à banc, fleuri de roses, de lys et de digitales pourprées. Ils étaient escortés par Florian Roze, son écuyer et une troupe d’hommes armés car il se disait que l’infâme Mérovée n’avait pas complètement disparu et qu’il surgissait au moment où l’on s’y attendait le moins, prêt à en découdre avec sa bande de gueux.
Les femmes arriveraient dans un prochain convoi, encadrées par les chevaliers de l’ordre nouveau, porteurs de l’écu à la tulipe d’or.
Seule, Lilwen resterait au château afin de ne pas mettre la vie de l’enfant à naître en péril.
Des hommes de garde dont on était sûr et un escadron de dames de compagnie étaient à son service pour ne lui causer aucun tourment, néfaste au développement du futur nourrisson.
Florian et elle avaient convenu de se transmettre des messages en utilisant des pigeons voyageurs.
Bethsabée et Blanchefleur attendaient les amants sur la plus haute marche du perron et elles fondirent, d’un pied léger, pour les accueillir et les serrer sur leur cœur.
Les effusions cessèrent rapidement car il ne fallait pas fatiguer les jeunes gens outre mesure.
On les conduisit dans leurs appartements et on les laissa en repos jusqu’au lendemain.
Le château marcha au ralenti, retenant son souffle pour que la cérémonie soit flamboyante et unisse tous les royaumes dans une ferveur unanime.
Le lendemain, l’apparition de la mariée fut céleste : un ange descendu sur terre, telle fut la perception que l’on eut de la sublime Ornella.
Sa robe de brocart, bleue et turquoise, jetait une note lumineuse, soulignée par la beauté du voile immaculé brodé de lys et de roses qui cascadait de chaque côté du hennin de lin blanc afin de mettre en valeur la pureté des traits de la divine comtesse.
Des souliers de satin blanc parachevaient cette toilette parfaite qui inspira à un peintre de l’assistance une composition mariale.
Le comte Louis apparaissait également sous un jour lumineux et le cœur de ses deux mamans battait à l’unisson, à le voir si beau et si digne, le portrait vivant de son père, avec cette inimitable touche orientale qui le rendait à nul autre pareil.
Un prêtre qui avait vécu à Damas, la capitale des roses, bénit leur union et l’on crut voir s’envoler des colombes lorsqu’ils échangèrent leurs anneaux.
Un incident se produisit ensuite car le terrible Mérovée avait voulu s’infiltrer dans le cortège des villageois, avec ses sbires, mais les douze chevaliers du prince mirent un terme à ce début d’émeute et l’on jeta les indésirables dans les oubliettes du château afin que l’on n’entende plus jamais parler d’eux et que la nuisance disparaisse pour toujours du plus beau des royaumes.
Vêtues de lin blanc et parées de roses, chapelets filant entre leurs doigts agiles, sœur Myriam et ses moniales entonnèrent un chant liturgique et profond, si mélodieux que les oiseaux du jardin d’amour les accompagnèrent à l’unisson.
Un autre couple fit sensation de par son charme, sa grâce infinie et ce que l’on nomme la beauté qui est parfois si diversement appréciée : il s’agissait bien évidemment de la sublime Manon des Tournelles, aux yeux vert émeraude, et à la taille si fine que lorsqu’elle portait une cuirasse, on la prenait pour un jouvenceau et le le beau Dorian à l’épithète Le Magnifique si bien trouvée.
Vêtus de velours grenat et parés de bijoux inestimables, cadeau du prince, ils apparaissaient dans le cortège comme un couple princier de contes de fées.
Le prince, quant à lui, était vêtu de soie, de dentelles et de satin. Coiffé d’un turban surmonté par un diamant en étoile, il était l’incarnation de la richesse orientale et l’on croyait, à le voir dans cette splendeur, que des sirènes lui avaient apporté toutes les perles de l’océan.
Puisant dans ses coffres, il avait offert à chacun un bijou inestimable, ce qui faisait de ces noces, les plus somptueuses que l’on puisse concevoir.
Et naturellement le banquet des mariés fut à la hauteur de l’événement. Les mets les plus succulents furent servis promptement et chacun y trouva son plaisir.
Il y en avait pour tous les goûts et ce qui fut particulièrement apprécié naquit des mains expertes des moniales, sous la houlette de sœur Myriam.
Elles avaient façonné des pains en forme de cœur et lorsqu’ils apparurent sur les tables, poudrés de graines de sésame, ils déclenchèrent des vivats.
Des pâtisseries venues du fond des âges régalèrent les plus difficiles, merveilles, pommes d’amour, couronnes de pain brioché, parfumées à l’angélique et fourrées de fruits confits, coupes de crème à la paysanne dont la surface tremblait tant la crème était riche…tout cela disparut comme par enchantement.
A la fin du banquet, on chanta et l’on dansa  et c’est à la nuit tombée que les mariés purent enfin connaître leur première nuit d’amour tandis que les convives se liaient d’amitiés ou d’amours naissantes, ce qui les emmena jusqu’aux approches de l’aube, pour y trouver le répit dont ils avaient besoin.
Ces noces hors du commun par leur magnificence et leur perfection, firent l’objet de maints récits où les conteurs rivalisaient de zèle pour en faire d’inestimables joyaux.

jeudi 30 août 2018

Curieuse Destinée


Curieuse destinée
Heureux à la perspective d’être adoubé par son suzerain, le comte Louis, au lendemain de ses noces, le bachelier Dorian, dit le Magnifique tant sa beauté rayonnait et illuminait le lieu où il se trouvait, chevauchait en direction du château.
Il était porteur de bonnes nouvelles et précédait de peu le cortège des amants, enfin prêts pour la cérémonie.
Mais voici qu’en chemin, il fit une mauvaise rencontre : le roi des gueux, Mérovée s’était échappé de la prison où on le retenait prisonnier et il était avide de vengeance. Un petit groupe de bandits au cœur de pierre cheminait à ses côtés.
La vue de ce beau cavalier leur parut insupportable car ces suppôts du diable n’aimaient que la laideur qui enserrait leur cœur à la manière d’indestructibles ronces noires.
Ils s’emparèrent du jeune homme avec délectation et s’apprêtaient à lui faire subir les pires sévices lorsque survint à nouveau le petit grain de sable qui faisait échouer leurs plans démoniaques.
Une cavalière apparut à l’horizon. Nimbée de soleil, elle resplendissait comme un astre et des rayons frappaient sa cuirasse et son bouclier.
Désireux de faire d’une pierre deux coups, les gueux tendaient déjà leurs filets pour emprisonner cette beauté mais ils furent désappointés car à quelques mètres de la cavalière, douze chevaliers à l’étendard fleuri de tulipes d’or, galopaient farouchement.
Afin de ne pas se retrouver à nouveau dans une sinistre prison, Mérovée fit demi-tour avec ses sbires, libérant à contrecœur le beau Dorian à qui ils promettaient maints sévices.
Dorian mit pied à terre car on lui avait rendu sa monture et il plia le genou devant la belle amazone qui l’avait délivré.
Manon des Tournelles, filleule de Blanchefleur, invitée pour assister au mariage, avait tout de suite séduit les compagnons de la tulipe d’or, adoubés par le prince, après de nombreuses épreuves, préparées pour tester leur courage et leur fidélité. Ils se firent fort de protéger l’incomparable Manon des Tournelles dont la beauté n’avait d’égale que son ardeur au combat.
Jamais couple ne fut mieux assorti, pensèrent-ils, non sans une once de jalousie bien naturelle et ils escortèrent ces deux personnes destinées à se rencontrer.
C’est ainsi que se forma un mythique duo qui fit revoir à la baisse ceux de Tristan et Yseult et même Viviane et l’enchanteur Merlin.
Blanchefleur célébra leur retour avec faste et tendresse familiale.
Le prince fit honneur à ces agapes festives et il promit de faire une révélation à la fin de la soirée.
Vêtue de mousseline et parée de bijoux en or, Bethsabée illumina le repas où dominait une pastilla aux pigeons et aux amandes dont elle avait fourni la recette aux cuisinières  et aux marmitons du château, tout en mettant la main à la pâte, vêtue d’une chasuble de lin sur laquelle les taches n’auraient pas de prise.
Elle prépara également des pâtisseries où la pâte d’amandes était l’ingrédient numéro un de même que la fleur d’oranger et une farine si fluide qu’elle filait entre les doigts.
Le résultat était fabuleux et la belle Bethsabée n’avait pas dit son dernier mot puisque des puits d’amour furent façonnés par ses mains expertes de même que des pastillas à la rose et à la crème, individuelles.
Des tranches de méchoui régalèrent les chevaliers qui aimaient les plats consistants.
Quant aux deux tourtereaux, Manon et Dorian, ils touchèrent à peine aux plats tant leur cœur débordait d’amour.
Blanchefleur leur suggéra de se retirer dans le patio du jardin d’amour et elle fit envoyer des plats et des boissons qui seraient à la fois nutritifs et légers pour ne pas plomber leur passion naissante.
Lorsque le thé vert circula à la ronde, le prince, comme promis, fit sa révélation.
Son discours fut assez long et émaillé de notes fleuries et documentées mais en substance, on apprit avec intérêt, notamment du côté de Blanchefleur et de Bethsabée, que la belle Ornella n’était pas qu’une divine danseuse : c’était aussi une princesse, enlevée au berceau par des baladins qui songeaient à faire chanter les parents.
Cependant ces derniers périrent lors de la prise de leur palais par des croisés et nul ne songea à réclamer la petite princesse, pensant d’ailleurs qu’elle était plus en sûreté au sein de la troupe théâtrale que dans son palais où ses jours auraient été mis en danger !
« Bon sang ne peut mentir » dit sentencieusement la belle Bethsabée et elle se félicita de savoir que sa future belle fille était de haut lignage.
Elle l’aurait aimée, danseuse et parée de ses atouts naturels mais cette révélation était de nature à clore les murmures réprobateurs qui pourraient circuler, sous le manteau, à son encontre.
Blanchefleur rosit de bonheur en apprenant le lignage de celle qu’elle avait tant voulu éloigner de celui qu’elle considérait comme son fils et elle se promit de prodiguer un amour et une tendresse multipliés pour se faire pardonner ses préjugés.
Cette soirée fut mémorable à tous points de vue et on se régala d’ambroisie et de cervoise blonde pour célébrer ce mariage qui serait très certainement suivi d’un autre, celui de la belle Manon des Tournelles et de Dorian le Magnifique.

mercredi 29 août 2018

Bethsabée


Bethsabée
La nouvelle de l’union de Louis et d’Ornella vola jusqu’au château de Blanchefleur qui fit contre mauvaise fortune bon cœur. Ce n’était pas le mariage dont elle avait rêvé mais dans la mesure où le destin avait réuni ces enfants, il aurait été malséant de se rebeller.
C’est ainsi que Blanchefleur organisa des noces fabuleuses destinées à asseoir la lignée du comte dans la pérennité.
La nouvelle s’étant propagée jusqu’en Orient, le prince qui avait participé à la recherche de la tulipe d’or, fit savoir qu’il se mettait en chemin car il était porteur d’une bonne nouvelle. Il annonçait la présence, en son escorte, de Bethsabée, la mère biologique du comte et se proposait de faire ériger, à ses frais, un castel où elle pourrait vivre sans infliger sa présence à la comtesse.
Blanchefleur s’inclina devant ce souhait et elle rappela les ouvriers qui avaient œuvré à l’édification de l’oratoire, destiné à Sœur Myriam et à ses moniales, habituées à faire la navette entre le monastère et le château de leur amie.
Sœur Myriam s’était prise d’affection pour Louis et elle serait naturellement présente pour les noces. Toujours aussi douée pour la broderie, elle avait confectionné le voile de la mariée, si beau, si diaphane qu’il semblait avoir été fait par les anges.
Blanchefleur n’éprouvait pas de ressentiment envers Bethsabée et elle était curieuse de la connaître.
Si Louis était le vivant portrait de son père, il y avait en lui une part de mystère et d’orient qui ne pouvait venir que par sa mère et dans cette optique, la jalousie n’était pas de mise.
Elle l’aurait volontiers reçue au château mais elle pensait que Bethsabée serait heureuse de vivre de manière autonome.
Elle recruta donc des damoiselles de haut lignage pour qu’elles puissent se tenir auprès de la mère du marié et l’aider à tenir son train de maison.
Les voyageurs venus d’orient furent les premiers à se présenter au château car les futurs mariés se livraient à des essayages afin de paraître au summum de l’élégance et de la beauté.
Ornella surtout avait à cœur de faire tomber les préjugés qui l’avaient entourée et elle voulait absolument effacer l’image de la danseuse aux mille voiles, même si elle lui avait permis d’envoûter le beau Louis dont toutes les jeunes filles étaient amoureuses.
Bethsabée voulait passer inaperçue, ce fut un échec tant sa beauté était éclatante. Fidèle à l’image de celle qui rendit fou d’amour le roi David, elle remplissait tous les critères des canons de la beauté universelle, propulsant l’orient au zénith.
Blanchefleur la reçut chaleureusement et l’assura de son amitié.
Fidèle aux règles de l’hospitalité, elle lui fit préparer un bain et lui proposa la plus belle chambre du château avant son installation dans le castelet abondamment fleuri, avec un cellier garni de provisions fraîches et de salaisons pour la préparation de mets raffinés.
Le prince dont personne au château n’avait oublié la générosité et l’active participation à la recherche de la tulipe d’or, fut reçu comme un roi.
Il présenta à la comtesse douze chevaliers qui portaient sur leur écu la fleur tant désirée.
Sur leur bannière, une devise était écrite en lettres d’or : A Blanchefleur, la dame de nos pensées ! Pour âme vaillante, douze cœurs vaillants, avec nos pensées d’azur et d’or !
C’est une magnifique surprise qui me touche infiniment dit Blanchefleur d’une voix émue : il y avait si longtemps que personne n’avait parlé d’elle en termes élogieux ! Elle en eut presque la larme à l’œil !
Et je vous réserve une autre surprise qui vous plaira infiniment dit le prince mais, pour vous la dévoiler, il me faut la présence du jeune couple et cela ne saurait tarder car j’ai envoyé un émissaire au château de Florian pour leur demander de se hâter !
Un petit nuage passa dans les jolis yeux de Blanchefleur à cette perspective un peu redoutée mais il fut vite chassé par les préoccupations hospitalières présentes.
Elle offrit au prince pour le seconder et le servir la présence d’une jeune villageoise dont la beauté et les compétences étaient à nulle autre pareilles.
Ninon, la bien nommée, inspirait l’amour au premier regard mais ce qui était remarquable en elle, était le sens de la loyauté et de l’honneur, de sorte qu’aucun homme n’avait eu, à son endroit, des propos ou des gestes osés, voire discourtois.
Ravi de cette attention, le prince se retira dans ses appartements tandis que les douze chevaliers étaient conduits vers les tentes d’apparat que l’on avait apprêtées.
A peine reposée mais fraîche comme la rose du matin, Bethsabée réapparut, vêtue de mousselines turquoise et or, attachées, à l’ancienne, par une fibule en argent.
Cette tenue était littéralement fabuleuse et seyait particulièrement à la beauté orientale de la mère du comte Louis.
Avez-vous un ouvrage à broder ou une réalisation culinaire raffinée à me proposer, dit calmement l’enchanteresse, j’aime à me rendre utile.
Chère amie, je serais heureuse si vous pouviez guider mes cuisinières pour la réalisation de pâtisseries orientales dont tout le monde raffole mais qui réclame tant de dextérité. Cependant je crains que vos ravissantes mousselines ne se gâtent c’est pourquoi, je vous donnerai une chasuble de travail.
Vous avez tout le temps de vous rendre utile.
Causons un peu, voulez-vous ?
Bethsabée fut sensible à cette proposition et c’est avec bonheur qu’elle accompagna son hôtesse dans un petit salon où un feu de bois jetait une lueur pourprée.
Les dames se racontèrent mille riens qui faisaient le charme de la vie des châtelaines, contraintes à passer des heures, des semaines, des mois et des années à attendre un chevalier parti au bout du monde pour d’obscurs desseins.

lundi 20 août 2018

Le roi des gueux


Le roi des gueux
L’aurore apparut au comte Louis sous les traits de la voluptueuse Ornella aux mille voiles et après avoir rêvé qu’il franchissait un à un ces cercles d’or, Louis demanda à la cuisinière qu’elle veuille bien préparer de délicieuses pâtisseries qu’on nommait palets de dame et dont le biscuit s’ornait d’un revêtement au sucre glace parfumé à la fleur d’oranger.
Il s’échappa dans le jardin d’amour avec son écritoire car son cœur débordait d’une passion dévorante qui se traduirait en sonnets mélodieux où la rose se laisserait effeuiller, pétale après pétale, comme dans la danse qui s’était emparée de lui.
Il ne vit pas le temps passer.
Les parchemins devenaient mélodies et chants d’amour éternel, rappelant les légendes fameuses de Tristan et Yseult ou de Flor et Blanchefleur.
Il n’aurait pas besoin de boire un philtre d’amour car il sentait la passion s’infiltrer dans ses veines comme un breuvage magique et sacré.
Soudain ses rêveries prirent fin car il aperçut des fumées au loin et il vit les habitants du domaine courir vers le château pour demander l’asile.
Il emporta ses parchemins et partit à son tour vers la salle d’armes du château qui grouillait de personnes apeurées.
L’une d’elles prit la parole et décrivit une scène digne de Dante : des bandits avaient surgi, armés de couteaux et de haches et ils s’en étaient pris à leurs maisons, menaçant de les faire passer de vie à trépas s’ils refusaient de les suivre.
Ils étaient vêtus de noir et se cachaient le visage à l’aide d’une étoffe sombre où luisait un éclair d’argent.
Leur chef était terrifiant et sa voix grondait comme le tonnerre.
Ils avaient pris la fuite, laissant derrière eux, les vieillards et les enfants, ce qu’ils déploraient en se tordant les mains de désespoir car un funeste pressentiment les habitait.
En regardant s’ils n’étaient pas poursuivis, ils avaient vu des flammes embraser le village. Qu’étaient donc devenus ceux qui n’avaient pas pu courir ?
Je ne vous blâmerai pas d’avoir voulu sauver vos vies dit Florian et désormais vous êtes en sécurité. Je réunirai une escorte pour faire une reconnaissance dans la campagne et sauver ce qui peut l’être.
En attendant, prenez une collation et tâchez de vous détendre un peu.
Florian partit préparer son escorte et Dame Lilwen fit apporter des rafraîchissements et des douceurs.
Les palets de dame commandés par Louis furent dégustés avec délices.
Louis profita de ces moments où chacun s’affairait  pour s’emparer d’un plateau qu’il garnit de palets de dame, de loukoums  à la rose et à la violette et d’un pichet de lait aux amandes afin de les porter à la dame de ses pensées, la douce Ornella qui l’embrasait de mille feux mais, à son grand désespoir, il ne la trouva pas.
Qu’était-elle devenue ?
Avait-elle déjà repris la route avec la troupe de comédiens ? Et dans ce cas, elle était peut-être aux mains du terrifiant bandit, assoiffé de sang et pourfendeur de personnes sans défense …
Honteux d’avoir privilégié ses rêves et ses ambitions personnelles au bien-être du fief, Louis se précipita pour seconder Florian dans l’opération punitive à l’encontre des brigands.
Mais alors que tout le monde était sur le pied de guerre, une grande voix tonitruante se fit entendre aux abords immédiats du château.
Holà, du château, tremblez car je viens vous assiéger. Je suis Mérovée, le roi des gueux et nul ne me surpasse au lancer de couteau. Je n’ai ni cuirasse ni lance ni épée mais je ne crains personne. Qu’un de vos braves vienne me défier en combat singulier !
Ces propos provocateurs n’émurent nullement Florian qui sortit du château, protégé par ses écuyers, Louis à ses côtés et il répondit bravement à celui qui défiait les seigneurs :
Je te trouve bien insolent, Mérovée ! Réponds-moi à ton tour : qu’as-tu fait des vieillards et des enfants avant de brûler leurs maisons ? Pourquoi avoir fait peur à de braves gens qui travaillent durement pour gagner le pain qui les nourrit ?
Sois rassuré, il ne leur a été fait aucun mal. Certains de mes compagnons les ont emmenés au monastère où l’on prendra soin d’eux. Quant à ceux qui ont fui et se sont réfugiés dans ton château, je ne les félicite pas pour leur lâcheté. Ils auraient dû se joindre à nous pour réclamer leur part.
Pauvres nous sommes nés et pauvres nous sommes restés pour que vous, les seigneurs, puissiez vivre dans l’opulence et les fêtes.
Ceci ne peut plus durer, foi de Mérovée !
Envoie-moi un champion qui ose se mesurer à moi et nous verrons qui, de nous deux, mérite de vivre au château !
Plein de fureur devant tant d’insolence, Louis se délivra prestement de sa cuirasse et bondit, face à celui qui les défiait.
Sans épée et sans bouclier, il apparaissait comme l’archange des saintes écritures, s’apprêtant à châtier celui qui proférait mensonges et propos venimeux.
Mérovée lança son poignard et alors que tous retenaient leur souffle, une main invisible détourna le cours de l’arme fatale et elle se ficha entre deux pavés, faisant éclore une rose de Damas, la fleur des croisés.
Un tourbillon de sable doré enveloppa Mérovée et sa bande de gueux et les balaya comme des fétus de paille.
Lorsque le nuage fut dissipé, il n’y avait plus de trace de l’arrogant roi des gueux et en sa place, la belle Ornella qui avait été sa captive au milieu de sa troupe de comédiens et de poètes, lui tendait ses beaux bras blancs reconnaissants.
Louis la serra sur sa poitrine et tous revinrent au château, sous les vivats destinés au comte qui n’avait pas hésité à mettre sa vie en danger pour les sauver.
Ce furent de beaux moments et des fêtes suivirent.
Cette fois, Ornella ne dansa pas car Louis lui fit jurer de ne plus montrer son corps à quiconque : il était résolu à l’épouser !
Elle ne se dévoilerait plus désormais que pour lui !
Cette union fut scellée par un baiser au suave parfum de rose et de patchouli.
Parti par la volonté de Blanchefleur pour fuir l’amour des mille voiles, Louis se laissa voluptueusement prendre dans ces mousselines porteuses de bonheur.