mardi 14 août 2018

Le bal de la Tulipe d' Or ( conte complet)


Le bal de la Tulipe d’ Or
Il ne fallut pas moins d’une année pour organiser le bal de la tulipe d’or.
Tout d’abord, des émissaires furent envoyés dans tous les comtés réputés pour l’excellence de leur chevalerie afin de reconnaître d’éventuels détenteurs de messages accompagnant une tulipe d’or.
De plus, Blanchefleur eut à cœur d’inviter beaucoup de jolies dames pour que personne ne puisse imaginer qu’elle songeait à remplacer son mari et la liste fut longue et des plus charmante.
Ysabeau de Brabant, célèbre pour ses tresses blondes comme les blés de son terroir, Iseult de Tréhorenteuc, aussi belle, disait-on en terre de Brocéliande que Viviane et Morgane réunies, Louise du Val de Loire dont la plume rivalisait avec celle des poètes des domaines royaux, Floriane du Poitou, au charme mystérieux, Aliénor de Bretagne, cavalière émérite, Jehanne de Lorraine dont l’art de la broderie relevait du miracle, des mitaines en dentelle faites au crochet étaient sa spécialité, et Ludivine du Lac dont la sculpturale beauté n’avait d’égale que celle de Vénus, figurèrent parmi les invitées les plus prestigieuses. S’ajoutèrent également des jeunes filles qui résidaient dans les villages dont on avait pu remarquer la beauté ou un art manifeste sans oublier celui de la gastronomie.
L’atout de charme précisé, il fallut bien du discernement et l’amour de l’aventure pour que les envoyés de la comtesse parviennent à réunir des prétendants à la tulipe d’or.
Le grand jour venu, on les annonça avec le cérémonial dévolu aux princes, nobles et hauts dignitaires du royaume.
Waldy de Provence, à la haute stature et au sourire provocant mit en émoi toutes les dames. Sa devise « ceux qui s’entraiment dorment en paix » était brodée en lettres d’or sur son oriflamme.
Le message de la tulipe d’or était le suivant : « Une reine t’offrira le royaume de la tulipe d’or si tu fais preuve de courage ».
Alexandre de Saint Denis, aux cheveux bruns bouclés cascadant sur ses épaules impressionnantes, avait reçu, avec sa tulipe, une rose pourpre porteuse d’un texte mystérieux : «  Rose et tulipe entrelacées t’offriront la clef d’un royaume divin ».
Robert de Guermantes, à la silhouette élégante et aux traits charmants, cachait cependant une force peu commune que des mains velues trahissaient. Le message : «  L’épée de la tulipe d’or, tu brandiras si tu gravis l’olympe royale » produisit un bel effet sur Blanchefleur qui songea à un avenir enfin florissant.
Louis d’ Ermenonville, Bertrand de Gascogne, René de Douai, Jehan de Valenciennes, Florian d’ Audencourt, Lilian de Montesquiou, Philibert de Ouistreham, Charles d’ Etretat étaient tous des chevaliers émérites qui s’étaient distingués dans les croisades par leur bravoure, leurs faits d’armes et ce qui est plus rare, par leur humanité.
Aucun d’eux n’avait tué femme, vieillard ou enfant et lorsque le choix était possible, ils laissaient la vie sauve à un ennemi valeureux qu’ils avaient terrassé en suivant le code de l’honneur chevaleresque.
Les messages accolés à la tulipe d’or qu’ils avaient reçue de manière singulière, toujours liée à l’apparition d’un oiseau, portaient en essence des promesses similaires d’un royaume merveilleux si l’on était capable de le conquérir.
Avec l’assurance d’être l’homme de la situation, chacun d’eux s’était présenté à ce bal qui devrait vraisemblablement apporter la clef de l’énigme.
Dans cette attente, chacun se prêta aimablement aux festivités et ce fut une succession de moments charmants, à commencer par un dîner servi dans le jardin d’amour qui suscita émerveillement et bonheur.
Vol au vent, poulardes farcies avec un accompagnement de légumes de saison, Brie à la rhubarbe et divines pâtisseries au miel firent les délices de tous, alors que l’on servait dans des hanaps, du vin de Cahors , du Monbazillac ou du Jurançon et, dans des coupes, du vin de Champagne et des boissons aux fleurs.
Des liqueurs à la fleur de sureau ou à l’orange et à la rose facilitèrent la digestion et chacun se rafraîchit puis changea de toilette pour se prépare au bal tant attendu.
C’est au son de la harpe, du violon et du clavecin que l’ouverture du bal se fit.
Blanchefleur donna le la en dansant avec Waldy de Provence qui s’avéra être un parfait cavalier.
Ensuite, elle refusa toutes les danses car le souci de ne pas chercher un autre mari l’emportait sur toute autre considération mondaine.
Elle se devait, en sa qualité d’hôtesse, d’ouvrir le bal mais elle n’avait aucune autre obligation pour le reste de la soirée.
Elle prit place auprès des dames d’un certain âge, d’adolescents et d’enfants pour observer les élégantes évolutions dansées de couples dont il fut dit qu’aucun ne pouvait rivaliser avec celui qu’elle formait avec son époux Eudes le Valeureux.
Waldy invita une jeune beauté d’origine paysanne mais si merveilleuse qu’on la retint parmi les reines de la fête.
Jehan de Valenciennes forma avec Ysabeau de Brabant un couple d’exception et la blondeur de leurs chevelures jeta une note lumineuse qui rendit les flammes des chandeliers vacillantes et pâlies.
Des couples se formèrent par le charme du destin.
C’est ainsi que le bel Alexandre de Saint-Denis enlaça Ludivine du Lac et cette union de deux êtres à la beauté hors du commun arracha des soupirs à celles et ceux qui pensaient ne pas pouvoir prétendre à une telle harmonie.
Il en alla de même pour Robert de Guermantes et Louisa du Val de Loire dont chacun appréciait les talents poétiques. Elle a la beauté d’un sonnet murmurait-on et d’aucuns ajoutaient : « il incarne l’alexandrin de la légende épique et leurs noces perpétueront certainement l’histoire poétique de la nation ».
Blanchefleur se réjouissait de voir ces couples merveilleux se former sous ses yeux et il lui venait une certaine mélancolie en pensant à son bien aimé, Eudes le Valeureux qui n’avait pu survivre à une guerre qu’il n’avait pas aimée.
Plongée dans ses pensées, elle ne vit pas venir à elle le premier chevalier qui avait été gratifié de la tulipe d’or, Florian Roze qui était lui aussi tombé sous le charme du pays qu’ils étaient censés détruire et dont ils avaient rapporté divers arts culturels, notamment celui des chants d’amour, des dîners raffinés et des jardins merveilleux incluant patios, fontaines, roseraies et oiseaux vivant en volière.
Le chevalier Roze demanda à son hôtesse de bien vouloir lui montrer à nouveau ses jardins, ce qu’elle fit bien volontiers après avoir fait disposer des torches aux essences destinées à faire fuir les insectes indésirables.
Ils s’assirent tous deux sur un banc de marbre rose auprès de la fontaine et se révélèrent réciproquement le contenu de leurs messages.
Un ange passa et leurs lèvres s’unirent sans qu’ils aient réellement projeté un désir d’aimer.
Un feu ardent s’empara d’eux et ils s’enfermèrent dans le monument destiné aux rêves pour se découvrir et parcourir le corps de l’autre avec la fougue de leurs baisers.
Au petit matin, ils se réveillèrent, enlacés et le chevalier demanda sa main à la belle Blanchefleur dont le message : « Cherche le royaume de la tulipe d’or et de ses preux chevaliers et tu trouveras la paix de l’âme » s’illumina d’une éblouissante clarté.
Quant au chevalier Roze, il découvrit un double sens au message qu’il avait reçu : «  Cherche la pareille pour initier le mouvement des compagnons de la tulipe d’or ». Par la pareille, il fallait entendre, non seulement une tulipe identique mais surtout une âme-sœur, celle avec qui il pourrait construire un royaume destiné à la recherche d’un graal nouveau pour réunir les deux bannières de l’orient et de l’occident.
Blanchefleur se devait d’accomplir son devoir d’hôtesse et elle s’employa à faire dresser des tentes spacieuses sur un modèle oriental, pour les invités car les charmes du bal s’étant évaporés, il faudrait réunir les messages des tulipes pour trouver un axe politique audible, pour tous.
Concernant ceux qui n’avaient pas de message, ils pouvaient rentrer chez eux, sauf, bien entendu, s’ils avaient noué une idylle capable de faire basculer leur destin.

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