vendredi 17 août 2018

Le tournoi


Le tournoi
Le prince avait prêté serment devant les compagnons de la tulipe d’or, assurant qu’il formerait de tels combattants en son royaume et qu’il les enverrait au château de ses hôtes lorsqu’ils seraient dignes d’arborer la bannière brodée de la fleur magique.
Sœur Myriam et les moniales s’étaient lancées dans des travaux de broderie où la tulipe d’or était visible sous maintes déclinaisons florales pour ne pas être répétitives.
Bannières, draperies, jetés de table, nappes, robes d’apparat ,mantelets jaillissaient de leurs doigts agiles.
Blanchefleur, Lilwen et toutes les dames du château mirent leur talent à l’épreuve, de sorte que la demeure des chevaliers fut plongée dans une atmosphère créative, ce qui inspira un peintre qui composa une toile représentant ces dames, affairées à leur œuvre délicate.
Des chevaliers à l’âme poétique écrivirent des poèmes et des chansons où les dames se languissaient de leur bel amant en brodant et sœur Myriam qui n’était pas en reste pour les talents de l’écriture, composa un magnifique poème à la gloire du Christ dont elle et ses compagnes étaient les servantes.
Quant à Blanchefleur, aidée par le chevalier Roze et certains de ses proches, elle réalisa une liste où apparaissaient de grands noms de la chevalerie pour que le tournoi soit une réussite.
Des chevaliers charpentiers et maçons édifièrent la piste où s’élanceraient, lance fièrement dressée, les participants au tournoi.
On construisit également des écuries pour les chevaux, on forma des palefreniers, bref, tout fut mis en œuvre pour que le grand jour soit mémorable.
Les gradins étaient de toute beauté car on n’oublia pas ces dames dont le rôle majeur consisterait à encourager ceux qui allaient se battre pour leurs beaux yeux et elles préparèrent une faveur qu’elles décerneraient au chevalier de leur choix, sous forme de ruban.
Quand les travaux d’aiguille furent terminés, sœur Myriam et les moniales prirent la route pour se reposer au monastère car il n’était pas convenable, pour les servantes du Christ, d’assister à des combats.
Elles promirent de prier pour que tout se déroule sans incident majeur et c’est avec une escorte de chevaliers qu’elles s’en allèrent vers leur refuge sacré.
Sœur Myriam remit à Blanchefleur une belle cassette de louis d’or pour couvrir les frais de réception et tout sembla sourire à cette réunion chevaleresque.
Les participants au tournoi arrivèrent les uns après les autres. Ils présentaient leurs hommages à Blanchefleur puis se retiraient sous leur tente afin de se préparer à combattre et surtout à gagner.
Le prix du tournoi était une belle coupe ciselée en or et chacun rêvait de se la voir remettre par la maîtresse des lieux, si belle et si bonne. De plus, ce qui ne gâtait rien, c’est qu’elle était la propriétaire d’un magnifique château et de domaines florissants. Bois de charmes et lacs profonds jetaient leur note enchantée, au milieu de champs cultivés avec soin par de bons agriculteurs.
Les chevaliers ne manquèrent pas d’admirer la lice où se jouerait le championnat ainsi que le soin apporté aux arènes attenantes et aux écuries.
Le chevalier du Bois d’Arcy avait fière allure et la prestance de Bertrand de Guerlande semblait sans égale. Puis vint un chevalier qui ne voulait pas donner son nom, fidèle à la coutume du combattant mystérieux qui était souvent le futur vainqueur.
On eut beau l’épier pour le démasquer, rien ne fut dévoilé et son écuyer demeura muet.
On s’en remit à la tradition. On ne saurait son nom et on ne verrait son visage que s’il était vaincu ou le vainqueur final.
Le nom de Lancelot hanta chacun mais personne n’en parla car les chevaliers de la Table Ronde avaient tous disparu et il était impossible que Lancelot soit encore de ce monde.
Néanmoins, cette légende flotta comme un mystérieux étendard et cela donna à Lilwen l’idée de broder une oriflamme supplémentaire.
En sa qualité d’hôtesse du château, Blanchefleur se devait de préparer les couleurs à remettre au chevalier qui les solliciterait. Elle broda de lys une belle étoffe prise dans la malle que son défunt mari lui avait fait parvenir et cette occupation l’absorba en la plongeant dans une mélancolie rêveuse qui la rendait plus belle qu’elle n’avait jamais été.
Lilwen broda des roses d’or sur une belle étoffe bleue comme ses yeux et elle paraissait si rêveuse que Blanchefleur pensa qu’elle avait un soupirant mais elle préféra ne pas la questionner.
L’amour peut être si changeant, si fragile !
Elle était bien placée pour le savoir et même si la plaie s’était cicatrisée, elle gardait encore le souvenir douloureux de la trahison.
Enfin, le grand jour arriva et le tournoi de haute tenue tint toutes ses promesses.
Vainqueurs et vaincus, après avoir jouté de belle façon, se retrouvaient dans la salle d’armes où de fraîches jeunes filles leur apportaient des boissons revigorantes à base de fruits.
Les blessés s’en remettaient aux mains habiles de soignantes qui enduisaient les blessures de baumes cicatrisants.
Le chevalier du Bois d’Arcy fit merveille mais il fut défait par le chevalier sans nom qui avait réclamé les faveurs de Blanchefleur.
Il s’inclina face à sa dame et il aurait été déclaré vainqueur si un chevalier, avec les couleurs de Lilwen ne l’avait pas défié.
Le cœur battant, la comtesse et sa dame de compagnie prièrent en silence pour que le chevalier Roze, car c’était bien lui, ne morde pas la poussière.
Les bannières de leur dame flottaient au vent et le choc des lances fut terrible. Ils durent mettre pied à terre pour combattre à l’épée.
Les dames retenaient leur souffle.
L’inespéré se produisit : Florian Roze eut le dernier mot et c’est d’un geste sûr et rapide qu’il souleva la visière du chevalier inconnu, vaincu.
Chacun put alors voir que celui qui avait fait mordre la poussière à tant de preux chevaliers était un tout jeune homme, presque un enfant.
En s’inclinant auprès de sa dame, Blanchefleur, il déclina son identité.
Il n’était autre que l’héritier d’ Eudes le Valeureux !
Alors que le chevalier envoyait des messages d’amour ardent à son épouse, la belle Blanchefleur dont il énumérait, lettre après lettre, les canons de sa beauté, il avait vécu une aventure passionnée près de Jérusalem.
Bethsabée aux jolis yeux de biche lui avait donné un garçon à qui il avait inculqué, dès son plus jeune âge, les valeurs et les devoirs chevaleresques, se réservant de le faire venir, un jour, en son château, lorsque Blanchefleur lui aurait pardonné sa trahison.
Un grand poids quitta la poitrine de Blanchefleur et elle étreignit avec joie ce bel enfant qui précipitait sa faute dans les oubliettes du château.
Il se prénommait Louis et avait à cœur de défendre le château de son père.
Blanchefleur lui fit préparer la plus belle chambre et elle ne manqua pas à ses devoirs en remettant la coupe d’or ciselé au vainqueur, le beau chevalier Florian Roze qu’elle pourrait enfin regarder sans éprouver un sentiment de honte.
Les joues de la belle Lilwen rosissaient lorsqu’il lui rendit sa faveur, à peine tachée de sang car il avait tenu à la préserver.
La naissance d’un amour et la formation d’un couple enchantèrent la dame du château qui rentra dans sa demeure, apaisée et décidée à se consacrer désormais à l’éducation et au bien-être de Louis qui ne tarderait pas à porter le nom de son père : le Valeureux.
Ainsi finit l’histoire des compagnons de la tulipe d’or et si vous souhaitez en savoir davantage, une suite naîtra sous la plume inspirée de votre conteuse !
Que troubadours et ménestrels fassent leur entrée au château pour enchanter les hôtes, heureux d’avoir vécu une suite d’aventures mémorables.

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