jeudi 16 août 2018

Le tulipier magique


Le tulipier magique
La nuit portant conseil, Blanchefleur s’éveilla avec la ferme décision d’effectuer une retraite méditative dans le monastère proche de son domaine.
Cette inexplicable nuit de passion avec un chevalier, certes doté de qualités mais qui n’était pas son époux la hantait et il lui semblait qu’elle portait une lourde croix qui lui entaillait l’épaule.
Elle était un peu gênée de ce qui apparaîtrait à certains comme une dérobade et elle s’en voulait de ne pas être l’hôtesse de marque auprès du prince venu de si loin pour la voir mais elle demeura ferme en songeant que Lilwen aux joues roses la remplacerait avec maîtrise, fermeté et souci d’accomplir une tâche sacrée.
Elle annonça la nouvelle à la ronde, Lilwen à ses côtés et elle nota, non sans un petit pincement au cœur, que de nombreux chevaliers semblaient enchantés tant la beauté, la fraîcheur et surtout la jeunesse de Lilwen avaient l’éclat de la perfection faite femme.
Fidèle à la tradition orientale, le prince ne laissa rien paraître et il se contenta de remettre à la dame des lieux, des bijoux précieux, choisis dans ses coffres parmi les plus beaux.
Il lui réservait en outre, une surprise, un cœur d’or pur où le lys et la rose représentait le couple qu’elle formait avec Eudes du Loiret.
Touchée par cette délicate attention, Blanchefleur décida d’emporter cet emblème de l’amour courtois auquel elle avait dérogé.
Elle se retira afin de préparer ses bagages, ce qui fut mené rondement, l’essentiel consistant en robes de lin blanc, chemises de nuit et accessoires de toilette.
Elle ajouta du linge délicatement brodé du cœur de Jésus et de marguerites, symbolisant l’apparition dont avait été honorée Sainte Marguerite-Marie car elle songeait en faire cadeau à chacune des nonnes qui vivaient en ce cloître, fermé au monde, au rythme de la prière.
Le prince tint à l’accompagner jusqu’au monastère avec quelques dignitaires de son escorte et après l’avoir assurée de son amitié la plus profonde, il reprit la route du château pour y retrouver les chevaliers en pleine tempête cérébrale, eu égard au message dont ils devaient décrypter le sens profond.
Le prince déposa sur la table la tulipe d’or que son faucon lui avait apportée en guise de trophée ainsi que le message  assez sibyllin : «  Un double huit où niche le cœur de la reine te conduira au royaume où l’orient et l’occident sont frères ».
C’est tout à fait singulier s’écria Florian Roze ! Comment se fait-il que vous ayez pensé au château de Dame Blanchefleur comme pièce maîtresse ?
Mais tout simplement parce que son mari était persuadé que la guerre entre nos deux contrées était inutile, voire criminelle et que nous devions persuader nos proches de la véracité de cette idée majeure. C’est pourquoi je suis venu jusqu’au château avec la fine fleur de mes compagnons pour tenter de mettre un terme définitif à ces embryons de guerre qui serpentent avec malfaisance dans le cœur des hommes.
Dame Blanchefleur trouvera certainement l’énergie nécessaire pour guerroyer à nos côtés, pour la paix cette fois, et lorsqu’elle sortira de sa retraite méditative, elle nous apportera son indomptable foi en l’âme humaine.
Lilwen fit une apparition pour demander à ses hôtes ce qu’ils souhaitaient manger, ce à quoi on lui répondit qu’ils mangeraient à la fortune du pot et qu’il fallait oublier les festins : des produits de base fournis par le potager et le poulailler feraient l’affaire !
Dans les cuisines, on prépara du poulet, des tartes aux légumes et des crèmes à la fleur d’oranger et à la bergamote.
Tout cela fut mené rondement et servi sur la terrasse  avec des pichets de cervoise et d’orangeade.
Lilwen fut remerciée chaleureusement, ce qui la fit rosir de plaisir.
Ensuite, chacun se retira dans sa chambre pour une courte sieste.
Dès leur retour dans la salle d’armes transformée en bureau d’études , ils se remirent à la tâche et finalement un thème net se dessina.
Il existait, dans un royaume à définir, un tulipier magique. Il faudrait en cueillir les plus belles fleurs, les réunir en un bouquet enchanteur qui ferait jaillir la fleur éternelle destinée à propager l’amour.
Alexandre de Saint-Denis parut le plus approprié pour représenter l’union des deux mondes et chacun s’accorda à penser que la place d’honneur revenait au prince puisqu’il était le mieux placé pour symboliser l’orient tant aimé et si convoité.
Des binômes se constituèrent en tenant compte de leur complémentarité ou de leur entente harmonieuse et une carte fut établie, attribuant à chaque duo une direction susceptible de le conduire à l’arbre convoité.
Puis des provisions furent mises à la disposition des écuyers qui accompagnaient les chevaliers.
Enfin le signal du départ fut donné et chacun de s’en remettre à sa bonne étoile pour trouver l’arbre magique qui offrirait à tous la paix tant attendue et désirée.
Seul, le chevalier Florian Roze, avec l’accord unanime de ses compagnons, demeura au château  car on convint bien volontiers qu’il était imprudent, en ces temps encore incertains, de laisser un tel édifice à la merci de pillards ou de mauvais génies.
Dame Lilwen se réjouit de cette mesure, craignant de ne pas pouvoir remplir une tâche de guerrière si besoin était.
Ce fut un soulagement général et chacun suivit sa destinée avec bonne humeur et espérance.

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