jeudi 31 décembre 2020

Johnny for ever

 

Johnny for ever

Cette nuit, les amis, tenez-vous prêts à recueillir des partitions de chansons inédites de Johnny qui viendront nous redire à quel point il nous aimait ! Nous retiendrons la nuit jusqu'à l'aube et recevrons ces notes sur parchemin comme un nouveau tatouage de l'homme qui n'aimait que son public dans les beaux yeux de celle qu'il adorait !


mercredi 30 décembre 2020

De Swann à Modigliani

 



Laurence a joué un rôle prépondérant dans mon évolution adolescente et si je n’ai pas de photographie présentable qui puisse lui rendre hommage, tant les blouses portées à l’époque étaient disgracieuses, je peux néanmoins offrir un aperçu de sa personne grâce à Modigliani.

La ressemblance de cette unique amie avec les portraits du grand peintre était frappante : on aurait juré que Laurence lui avait servi de modèle.

Quand je le lui disais, elle était très fière. Cette assimilation lui donnait un peu de baume au cœur, chassant les ombres projetées par sa marâtre sur sa personne.

De même, plus tard, j’appris par un étudiant en journalisme que je lui évoquais La jeune fille à la perle de Vermeer de Delft. Il avait installé une reproduction du tableau sur le manteau de sa cheminée et il passait fièrement devant elle comme s’il se fût agi d’un trophée.

Je me contentais de hausser les épaules et je brisais toute conversation me ramenant au tableau.

Je souffrais à l’époque d’un féminisme exacerbé. Malheur à celui qui aurait voulu parler d’une supposée beauté, je ne voulais être appréciée que pour mon esprit et mes connaissances !

Dans sa Recherche du Temps Perdu, Marcel Proust dénoue avec délicatesse les fils ténus et subtils de l’amour.

Un amour de Swann, incise de Du Côté de chez Swann, décrit les rouages d’une passion qu’un esthète éprouve pour une jeune femme, Odette de Crécy qui n’est pas apparentée aux jeunes femmes qu’il apprécie habituellement mais qui lui semble être d’une beauté incomparable le jour où il s’aperçoit qu’elle ressemble au portrait de l’un de ses tableaux préférés.

Alors Charles Swann, l’esthète séducteur invétéré devient un amant jaloux et éperdu.

Odette appartenant à ce que l’on nommait à l’époque le demi-monde, c’est-à-dire qu’elle vivait de ses charmes de manière policée, Charles déposait en la quittant une liasse de billets dans une potiche chinoise. Cependant, l’amant développa un supplément d’âme en associant le supposé amour qu’il éprouvait pour la volage Odette à une sonate, dite de Vinteuil, dont chaque note provoquait un précipité passionnel.

Enfin, à bout de souffrances, il finit, lui, le célibataire endurci qui tenait avant tout à sa liberté, par épouser Odette et devenir le père d’une délicieuse petite fille, Gilberte, qui franchirait un jour le portail de l’hôtel de la Duchesse de Guermantes, la célèbre Oriane, arbitre des élégances.

Concernant Laurence et la touche picturale chère à Modigliani, c’était une revanche sur la vie.

Elle avait besoin d’être sublimée pour pulvériser l’enveloppe de vilain petit canard dont on l’avait affublée.

Je fus heureuse d’avoir eu cette illumination qui lui permit d’appréhender la vie avec une note d’espérance.

lundi 28 décembre 2020

Paris de mes amours

 



Dans le beau Paris de mes amours, les orages s’amoncellent et des signaux alarmants éloignent les passants des berges de la Seine qui coule paisiblement, entourant l’île Saint Louis de sa couronne de lumière.

Une guitare en bois de rose vogue sur l’eau, comme le berceau de Moise et je m’imagine, revenant à la source de ma petite enfance comme un oiseau tombé du nid et attendant qu’une bonne âme me recueille dans la nuit.

J’appelle tous mes amis, les égéries de ma vie, mes enfants bien aimés à se tenir les uns contre les autres comme pour une comédie rock musicale,  de manière que je puisse revenir vous jouer une spéciale , toute de strass et de paillettes, avec des franges et des bagues inédites, venues des quatre coins du monde où j’ai rêvé, pressé de vous donner un dernier message d’amour, de lumière et d’argent dans un halo de lune pour que vous attendiez patiemment la venue de l’année nouvelle qui balaiera tous les tourments !

Paris, je t’aime : attends-moi : Johnny est de retour !

samedi 26 décembre 2020

Le parchemin d'amour de Davy Crockett

 



J’ai toujours enfilé le costume de Davy Crockett, de mon enfance à mon âge d’homme, avec ses tuniques à franges et son collier de pierres bleues et blanches, à l’image des collines où ce trappeur célèbre aimait vivre.

Ce costume de scène était pour moi la marque d’une identité et je n’ai pas vu, au fil des ans, ma peau se flétrir et se parer de dessins qui l’ont assimilée à un parchemin d’amour où l’on pouvait lire les méandres de ma vie amoureuse, si complexe et si totale, dans une recherche effrénée et fougueuse de la passion qui fait exploser les courbes des rivières et lui offre au grand jour les pépites d’or de l’éternelle jeunesse.

Une guitare et des bottes ont complété ma tenue d’éternel enfant et j’ai psalmodié les mélodies amoureuses des chansons qui deviennent cultes au fil des ans et c’est ainsi que moi, Johnny, je suis devenu une légende, celle de l’éternel amour !

De Salomon à Saint Paul

 



C’est Laurence qui m’a ramenée vers les jardins d’Eden en m’obligeant à la suivre au cours facultatif de l’abbé Paul Boué au lycée de Valenciennes.

Je m’étais fait tirer l’oreille car le dernier aumônier que j’avais vu, au lycée de Douai, avait suscité en moi de la répulsion en voulant me faire avouer, dans le confessionnal, des pensées noires et horribles, dégoûtantes en un mot, relatives au sexe des petits garçons que j’étais censée observer avec convoitise alors que les garçons étaient le cadet de mes soucis.

Rien de tel avec l’abbé Boué. Il fut notre bon ange, de la quatrième à la philo.

La dernière année, il songea même à nous mettre en garde contre la tentation d’entrer en religion car, nous disait-il, l’enfermement est particulièrement pénible pour une femme étant donné qu’elle n’a pas les coudées aussi franches qu’un homme.

Cet avertissement m’était adressé car il n’avait pas été sans remarquer mon glissement vers une sorte de mysticisme dont il voulait me sortir afin que je trouve un art de vivre qui m’apporte le bonheur.

Il nous promettait toujours un grand cours sur Saint Paul qui ne venait jamais tant il avait à cœur de sauver toutes les brebis égarées de notre cours. Et elles étaient nombreuses car elles avaient choisi cette parenthèse idéale pour clamer leur détresse.

Pour moi, la cause était entendue et j’avais hâte de voir notre génial abbé ressusciter cet homme qui, sur le chemin de Damas, avait été jeté à bas de son cheval et frappé de cécité tandis que la voix de Dieu, aussi forte que le tonnerre criait : «  Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu » ?

Cette histoire fantastique, celle d’un persécuteur de chrétiens frappé par la grâce divine et devenant le champion du Christ, je l’ai entendue ni à l’église ni par ma mère qui était bigote mais par une personne extraordinaire chez qui nous nous rendions une fois par mois.

Cette dame, orpheline et placée chez un commerçant avait épousé le fils de la maison et devenue veuve, avait dirigé la fabrique de meubles d’une main de fer.

Je la revois, cheveux blancs frisés, revêtue d’une blouse blanche sur laquelle elle ajoutait, en hiver, une liseuse réalisée au crochet par ses soins.

Si l’on voulait faire renaître le textile, il suffirait de s’adresser aux religieuses de notre pays qui ont été de merveilleux professeurs de broderie, couture et autres ouvrages d’art.

Coco Chanel fut formée à l’orphelinat et son talent créateur fit le reste.

Madame V., ma bienfaitrice, portait ses liseuses aériennes et féeriques avec une grâce naturelle.

On comprit, à mi- mots, qu’elle avait séduit le fils de la maison grâce à son art de faire d’un calicot une robe de reine.

Elle passait dans un bruissement de billets de banques qui garnissaient ses poches.

Parfois, à la suite d’une brouille intestine avec son fils aîné Simon, elle attendait calmement qu’il vienne lui demander pardon ; ce qui ne manquait pas d’arriver, en notre présence. Masquant son triomphe, Madame V. lui donnait un léger baiser sur le front qu’il tenait baissé. Vaincu par sa terrible mère, Simon disparaissait tandis que sa terrible mère s’éclipsait dans la cuisine boire le café avec l’un de ses ouvriers, un meneur nommé Noir Tièt ( Noire tête). L’entretien terminé, elle lui glissait un billet de banque dans la main en lui faisant des recommandations : «  Pas de syndicalisme » etc…et le colosse s’inclinait en balbutiant des remerciements pour l’argent tandis qu’elle lui donnait une dernière recommandation : «  Tu les mettras sur ton livret de caisse d’épargne » !

Papa recevait un gros billet que l’habile patronne glissait dans une petite poche de sa veste, en échange de son aide pour la rédaction d’un courrier délicat dont elle ne voulait pas parler dans son entourage.

Il y avait un conciliabule rapide et s’ensuivait un échange de documents.

Maman n’était pas oubliée. Pas d’argent mais un plateau d’œufs frais provenant de son poulailler, du beurre et des pièces de tissu dont ma mère faisait des vêtements, pour elle et pour moi.

J’avais un beau billet de mille francs offert sans façon car notre bienfaitrice savait que je remettrais cet argent à mon père.

Il servait à payer les denrées achetées au marché en semaine. Quelques billets étaient placés sur un livret d’épargne qui, au final, m’offrit une piètre somme étant donné la dévaluation du franc.

Le moment que j’attendais, c’était la lecture d’un épisode de la Bible fait à haute voix par la commerçante transfigurée par sa passion.

Elle s’arrêtait parfois pour faire un commentaire ou relire un passage qui l’avait particulièrement intéressée.

L’histoire de Salomon, de Dalila, de Joseph et ses frères, de Moise et de tant d’autres personnages de l’ Ancien Testament me fascinait.

Lorsqu’elle terminait sa lecture, elle ne manquait pas de dire : «  Je sais bien que je suis méchante, que je suis une pècheresse mais j’espère que Dieu, dans son infinie bonté, m’ouvrira tout de même la porte de son paradis car je prie sans cesse pour racheter mes péchés ».

Elle fit ériger un temple et Papa dut certainement œuvrer pour qu’elle obtienne son permis de construire.

Elle donna une élégante réception avec un buffet choisi pour célébrer le sanctuaire dédié au Seigneur.

Mes parents et leurs enfants figurèrent au nombre des invités.

Daniel ne vint pas, fidèle à ses habitudes d’indépendance. Il préférait des cadeaux concrets, de l’argent en fait.

C’est ainsi qu’il put partir avec ses copains, Madame V. ayant financé les frais du camping, tente et nourriture.

Mes parents écoutaient les passages de la Bible comme un exercice imposé mais cela ne décourageait pas notre Veuve qui voulait faire preuve de prosélytisme.

Par contre, elle nota l’intérêt que je prenais à ces lectures entrecoupées de commentaires édifiants, c’est pourquoi, un soir, peu avant sa mort, elle m’offrit une Bible en plus du fameux billet de banque.

Ma seconde Bible me fut offerte, lors d’une université d’été organisée par le ministère de l’intérieur.

Ce colloque, L’Adolescent en 1988, avait lieu à Gif sur Yvette, centre de formation de la police.

C’est un commandant de CRS (j’ignorais son grade à ce moment), qui me remit cette Bible, en remerciement d’un poème que j’avais lu dans l’amphithéâtre, poème écrit sous le coup de l’émotion à la suite de révélations sur les sectes et l’attirance de nos adolescents pour ces obscures tentations.

Ce poème s’intitule Pluie d’étoiles et il figure dans l’un de mes livres.

Je garde le souvenir des applaudissements qui fusèrent après ma lecture.

Des gradés voulurent m’être présentés et le commandant qui gérait le colloque dit rêveusement en aparté lors d’un voyage à Etretat offert aux «internes » : «  J’avais pensé placer une Bible dans les chambres des pensionnaires et puis je n’ai pas osé ce geste, craignant de paraître ringard ».

Ma troisième Bible, je me la suis offerte récemment avec l’intention de renouer avec ces textes qui ont imprégné mon enfance, m’aidant à regarder les cieux.

L’abbé Boué ne fit jamais son cours magistral sur Saint Paul mais je relirai prioritairement les textes de cet intellectuel devenu Chrétien par la grâce de Dieu, en ayant une pensée pour cet aumônier si généreux et si désireux de nous épargner les misères du monde.