mercredi 28 septembre 2022

Un nuage en forme de guitare

 

Un nuage en forme de guitare


En observant le ciel, j’ai vu un nuage prendre la forme d’une guitare.

Des accords ont retenti et dans une bulle azurée, Johnny, félin, magique et mystérieux tel qu’il apparaît, aux côtés de Nathalie Baye, dans le beau film de Jean-Luc Godard, Détective, a foulé le sol de ses mocassins blancs.

Il s’est assis dans l’herbe, a pincé les cordes de sa guitare et une chanson inédite, couleur d’amour, a jailli de ses lèvres.

«  Femme de miel, de jasmin et de rêve, tu te blottis dans mes bras et je t’enlace doucement comme le cadeau céleste que je n’ai jamais eu.

Tu es à la fois ma femme, mon enfant et la déesse qui m’apparaît chaque soir en traversant le ciel de lit que je n’ai jamais eu.

Puis, un vol de colombes, de mésanges et de colibris m’a enveloppé dans un halo de rêve, me rendant à la vie azurée qui est désormais la mienne.

Je pars en emportant la chaleur de tes lèvres et la tiédeur de ton corps magnifique, sculpté dans l’ivoire de mon âme ».

Un dernier trémolo dans la voix et Johnny repart en empruntant le chemin des nuages, sa guitare à la main.

 

samedi 24 septembre 2022

La promesse de l'ange

 

La promesse de l’ange


Alors que je méditais, plongée dans les racines de l’aurore, nouvelle Pénélope condamnée à mettre sur le métier un voile de mariée, inutile désormais, un ange m’est apparu, un livre d’or à la main.

Il me l’a tendu et lorsque je l’ai feuilleté, je n’ai trouvé que des pages poudrées d’ocre et striées d’azur.

«  Écris » m’a dit une voix d’outre-tombe et docilement, j’ai pris mon stylo pour noter les messages enluminés qu’il me serait possible de capter.

De nuage en nuage, comme à la marelle, je suis arrivée jusqu’au ciel et là, je suis restée immobile, attendant une promesse de vie.

Une feuille d’automne s’est détachée du grand chêne qui protège notre maison et j’ai lu sur les nervures de la carte feuillue le canevas de mes jours à venir.

De feuille en feuille, je formerai un livre inédit, utilisant un procédé ancien qui consiste à composter des produits de la terre pour en faire une œuvre insolite où le mot jouera à cache-cache avec l’esprit dans l’espoir de réaliser la promesse de l’ange en créant un chant d’amour.

Le manteau de Johnny

 

Le manteau de Johnny


Le temps passe mais nous n’oublions pas celui qui nous a tant fait vibrer ! Nous réalisons à présent qu’il incarnait les mille visages de l’amour, tantôt caressant, tantôt fébrile, tantôt déchaîné à l’image de tous les rôles qu’il a incarnés car il était un acteur doublé d’une vibrante voix qui faisait bouger les montagnes et décupler la force du vent, comme dans les contes.

Véritable magicien, il se défaisait prestement d’un manteau de cow-boy pour revêtir celui du prince charmant, du guerrier ou du biker.

Sa voix mélodieuse était à l’unisson de toutes les histoires d’amour, de Roméo à Jessie James en passant par l’hôte malheureux du Pénitencier ou le fou d’amour du Requiem qui retentit à nos oreilles comme le glas de la passion poussée à son paroxysme et qui fait bondir notre cœur à la manière d’un tambour de guerre.

Johnny a incarné tant de personnages que parfois on a oublié qui il était, un enfant désespéré qui cherche l’amour comme on cherche son âme, dans les dédales de la vie.

 

mercredi 21 septembre 2022

Plus jamais

 

Plus  jamais


Une chape de plomb s’est abattue sur moi, me plongeant dans un coma intellectuel.

« Veuve », ce mot que je préfère reléguer au chapitre identitaire m’est parfois asséné comme une gifle ou un reproche.

«  On m’a dit que vous étiez veuve » ! Qu’attend-on de moi exactement ? Que je pleure ou que je revive sans cesse les moments tragiques subis lorsque  tu m’as quittée, toi qui étais à la fois mon royaume et mon roi ?

Alors bien sûr je me lance dans la trame narrative de tes derniers instants, souffrant mille morts tandis qu’une expression «  Plus Jamais » martèle mes tempes et broie inexorablement mon cœur.

Oui, j’ai le cœur brisé mais je ne peux me résoudre à le proclamer. Cet incommensurable chagrin ne peut pas devenir un banal sujet de conversation.

Je me refuse à ce que ta personne soit exposée comme un arbre mort.

En réalité, je ne suis pas seule puisque tu ne m’as jamais réellement quittée.

Je te porte en moi, tu es là !

Il s’en faut de peu que je n’entende ta voix ou que tu n’apparaisses, inquiet, la nuit, en ne me voyant plus à tes côtés.

Tu craignais tant que je ne tombe que tu te levais pour me trouver à la cuisine, buvant un verre de sirop de violette pour dissiper mes angoisses.

Ta main dans la mienne, plus jamais ?

Nos mains avaient cette particularité d’être pratiquement identiques et qu’elles se superposaient à la perfection.

Alors, plus jamais vraiment ? Comment est-ce possible ?

Je laisse la vague perpétuelle de la douleur me rouler dans l’écume des jours qu’il me reste à vivre avant de te rejoindre dans ce royaume où, je le sais, tu m’attends.

 

 

mardi 20 septembre 2022

Le bal des sirènes

 

Le bal des sirènes


Pour fêter sa victoire sur la vouivre, Serena organisa un bal où toutes les sirènes, océanes, fluviales et lacustres seraient conviées.

Il fallut trouver un espace suffisamment grand pour accueillir toutes ces dames et leurs prétendants.

Serena usa de tous ses pouvoirs, donna des perles sans compter et faute d’endroit convenable, elle créa une île où chacun se rendrait pour la célébration de sa victoire.

Juliette, Anémone et Bruno furent naturellement conviés. Ils embarquèrent sur un voilier affrété par  Serena, attentive au moindre détail.

Le grand jour arriva.

Sirènes, dauphins, éléphants de mer étaient au rendez-vous.

Un orchestre attaqua Le Danube Bleu et tout le monde se mit à danser.

Bruno valsait à tour de rôle avec Anémone et Juliette et il arriva, une fois de plus, qu’elles se confondent et ne forment qu’une femme, à deux facettes, l’une terrestre et l’autre ailée.

La confusion aurait perduré si un prince, semblable à un cygne noir, n’était pas arrivé sur la piste de danse.

Il s’inclina devant Anémone, notre alouette et la symbiose du couple devint si flagrante qu’un tonnerre d’applaudissements se fit entendre.

«  A présent, vous êtes toute à moi, ma douce Juliette » murmura Bruno en enlaçant tendrement sa compagne.

Serena donna l’ordre de la mise en place d’un ballet aquatique.

Au son d’une composition de Mendelssohn, les sirènes évoluèrent avec grâce et enchantèrent les invités.

Un nuage couleur de feu apparut à l’horizon et l’on vit avec stupeur un vol de chauves-souris fondre sur la piste.

Parmi cette gent ailée figurait la vouivre, vêtue avec ostentation d’un collant hérissé de pointes. Semblable à un dragon des eaux, elle poussa un cri rauque et fondit sur Bruno qu’elle voulut emporter comme une proie.

Serena s’opposa à cette destructrice. Secondée par sa garde d’éléphants de mer, elle réussit à chasser l’intruse en lui subtilisant, au passage, l’escarboucle qui lui permettait de piéger les jeunes gens.

L’horizon retrouva sa clarté et Serena promit à Bruno et à Juliette de leur offrir l’escarboucle le jour de leur mariage.

Juliette et Bruno remercièrent chaleureusement la reine des sirènes et se promenèrent, main dans la main, en échangeant des mots doux.

On n’entendit plus parler de la vouivre mais je gage qu’elle a dû tout mettre en œuvre pour reconquérir l’équivalent de son escarboucle et je suis certaine qu’elle ne renoncera jamais à s’emparer de beaux jeunes gens sensibles à son charme.

Bruno et Juliette firent construire un atelier de peinture.

L’artiste conçut la fresque qu’il avait imaginée en voyant, pour la première fois, Juliette et Anémone.

Il l’enrichit des épisodes de sa vie en compagnie de la vouivre.

La fresque orna le palais de Serena. Toutes les personnalités aquatiques vinrent admirer le chef d’œuvre et chantèrent les louanges de Bruno sur toutes les mers et tous les océans du monde, sans oublier les fleuves, les rivières, les lacs et les étangs.

On vint de partout acheter des toiles du peintre et Juliette vendit bien ses esquisses.

Ils reçurent un jour la visite de Swany, le prince cygne noir et d’Anémone qui tenait dans ses bras une ravissante petite fille prénommée Ondine.

Elle devint par la suite une danseuse renommée.

Ses fouettés ressemblaient à des battements d’ailes «  d’alouette, bien sûr, dit Juliette » et les deux amies se retrouvèrent, une fois de plus, en parfaite harmonie.