mardi 20 septembre 2022

Un palais lacustre

 

Un palais lacustre


Lorsqu’il reprit ses esprits, Bruno fut étonné de se trouver logé dans une pièce spectaculaire où le marbre , les dorures, les bois précieux alternaient avec la soie, le satin et les tissus de haute lice qui semblaient provenir de l’ Inde.

La vouivre avait apparemment pensé à tout pour que le séjour de son prisonnier soit le plus agréable possible.

Piano, secrétaire et pièce attenante avec vue sur les évolutions des poissons contenant un chevalet et du matériel à dessin semblaient assurer à Bruno des jours agréables.

Le peintre se saisit d’un pinceau et brossa fiévreusement le portrait de sa geôlière à qui il attribua un sceptre royal orné d’une alouette prenant son envol pour se poser sur une roselière.

De son côté, la vouivre commandait à ses serviteurs un véritable festin afin d’enchanter l’homme dont elle voulait faire son amant.

Un branle-bas général régnait dans le palais embelli par du cristal, des faïences hollandaises et des chandeliers d’argent.

La porcelaine de Limoges étincelait sur une table nappée de lin blanc brodé de roses.

La vouivre soigna sa toilette, choisit un fourreau lamé or. Sa  chevelure qui évoquait un nid de serpents fut soigneusement nattée et piquée de boutons de lotus pour adoucir ses traits.

Malgré ces efforts, elle semblait toujours redoutable car son regard fascinant restait celui d’une guerrière.

Chaussée de talons aiguille, elle martelait les dalles de marbre en faisant voler des éclats.

Elle dépêcha des serviteurs dans la suite de son amant pour lui faire endosser un habit de gala.

Emoustillée à la perspective des ébats qu’elle espérait, elle veillait à ce que tout soit parfait.

Bruno, de son côté, se sentait animé par la passion mais il s’agissait uniquement de son art.

Alors qu’il regardait la baie vitrée pour capter un reflet fugitif, il aperçut une sirène, coiffée d’une couronne de perles et d’or.

La sirène lui adressa des signes et il comprit qu’elle lui proposait un itinéraire.

Pensant qu’il n’avait rien à perdre, Bruno emprunta le couloir proposé.

Bien lui en prit car au bout du dédale fléché, il y avait une petite porte dont la clef d’or semblait être celle de la liberté.

La sirène s’approcha de l’ouverture, prit Bruno sur son dos et partit rapidement en se servant de sa queue comme d’un propulseur.

Elle déposa délicatement son protégé sur l’herbe parfumée des bords de l’étang, envoya des messages aux oiseaux et embrassa délicatement les lèvres du jeune homme pour lui insuffler  les forces vives exigées par la Terre.

Juliette et Anémone reçurent le message.

C’est à bord d’une calèche que les deux femmes recueillirent leur ami.

Le cocher les aida à transporter Bruno encore inconscient dans sa chambre.

Elles se relayèrent toute la nuit pour le veiller et ces attentions portèrent leurs fruits parce qu’il ouvrit les yeux au chant du coq.

Il embrassa ses amies avec effusion et laissa couler ses larmes.

Il retrouva l’esquisse sauvée par les cygnes avec joie mais, se tournant vers ses deux dames d’amour, une seule en réalité, il leur dit :

«  Dorénavant, vous serez mes reines et c’est vous que je peindrai en priorité car nous sommes liées à jamais.

Si elle le désire, je peindrai également la sirène qui m’a indiqué le chemin de la liberté et m’a prodigué les premiers soins.

La journée s’écoula sous les auspices du bonheur tandis qu’au palais, la vouivre laissait éclater sa colère et jurait qu’elle aurait sa revanche.

 

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