dimanche 18 septembre 2022

La vouivre légendaire

 

La vouivre légendaire


Alors qu’il s’ingéniait à capter le miroitement de l’onde pour en restituer le mouvement du bout du pinceau, Bruno vit rougeoyer dans l’herbe une escarboucle qui avait l’éclat d’un rubis.

Une princesse aura laissé tomber un joyau de sa couronne se dit-il et il se baissa pour ramasser le bijou.

Il entendit un sifflement et vit se dresser devant lui une femme extraordinaire dont la forme serpentine lui donnait le vertige.

«  Tu es bien comme les autres, mon prince des bois ! Tu te prends pour un artiste mais il suffit d’exhiber un objet de valeur pour que tu oublies ton art » persifla la créature et elle ajouta «  Au cas où tu ne m’aurais pas reconnue, je suis la vouivre et sache que les jeunes hommes qui succombent à mes charmes connaissent une mort cruelle qu’ils ont méritée.

Soit dit Bruno avec assurance, je ne vous demande qu’une seule faveur avant de mourir : réaliser votre portrait car vous êtes si belle qu’il serait indécent de ne pas laisser une trace d’une telle splendeur.

Je te l’accorde dit la vouivre mais ne t’attends pas à ce que je sois clémente. Tu mourras, à coup sûr, le portrait achevé ».

Bruno acquiesça et se mit au travail. Il eut bientôt réalisé ce qu’il crut être le portrait de sa vie.

Il avait reproduit avec minutie les anneaux corporels de l’être fantastique qui posait devant lui.

Il la représenta en majesté, portant sur le front l’escarboucle qui était à la fois une parure et une arme.

Lorsque l’œuvre fut achevée, la vouivre saisit l’artiste par les cheveux et l’emmena au fond de l’étang, dans son palais.

Des cygnes s’empressèrent de s’emparer du portrait et ils le placèrent dans une roseraie.

Ils éprouvaient de la pitié pour cet artiste qui les avait si bien représentés sur les ondes mouvantes de l’étang.

Quelqu’un trouverait le dessin se disaient-ils très justement et des êtres humains parviendront peut-être à sauver cet artiste qui aime tant la nature et qui mérite de vivre.

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