vendredi 16 septembre 2022

Le Graal des faubourgs

 

Le Graal des faubourgs


Un soir, Galaad apparut, l’air mystérieux, tenant à la main un paquet cadeau.

Il l’offrit solennellement à Geneviève après avoir mis un genou à terre.

Ses beaux cheveux blonds et ses yeux émeraude semblaient porter des flammes.

Geneviève découvrit alors un ciboire merveilleux.

«  Oui, mon amie, c’est le Graal, celui que l’on cherchait au bout du monde et qui se trouvait dans les faubourgs, votre royaume ».

Refusant d’en dire davantage, il prit congé et promit de revenir le lendemain avec une autre surprise.

Galaad ne vint pas seul. Une dame voilée l’accompagnait.

Geneviève avait tenu à ce que tous les fidèles soient là et pour fêter l’événement attendu, elle avait commandé à sa pâtissière originaire de Fès, des pastillas à la rose dont tout le monde raffolait.

Pour goûter à son tour la friandise, la dame voilée libéra son visage et Geneviève reconnut Roxane, sa mère.

« Pour une surprise c’en est une ! Mère, je suis si heureuse de vous voir enfin » ! s’exclama la jeune femme.

Roxane embrassa sa fille et jura de faire le récit de sa vie.

«  Lorsque ma famille gitane m’a chassée, j’ai erré longtemps dans les rues de Paris, échappant à grand peine aux voyous qui tenaient le haut du pavé.

Ils avaient une manière de faire ressortir la lame de leur couteau à cran d’arrêt qui me donnait le frisson.

Tous n’avaient qu’une idée en tête : exploiter mon corps, le vendre au plus offrant.

Alors je me cachai dans les friches béantes où se rassemblaient tous les gueux de Paris.

Je me procurai de la verroterie et fabriquai des colliers que je vendais à la sauvette dans le métro.

C’est ainsi que j’ai fait la connaissance d’un homme merveilleux, Raphael, qui avait vécu, enfant, dans une roulotte mais qui avait obtenu des diplômes et  dont la profession, avocat, faisait de lui un homme respecté.

Il m’installa dans un appartement confortable et mit à ma disposition tout ce qui était nécessaire dans la vie courante.

J’étais heureuse. Il me rendait visite en m’offrant des fleurs et des cadeaux.

Comme il appréciait mes talents artisanaux, il me procura des perles, des rubans et toutes sortes de bimbeloteries pour que je confectionne des pièces originales qu’il se faisait fort de vendre, grâce à ses relations.

Mais hélas, un gitan qui me voulait toute à lui, me reconnut dans la rue, m’épia et prit note de tous mes faits et gestes.

Alors que je connaissais des moments de bonheur intense et que j’attendais, sans le savoir encore, la venue d’un enfant, Ramon le démoniaque poignarda mon bel amant et disparut, son crime achevé.

Je dus m’enfuir pour ne pas tomber dans ses filets.

Je te mis au monde, ma belle Geneviève, dans un endroit chaotique et misérable. Je préférai alors te confier à Dieu et à Sainte Geneviève que je priais constamment.

Par la suite, ma vie n’a été qu’une succession de fugues pour échapper à l’homme détestable qui avait assassiné l’amour de ma vie.

J’ai récemment appris son décès, ce qui m’a permis de revoir le jour et de tenter de me reconstruire.

C’est alors que j’ai rencontré Galaad. Il m’a conté l’histoire de Geneviève des faubourgs et je t’ai, bien sûr, identifiée.

Je ne voulais pas venir vers toi, les mains vides. C’est pourquoi j’ai décidé d’aider Galaad à découvrir le Graal des faubourgs.

Nous avons beaucoup cherché, nous avons interrogé des érudits, des voyous et des poètes et nous avons fini par découvrir le merveilleux calice.

Vous vous souvenez peut-être que le chevalier qui partait à la conquête du Saint Graal devait avoir le cœur pur.

Geneviève, j’ai appris que tu ne connaissais pas l’amour.

Eh bien moi, ta mère, moi qui t’ai enfantée dans l’amour et la douleur, je puis te l’affirmer : ce n’est pas seulement le Graal que Gabriel, le Galaad de l’aventure, t’a rapporté, c’est un cœur battant, un rubis d’une valeur inestimable et je t’en conjure, laisse vivre tes sentiments et reconnais l’homme de ta vie ».

Gabriel entoura les épaules de son aimée, la serra contre lui et Geneviève promit d’une voix blanche qu’elle se laisserait enfin aller aux joies de l’amour.

C’est ainsi que prit fin la merveilleuse histoire de Geneviève des faubourgs mais sa chanson court encore dans les rues et s’enrichit chaque jour d’un épisode plus extraordinaire que le précédent.

Que l’amour règne dans le monde et ruisselle à partir du Saint Graal promis aux cœurs purs !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire