Révélations

 

Révélations

Maria et son fils Manuel, parés de leurs plus beaux atours, furent chaleureusement reçus par Marguerite et ses amis.

Chacun avait voulu que le repas soit non seulement convivial mais également gourmand, voire inoubliable.

Gabriel alias Galaad avait demandé à sa mère de réaliser des gâteaux de fête. De magnifiques kouign amann ou gâteaux de beurre, friandises finistériennes, seraient servis au dessert.

Mario sollicita sa mère afin qu’elle réalise les pizzas dont elle avait le secret et qui ouvriraient le repas.

Marguerite et Guenièvre roulèrent et égrenèrent la semoule de couscous pour que le plat principal soit une réussite royale et , de fait, personne ne bouda son assiette.

Maria et Manuel n’étaient pas venus les mains vides et de jolis cadeaux venus des routes de la soie furent déposés sur une table d’apparat : éventails, robes gitanes, châles somptueux, guitares et dentelles habillèrent la pièce d’un éclat tsigane.

Une photographie représentant une jeune femme dont l’incomparable beauté rappelait celle de Guenièvre fut déposée au centre de la table sous un globe de verre orné d’une couronne d’oranger.

«  C’est notre Dame Blanche dit Maria en répondant à une interrogation muette des regards. Vous l’avez deviné, il s’agit de la mère de Guenièvre à qui je demande instamment de reprendre son prénom originel, Geneviève. Sa mère, Roxane, y tenait tellement »

Un ange passa puis Geneviève demanda à Maria de lui en dire davantage.

«  Eh bien soit ! Je vais essayer d’être brève et de vous montrer à quel point on ne peut reprocher à Roxane d’avoir confié son bien le plus précieux, sa fille, à la Vierge Marie et à Sainte Geneviève en la déposant, bien malgré elle, sur le parvis d’une église consacrée à la sainte.

Roxane était une jeune fille d’une grande beauté et les hommes de notre clan se déchirèrent pour avoir le privilège de demander sa main.

Les rixes et les combats de coqs se terminèrent souvent par la mort de plus d’un malheureux amant.

On commença à regarder Roxane avec courroux.

Les mères des défunts obtinrent son départ de la famille gitane et c’est bien malgré elle que Roxane, chassée en raison de sa funeste beauté, disparut sans que personne ne lui apporte le moindre soutien.

Un jour, en vendant de la dentelle au plus offrant dans la Montagne Sainte Geneviève, je la rencontrai, misérable, les pieds nus, tremblant de froid et de fièvre.

Je jetai sur ses épaules le châle noir qui servit ensuite à t’envelopper, lui achetai de la nourriture et lui trouvai un logement.

En dépit de son refus, je payai six mois d’avance pour l’occupation d’une chambre saine et correcte, lui procurai des vêtements convenables, un véritable trousseau et je lui promis de venir la voir dès que j’aurai réuni la somme nécessaire à une installation digne d’elle.

Mais lorsque je revins, elle avait disparu et c’est en vous voyant, Geneviève et en entendant une chanson des rues que j’ai pu établir la filiation entre Roxane et vous.

Je ne sais pas ce qui s’est passé dans sa vie ni pourquoi elle a été réduite à cet abandon mais je suis certaine qu’elle se trouvait dans une impasse et qu’elle craignait peut-être un attentat à votre vie.

Seules la misère et une situation désespérée ont pu la pousser à cet acte extrême.

Sainte Geneviève, comme chacun le sait, est la patronne de la gendarmerie nationale française, c’est pourquoi je vous incite à entreprendre des démarches pour connaître toute la vérité.

Etranglée par l’émotion, la reine des gitans se tut puis Mario se saisit de sa guitare et fit entendre une mélodie mélancolique, adaptée aux circonstances, qui dénoua les liens du cœur que chacun sentait bondir en sa poitrine.

On se quitta avec tendresse et lorsque les deux représentants de la communauté du voyage eurent disparu dans la nuit, les amis se serrèrent autour de Geneviève, laissant couler des larmes de cristal