mardi 28 décembre 2021

La robe couleur du temps

C’est en ouvrant ses volets que la belle Aurore des Ajoncs découvrit, sur le rebord de sa fenêtre, un paquet enveloppé dans du papier de soie, élégamment maintenu par des rubans couleur de feu.

Intriguée, Aurore dénoua les rubans, ôta le papier de soie rose et s’extasia à la vue d’une robe de conte de fée.

Selon une épitaphe calligraphiée à l’encre de chine, délicatement posée sur l’encolure du corsage, il s’agissait  de la célèbre robe couleur du temps exigée par la princesse pour échapper aux avances incestueuses du Roi, son père, dans le conte Peau d’Ane.

Un carton d’invitation à un grand bal au château du comte y était joint avec ces mots : «  Que la perle de notre royaume se joigne à nous pour célébrer Noël » ! La signature, en script, était des plus mystérieuses : Prince Charmant !

« Voilà qui est singulier » se dit Aurore mais elle ne résista pas au désir d’enfiler la robe fabuleuse.

En se contemplant dans la psyché, elle se reconnut à peine tant la robe jetait un halo lumineux sur sa personne.

Un écrin contenant une parure de diamants était joint dans le colis.

Aurore découvrit des bijoux étincelants et elle se promit de participer à ce fameux bal pour découvrir qui était cet énigmatique prince charmant, si généreux et apparemment admirateur de son humble personne.

Elle rangea l’ensemble princier et se livra à ses occupations coutumières, en l’occurrence des travaux de broderie et de plumasserie. Son art était connu à mille lieux à la ronde et lui attirait de nombreux clients épris de beauté.

Alors qu’elle terminait un bouquet de mariée, alliant avec finesse des pétales de roses, de pivoines et des plumes de colibri, Aurore distingua le bruit d’un carrosse qui s’arrêta devant sa porte.

Une jeune élégante, vêtue de la robe couleur de lune de Peau d’Ane se présenta à la brodeuse comme l’émissaire du mystérieux Prince Charmant.

Elle proposa à Aurore de l’aider à faire ses bagages pour l’emmener ensuite au château où devait se dérouler la fête costumée.

Camélia, tel était son nom, se révéla être une excellente camériste et la malle contenant les effets indispensables de l’invitée, fut prestement chargée par les laquais à l’arrière du carrosse.

L’habitacle était confortable et revêtu d’un velours grenat tout à fait douillet et pénétrant.

Le voyage dura le temps d’un rêve, un manchon de zibbeline produisant un effet calorique propice au bien-être.

Une grande allée bordée de peupliers, d’acacias et de cerisiers s’offrit bientôt à leur vue.

Le château, en briques roses, décoré de licornes et de dauphins, apparut comme le but chimérique d’un voyage au pays du rêve.

Un homme d’une grande beauté, vêtu d’un pourpoint couleur soleil, se détacha avec brillance d’un cortège de jeunes personnes incarnant un personnage ou un héros de contes de fées.

Le chat botté portait fièrement sa rapière ornée d’un cabochon en rubis, Cendrillon faisait valoir ses admirables chaussures de verre assorties à sa robe de bal, la Belle au bois dormant, apparaissait dans la splendeur matinale d’un déshabillé en dentelles comme la créature immortelle de la beauté sans faille.

Des damoiseaux et des jouvencelles en tenue colorée, champêtre et chamarrée, maniaient des rubans avec dextérité pour qu’éclate une bulle de bonheur.

Un feu d’artifice accueillit l’arrivée de la belle Aurore et tandis que les laquais se chargeaient d’emporter sa malle dans la suite qui lui était réservée, la jeune femme accorda sa main au prince charmant déguisé en Roi Soleil.

Le prince la conduisit dans une salle où une table festive était dressée, éclairée par des candélabres.

Un repas composé de plats chauds à base de légumes, de bouillon de volaille et de crème épaisse donna à chacun un supplément d’énergie.

Crêpes Suzette, farandole de mignardises et pancakes à la marmelade d’oranges, accompagnés de carafons à l’eau de rose et du sirop d’orgeat mirent un point final à ce banquet destiné à briser la glace parmi les couples qui ne se connaissaient pas encore.

La table ôtée, un orchestre se mit en place et et au son d’une mazurka de Chopin, le bal s’ouvrit.

Le prince pria Aurore de lui accorder la première danse et chacun  admira ce couple si bien assorti.

La robe couleur du temps donnait à Aurore un air princier : elle surpassait en beauté toutes les merveilleuses créatures qui s’élancèrent à leur suite au bras de chevaliers servants de belle stature, avec une prestance sans égale.

Le prince charmant conduisit Aurore dans une orangeraie et c’est au pied d’un arbre chargé de fruits d’or qu’il lui déclara sa flamme : une promesse de mariage concluait ses paroles tendres et admiratives.

Sous le charme, Aurore accepta l’offre généreuse et répondit à une promesse de bonheur en rendant au prince son baiser d’amour.

vendredi 24 décembre 2021

Larme de Noël

Une larme s’est glissée dans l’étoile du sapin de Noël, lui donnant un scintillement incomparable et tu nous apparais, Bernard, pour nous rappeler que tu ne nous as pas tout à fait quittés.

Un Noël sans toi, cela paraît étrange pour ne pas dire incongru car tu ne manquais jamais de procurer  du bonheur, consacrant même intégralement ton treizième mois à l’achat de jouets inédits.

Je revois Jean-Noël, souriant et heureux dans son joli cygne à bascule ou sur la locomotive du train à sa taille, capable de faire le tour de la maison grâce à des rails bien étudiés.

Jean-Bernard découvrait toujours ses cadeaux avec l’émerveillement du lutin magique qu’il incarnait perpétuellement.

Hélas, ces jours heureux ont disparu pour briller dans la carte –mémoire des souvenirs.

Il y aura encore des cadeaux au pied du sapin mais tu ne seras pas là pour te réjouir de notre bonheur.

Une plaque souvenir destinée à orner ta tombe aura sa place auprès de mon pull brodé, mes livres, le cuiseur à riz sophistiqué pour tous et bien sûr, les jouets destinés à Eloan qui les découvrira avec un pincement au cœur en songeant à son cher Papi, toujours prêt à venir à son secours, même en déambulateur !

Une larme a diffusé le bonheur, offrant à toute la famille la présence du Pater Familias, irremplaçable et chéri à jamais !

samedi 18 décembre 2021

Une rose de neige

Une rose de neige s’est figée en mon cœur, cristallisant ma peine.

Des éclats de givre se propagent dans la carte-mémoire de mon corps, faisant jaillir mille et un souvenirs qui m’éloignent du tombeau où tu résides désormais pour me renvoyer les images de souvenirs charmants.

Je nous revois, à Sars-Poteries, village où nous avons scellé nos destinées, admirant au passage les créations artistiques des ouvriers verriers, des « bousillés » dont nous avons rapporté des reproductions.

Nous étions heureux, l’avenir était à nous et tu m’apparaissais si fort, si aimant que je t’ai tout de suite adopté, pensant, à juste titre, que tu serais mon rocher de Gibraltar, mon ange gardien, mon époux pour la vie enfin.

Même si nous avons dû affronter mille tempêtes, nous avons résisté et tout récemment, alors que tu étais miné par la maladie, tu me disais, le soir, en me serrant très fort la main « Nous sommes bien, n’est-ce pas » ? et j’acquiesçais sans l’ombre d’une hésitation : à mes yeux, l’essentiel, c’était que tu sois là, à mes côtés, m’apportant le réconfort et la protection.

A présent, je suis seule et je ne m’endors qu’en fixant ton image.

Une rose de glace s’est figée en mon cœur mais l’évocation de ton souvenir fait voler en éclats le givre de l’absence, te rendant la liberté de l’ombre qui croise tous mes pas.

Que la rose de glace renaisse au printemps, retrouvant le velours grenat de l’amour qui, jamais, ne se perd !

lundi 6 décembre 2021

Johnny et la rose blanche de l’immortalité


Johnny rêve de trouver la rose blanche de l’immortalité et lorsqu’il la devine, dissimulée dans les draperies de la nuit, il retient son souffle pour ne pas l’effeuiller.

Il s’approche d’elle d’un pas de danseur, celui de son héros préféré, le prince du Lac des Cygnes jusqu’à ce que la belle Sylvie, échappée des rives de la Maritza, le rejoigne pour un pas de deux inoubliable et immortel.

Johnny de notre jeunesse, de nos amours, tu règnes éternellement dans le ciel strié d’étoiles qui nous conduira vers toi grâce à l’étoile polaire, dans un cortège éblouissant de lumière pour qu’éclate à jamais le ballon rouge de nos amours.

Une pluie bienfaisante se répandra sur la terre et les roses blanches de l’immortalité fleuriront sur les rives des fleuves qui charrient des airs de blues, de charleston et de rock dont tu es le prince, pour toujours.

samedi 4 décembre 2021

Cerise aux lèvres de feu

C’est ainsi qu’on l’appelait, Cerise aux lèvres de feu car l’accroche-cœur de sa bouche incitait à l’amour et aux étreintes passionnées.

Mais un jour, alors qu’elle se livrait à un bel amant, sa bouche se fendit et laissa s’échapper toutes les pépites d’or qu’elle avait amoncelées depuis son adolescence vénale.

Voulant les récolter, elle fit une chute en avant, un malaise vagal lui dit-on à l’hôpital où elle se retrouva, blafarde, entre des draps blancs et amidonnés.

On lui refusa un miroir et elle dut se contenter d’une vie monotone, rythmée par des soins.

Elle avait été danseuse à Bali et le rythme corporel lui revenait par accès ce qui n’était pas sans inquiéter les internes chargés de son suivi médical.

Ils y voyaient une forme dérivée de la danse de Saint Guy qui augurait les prémices d’une démence précoce.

Cependant Cerise reçut un jour une visite qui changea le cours de sa vie.

C’était l’aumônier de l’hôpital. Il était jeune, avait les yeux bleus et des mains apaisantes.

D’une voix douce, il lui conta des épisodes de la Bible, l’histoire de Joseph et ses frères, celle de David et enfin la rencontre du roi Salomon et de la reine de Saba.

Elle reconnut dans ce personnage chamarré, désireux de connaître l’amour, un avatar de sa personnalité, diffuse et énigmatique.

Les transes attribuées à la danse de Saint Guy se raréfièrent puis disparurent totalement.

Son état de santé s’améliora considérablement et l’on put enfin lui présenter un miroir où elle contempla ce qu’elle était devenue, une quadragénaire tout à fait ordinaire sur qui aucun homme ne se retournerait dans la rue.

Elle se délivra de son nom de guerre, Cerise aux lèvres de feu pour retrouver une identité conforme à son image, Sœur Marie-Madeleine.

Telle la créature née sous les pinceaux de Georges de La Tour, sans bijoux, les cheveux courts, en robe de bure, elle partit en pèlerinage à Compostelle, entra dans un monastère et y resta pour toujours.

jeudi 2 décembre 2021

Où es-tu, Bernard ?

Où es-tu, Bernard ? Depuis que tu es parti, il fait nuit dans mon cœur.

Les blés mûrs de notre jeunesse ont été fauchés, l’automne flamboyant que tu aimais tant a donné tous ses fruits, laissant le froid s’installer graduellement.

Je m’inquiète à présent, à te savoir si seul, dans cette tombe fleurie que nos fils s’ingénient à entretenir pour que rien ne ternisse ton souvenir.

La course contre la montre a commencé et nous attendons à présent le marbre qui viendra habiller ta dernière demeure, la mienne également et celle de nos enfants, selon leur volonté.

Préserver l’unité de notre cocon familial, tel est notre vœu et notre souhait le plus cher.

Où que tu sois, mon chéri, je te rejoindrai car il n’est pas question que je te laisse seul, dans le froid et dans la nuit.

Nous serons ensemble, unis pour toujours, dans le champ des étoiles et nous retrouverons, avec les souvenirs multiples de notre vie, un peu de cette tendresse qui traversera le ciel à la manière d’étoiles filantes.

mercredi 1 décembre 2021

Entre ici, Joséphine !

 Le Panthéon s’est vêtu de lumière, de rose et de feu, pour accueillir la grande artiste résistante, mère d’une tribu arc-en-ciel et pour lui rendre hommage, les plus grands hommes et femmes célèbres se sont déplacés.

Cette artiste exceptionnelle à la voix chaude et ensorcelante, aux formes voluptueuses et dansantes, incarnation de tous les talents réunis, sens du spectacle, amour du Beau sous toutes ses formes, intelligence vive et tant de chaleur humaine et un amour inouï de la France, sera pour toujours notre phare, illuminant la beauté du cœur et la perle irisée d’une âme pure.

Entre ici,  Joséphine !

Ta place t’est réservée pour notre immense bonheur et notre reconnaissance !

mardi 30 novembre 2021

Un prince légendaire

 

En se réincarnant dans le corps svelte du prince légendaire aux amours doubles qui erre sur les bords du lac des cygnes, l’âme de Johnny fit jaillir des pépites musicales inouïes.

Hésitant sans cesse entre deux rivales, le cygne blanc et le cygne noir, tour à tour charmeuses et ensorcelantes, le prince, alias Johnny, s’adressa à un musicien en proie aux mêmes tourments et lui commanda une chanson.

C’est ainsi que naquit, sous la plume et sur les notes du clavier de Michel Berger, l’inoubliable chanson Quelque chose de Tennessee.

Sublimée dans la chanson Gabrielle qui conquit tous les cœurs et fut à l’initiative d’une gestuelle intime et amoureuse, passionnée, l’âme double de Johnny, oscillant entre deux amours qui n’en faisaient qu’un mais se dérobaient sans cesse dans une improvisation rituelle chaque fois renouvelée, se convertit en une chaîne de cœurs irréversibles, tournés vers l’amour fou et la conquête de la fleur de légende, celle du lac des cygnes, qui cherche son prince pour l’honorer à tout jamais.

dimanche 28 novembre 2021

La pie aux yeux bleus

 

En se mirant dans les eaux d’un lac aux reflets turquoise, une pie se retrouva pourvue d’yeux bleus, ce qui fit d’elle une diva.

Elle vola d’arbre en arbre, cherchant des émeraudes ou des rubis nichés dans des corbeilles de brindilles tressées et elle finit par découvrir un magnifique saphir qu’elle porta en pendentif pour égayer son plumage demi-deuil.

Sortant de sa chaumière, panier au bras, la belle Graziella partit à la recherche de champignons et de fruits sauvages, nèfles, noisettes et baies dont elle ferait des tourtes et des gâteaux.

De son côté, un prince chevauchait en espérant rencontrer la femme de ses rêves.

Cette beauté apparaissait toujours la nuit, le laissant seul, au réveil.

Il fallait bien qu’il la trouve, cette femme idéale, aux yeux bleus et à la peau nacrée.

Le hasard voulut que Graziella, la pie et le prince Théodore convergent vers un grand châtaignier qui promettait de beaux fruits à la belle saison mordorée où l’on récoltait le maïs et le raisin.

La pie se percha sur l’épaule de Graziella et lui offrit son amulette turquoise, ce qui accentua l’éclatante beauté de la jeune fille.

Le prince descendit de cheval, baisa la main de la jeune fille qui était  encore plus belle que la princesse de ses rêves et le trio baigna dans une lumière azurée aux reflets d’argent.

Consciente d’avoir favorisé une rencontre inédite, la pie s’éclipsa, cherchant une aventure qui lui permettrait de se renouveler et d’apporter à des couples le bénéfice de ses yeux bleus.

Graziella et Théodore devisèrent gaiement, trouvant un sujet de prédilection dans l’art de préparer des champignons et des baies sauvages.

Théodore envoya un message à son escorte qui le suivait toujours à bonne distance, s’apprêtant à intervenir si besoin était et il lui demanda de lui fournir prestement un carrosse attelé à des chevaux pommelés.

Son écuyer se chargea de ramener Polaire, sa fidèle jument, dans les écuries de son palais.

Les jeunes gens prirent place dans l’habitacle confortable du carrosse et ils mirent à profit le temps du voyage pour mettre leurs cœurs à l’unisson.

Ravie du dénouement, la pie chercha un lac d’émeraude pour offrir à un prochain couple le talisman du bonheur.

vendredi 26 novembre 2021

Sans égal

 

Profitant d’un vol d’oies sauvages fuyant les terres gelées pour se réfugier dans des réserves inondées de soleil, Johnny a plongé dans un océan de tendresse, celui qu’il a créé grâce à son amour de la musique et de l’harmonie.

Habité par un rythme qui rappelle les grands espaces amérindiens, sa faune sauvage, il arbore les fleurs de l’amour sur ses tenues de scène.

Avec un costume évoquant la figure légendaire de Davy Crockett, l’ami de son enfance, il mime la passion sous toutes ses formes, de Gabrielle aux grands airs d’artistes solitaires en mal d’amour.

Je ne sais pas s’il existe une rose Johnny mais à défaut, elle devrait être imaginée et baptisée.

Je l’imagine d’un rose velouté et nacré avec des pétales cerise ourlés de bleu.

Son parfum, subtil et boisé, légèrement fruité, laisserait flotter sur la terre un nuage cendré et tenace, aromatique et mystérieux.

Émergeant de cette bulle parfumée au son de la flûte enchanteresse d’un chaman, Johnny, tel le phénix, renaîtrait de ses cendres pour nous apporter la présence d’un amour légendaire et éternel.

L’amour est ce qu’il a cherché toute sa vie et il nous a transmis l’absolue nécessité de le poursuivre à notre tour, alliant à l’amour fou les ailes de l’espérance.

dimanche 21 novembre 2021

L'atelier de Francis

 

Des rideaux de velours bois de rose laissaient filtrer les rayons du soleil dans l’atelier de Francis, offrant ainsi des couleurs tendres qui nimbaient Céleste, modèle posant nu sur une bergère bleue.

Les yeux posés  tour à tour sur la toile et sur la jeune beauté dont il voulait saisir toutes les nuances de sa chair nacrée, Francis prenait à peine le temps de nettoyer ses pinceaux, craignant de voir s’échapper un reflet lumineux.

Céleste réclama une pause, revêtit une ample robe aux couleurs de l’arc-en-ciel et but à petites gorgées du thé au jasmin.

Francis avait sorti son carnet d’esquisses et poursuivait son travail de capteur d’âme singulière.

Céleste était pour lui une énigme vivante. Sa beauté relevait du divin et du mystère antique.

Un jour, lorsqu’il en aurait perçu toutes les nuances, elle ne l’intéresserait plus mais pour l’instant, il la voulait toute à lui.

Il posa ses crayons sur une table de merisier, enlaça Céleste, l’embrassa voluptueusement, la coucha sur son lit à baldaquin et s’empara des trésors cachés au tréfonds de son jardin d’amour.

Au réveil, il était seul.

Céleste s’était éclipsée discrètement, emportant la liasse de billets qui rémunéraient ses heures de pose.

Dans son petit appartement douillet et confortable, elle prit un petit déjeuner reconstituant, chassa Francis de sa mémoire et fit courir sa plume sur un parchemin rose pour emprunter une voie de traverse qui la conduirait à Compostelle.

Francis, de son côté, reprit ses pinceaux et trouva la nuance irréelle et sublime, un mélange de camélia, d’hibiscus et de crème onctueuse : il termina enfin son tableau.

Céleste resplendissait au cœur d’une forêt imaginaire inspirée par Brocéliande et son légendaire étoilé.

Nue, elle était nimbée d’une lumière irréelle et divine.

Son corps dont il croyait connaître les moindres frémissements offrait au monde une nouvelle naissance de Vénus, au cœur de la coquille nacrée, au sortir de l’onde.

Enivré par toute cette beauté, Francis ressentit à nouveau la morsure du désir et il courut à la recherche de son aimée, son incroyable Céleste qui incarnait à elle seule toutes les femmes du monde qui auraient pu le surprendre et l’aimer.

Sur la route qui le conduisait vers sa belle d’amour, il croisa une étoile filante, fit un vœu et se retrouva, pantelant auprès de son amour pour lui offrir son cœur enrobé de tendresse.

Il lui apportait en outre cette couleur profonde de l’émoi qu’il avait vu naître de ses pinceaux et qui porterait désormais son nom, le rose Céleste !

Bernard Roze

 

Bernard Roze

La plus belle perle de nos vies s’est brisée mais à présent chacun de nous reçoit du ciel l’étoile de l’espérance.

samedi 20 novembre 2021

Le sésame

Tu avais un sésame, Bernard, c’était la publication de tous mes livres dont tu étais le meilleur artisan, pianotant avec maestria sur le clavier en respectant les règles strictes imposées par la maison d’édition.

Ce sésame, tu l’as souvent brandi, espérant que le destin te protégerait. De mon côté, j’y croyais également.

Tu ne pouvais pas disparaître, comme cela, dans un souffle en me laissant seule, moi, ta protégée, ton aimée, ton épouse en un mot.

Et puis quelque chose a rayé la machine admirable de ton corps. Ta vue, les plus beaux yeux qu’elle eût jamais vus disait une ophtalmologue rennaise, a baissé considérablement : tu comprenais difficilement les sujets télévisés puis un triste après-midi, lors d’une séance de dialyse, tu as même oublié mon prénom.

Minimisant à dessein ce terrible événement, j’ai glissé dans tes effets ma carte de romancière, avec mon prénom écrit en relief, te recommandant de t’y reporter si cet oubli funeste se renouvelait.

C’était un signe du destin mais, à la maison, personne n’a voulu le comprendre car nous voulions à toutes forces te maintenir auprès de nous, espérant encore et toujours une amélioration de ton état.

Mais comme dans le magnifique roman de Jean Cocteau, Thomas l’Imposteur où le héros prononce le mot magique qui lui avait permis d’entrer dans un monde fabuleux qui n’était pas celui de ses origines, tu n’as pas pu utiliser ton sésame, mes écrits qui sans toi n’auraient jamais vu le jour et tu t’es envolé vers les vertes prairies du Jardin d’Eden où je te rejoindrai prochainement.

Au revoir, Bernard, j’ai le cœur bien lourd et j’ai à présent l’immense chagrin de savoir que tous ces écrits dont j’étais si fière n’étaient qu’une illusion puisqu’ils n’ont pas pu te préserver !

Gabrielle aux mains de fée

 



Dans une goutte de rosée, Gabrielle aux mains filées d’étoiles s’est incarnée et a surgi en un bouquet arc-en-ciel.

Sur sa légendaire moto bleue, Johnny a préparé l’immense hommage à l’amour, cœurs enchaînés dans une gestuelle rituelle qui nous lie et nous entraîne, pas après pas, dans une farandole d’amitié creusée dans les bleuets de l’âme et les fleurs géantes qui se mettent à marcher et à danser.

Médusées par un impromptu de Greg Zlap, les fleurs s’enchaînent dans nos cœurs, nous rendant immortels et heureux.

Le poète aux mains étoilées

Sur le quai d’une gare, il y a un homme qui m’attend.

Il est grand, un peu voûté et ses mains sont étoilées.

C’est un poète. Il porte un nom de personnage féerique, Aurore et il a l’accent occitan.

Moi, je suis venue de très loin, les ongles peints en bleu et j’ai un livre à la main, comme toujours, une tragédie de Sophocle et je souris.

Nous marchons dans  Saint Germain des Prés puis nous mangeons dans une brasserie.

Tu commences toujours par un potage me dis-tu, je mange distraitement car je ne sais pas pourquoi je suis venue.

« Mais pour l’amour », me réponds-tu en écho à mes pensées.

Je ne crois pas rechercher l’amour car il y a longtemps que je n’y crois plus et je suis repartie avec mes lourds secrets, mes rêves inachevés et mes poèmes toujours imparfaits.

Toi, tu as rejoint les étoiles, la Grande Ourse et tu es l’aurige qui emmène le grand chariot vers sa destinée.

De temps à autre, tu me gratifies d’une étoile filante que je capte comme un papillon.

Alors mes écrits scintillent et illuminent les parchemins vieillis que j’utilise toujours.

Sur les quais d’une gare, un poète m’attend mais lassé, il est parti vers les champs de l’azur dont on ne revient plus.

mardi 16 novembre 2021

Bouton d'Or

 



Bottines lacées sur des bas résille, la bouche en accroche-cœur, les yeux soulignés de bleu, sa couleur fétiche, Bouton d’Or surgit du pavé, son sac de perles à la main.

Coiffée d’un chapeau orné de roses, elle affiche ses couleurs, amour, fleur et rêve assuré pour les désespérés qui pensent qu’une liasse de billets peut acheter une âme rivée à un corps.

Leurs désirs refoulés font de toi, belle Bouton d’Or, une pauvre chose parfois brutalisée et lorsque tu réajustes tes parures, le devoir accompli, tu vacilles un peu avec l’espoir de ne pas être battue lorsque ton souteneur comptera les billets, le sourcil froncé et la main prête à frapper si le compte n’y est pas selon son bon plaisir.

Que la fée des fleurs vienne à ton secours, Bouton d’Or et qu’elle t’emmène dans les verts paradis où l’on peut enfin respirer un air pur et boire un verre de lait ou de jus de pomme.

C’est dans cette vallée perdue et riante que viennent tôt ou tard les belles exploitées, mortes de façon violente par le geste fou d’un client sadique, confondant l’amour avec la blessure qui s’ensuit, profanation totale d’un corps qu’il aurait voulu posséder de manière exclusive et vengeresse.

Belle Bouton d’Or, l’éternité te rendra ta dignité et ta beauté à nulle autre pareille et nous irons nous recueillir sur ta tombe où un ange sculpté veillera sur toi !