samedi 20 novembre 2021

Le sésame

Tu avais un sésame, Bernard, c’était la publication de tous mes livres dont tu étais le meilleur artisan, pianotant avec maestria sur le clavier en respectant les règles strictes imposées par la maison d’édition.

Ce sésame, tu l’as souvent brandi, espérant que le destin te protégerait. De mon côté, j’y croyais également.

Tu ne pouvais pas disparaître, comme cela, dans un souffle en me laissant seule, moi, ta protégée, ton aimée, ton épouse en un mot.

Et puis quelque chose a rayé la machine admirable de ton corps. Ta vue, les plus beaux yeux qu’elle eût jamais vus disait une ophtalmologue rennaise, a baissé considérablement : tu comprenais difficilement les sujets télévisés puis un triste après-midi, lors d’une séance de dialyse, tu as même oublié mon prénom.

Minimisant à dessein ce terrible événement, j’ai glissé dans tes effets ma carte de romancière, avec mon prénom écrit en relief, te recommandant de t’y reporter si cet oubli funeste se renouvelait.

C’était un signe du destin mais, à la maison, personne n’a voulu le comprendre car nous voulions à toutes forces te maintenir auprès de nous, espérant encore et toujours une amélioration de ton état.

Mais comme dans le magnifique roman de Jean Cocteau, Thomas l’Imposteur où le héros prononce le mot magique qui lui avait permis d’entrer dans un monde fabuleux qui n’était pas celui de ses origines, tu n’as pas pu utiliser ton sésame, mes écrits qui sans toi n’auraient jamais vu le jour et tu t’es envolé vers les vertes prairies du Jardin d’Eden où je te rejoindrai prochainement.

Au revoir, Bernard, j’ai le cœur bien lourd et j’ai à présent l’immense chagrin de savoir que tous ces écrits dont j’étais si fière n’étaient qu’une illusion puisqu’ils n’ont pas pu te préserver !

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