Tapis vert

 

La dame de cœur a quitté la table de jeu, décidée à rompre avec les fils de son destin.

Le roi de cœur s’est détourné de sa dame.

Elle préfère désormais les promenades en barque et elle prend plaisir à suivre du regard les mouvements du ruban argenté.

Assise sur un banc recouvert d’un velours pourpre de belle facture, elle rêve tandis que le marinier manie les rames avec adresse.

Elle fixe son dos, souple et visiblement musclé, prend plaisir à se laisser ainsi guider au hasard du courant.

Une île gardée par des cygnes s’offre à sa vue et elle demande à son guide d’y jeter l’ancre.

Le marinier, devenu son valet de cœur, l’aide à descendre de la barque et lui offre son bras pour qu’elle s’y appuie en marchant sur les galets.

Surveillés de près par les cygnes, ils progressent à pas mesurés et découvrent bientôt une magnifique Folie de forme ronde aux colonnes corinthiennes du plus bel effet.

C’est la résidence de la reine des cygnes et elle accueille ses hôtes avec amabilité et courtoisie.

Le valet de cœur se voit  offrir une tenue de hussard à brandebourgs dorés tandis que la reine de cœur revêt une toilette à crinoline, portant au cœur de son caraco blanc une colombe brodée d’or portant en son bec un brin d’olivier.

Ce fut une bien belle fête puis, après quelques jours passés auprès de la souveraine insulaire, la reine de cœur prit la décision de revenir dans son royaume et d’y retrouver son roi de cœur pour tenter de le reconquérir.

Son valet de cœur l’emmène sur l’autre rive puis, heureux du devoir accompli, revient chez la reine des cygnes, déterminé à la servir et vivre à ses côtés en espérant finir ses jours dans le bonheur.

Les verts paradis

 

Paradis roses, paradis verts, paradis azurés, qu’importe votre couleur ?

Elle rayonne en nous comme une coulée d’or brun qui se fond dans les eaux vives des torrents.

De petites fées se cachent dans les bulles arc-en-ciel qui planent au-dessus de l’écume tumultueuse où s’abreuvent les chamois et les bouquetins.

La reine des montagnes célestes admire les edelweiss qui fleurissent au bord des précipices.

Nul ne peut les cueillir mais pour les immortaliser, la reine commande aux peintres des toiles, croquis et aquarelles destinés aux embellissements des pièces d’apparat de son palais.

Un concours est organisé pour désigner la plus belle création et c’est le prince Azur qui a été choisi pour le premier prix.

Il a représenté la reine en costume végétal et si l’on y regarde de près, on s’aperçoit que la fleur étoilée est sa représentation divinisée.

 Le prince Azur se voit décerner l’édelweiss d’or.

Il s’incline au pied de la reine et son regard bleu enveloppe la majestueuse créature d’un voile turquoise étoilé de points d’or.

La reine Camélia succombe aux charmes du prince et c’est au son d’une valse dite Neige d’amour qu’ils se promettent de ne jamais se quitter jusqu’à la fin des temps.

Le miroir des fées

 

Le temps s’en vient, le temps s’en va, ma mie, il file et nous n’y pouvons rien.

Dans la coupe de mes mains, j’ai recueilli les larmes de l’aurore et j’y ai ajouté les pétales de roses d’automne « plus qu’aucune autre exquise ».

L’été s’en est allé, il nous reste les frimas mais il nous appartient de les rendre fertiles et heureux.

Les lendemains, à petits pas, nous emmènent dans le tourbillon vertigineux des derniers beaux jours.

Le miroir des fées nous aide à percevoir tels que nous sommes.

Des éclats de lune nous habillent de lumière profonde et mystérieuse et nous allons, main dans la main, jusqu’au pont du dernier au-revoir.

Pluie de roses de mai

 

Un bel après-midi de mai, une pluie de roses s’abattit sur la ville et d’une couronne virginale, naquit une petite fille aux doigts de fée.

Elle grandit, un pinceau, un calame et une aiguille à la main, créant des œuvres inédites, par écrit, par fusain et crayons et par des broderies si magnifiques que l’on crut voir renaître la reine Mathilde ou la Dame à la licorne des tapisseries médiévales.

Marie Doré, tel était son nom, reconstitua l’univers magique des contes de fée.

On vint de partout pour lui commander un ouvrage : tantôt, il s’agissait d’un portrait, une autre fois, on espérait faire jaillir de sa vie un roman mystérieux mais le plus souvent, il s’agissait de de nappes brodées et des pièces de trousseau de mariée ou des robes de baptême et de mariée.

Marie Doré était si affairée avec toutes ces commandes qu’elle ne vit pas le temps passer jusqu’au jour où une autre pluie de roses parfumées l’emmena dans la ville de Grasse où elle se reposa enfin dans les champs de fleurs destinées à la création de parfums dont l’un porta son nom.

Le miroir des eaux profondes

 

Dans le miroir des eaux profondes, le kaléidoscope de nos vies a déroulé des images personnelles liées aux fascinantes apparitions de Johnny, figées ou animées par les ondes magnétiques.

Ce film, nous le poursuivons chaque jour.

Jeune et souriant, parfois grave ou langoureux puis, au fil des ans, parcheminé et ridé mais avec la même étincelle de joie profonde et de communion dans l’amour, Johnny nous rive à lui, à son extraordinaire présence et nous devenons, à son contact, invulnérables et heureux tandis que, de son côté, il quitte les planches, avec sa guitare, conquérant éternel qui décroche l’étoile polaire de son destin.