samedi 10 décembre 2022

Camélia



Camélia était une fillette sans histoire. Elle vivait avec sa mère Amélia dans un appartement situé au cœur de l’ancienne brasserie Lespagnol laissée à l’abandon.

En contrepartie de son hébergement gratuit, Amélia devait veiller à ce qu’aucun destructeur ne s’introduise dans ces lieux destinés à être rénovés pour devenir un écomusée.

Chaque jour, Amélia enfourchait son scooter après avoir conduit Camélia à l’école.

Son travail consistait à sillonner un secteur afin de porter un message chanté aux personnes qui fêtaient un événement ou se laissaient conter fleurette sans oublier les messages de sympathie et de tendresse lors des anniversaires.

La résidence de l’entreprise «  Si l’on chantait » se trouvait entre Marchiennes et Orchies.

Amélia y passait pour recevoir son agenda quotidien puis elle se dirigeait méthodiquement à chaque adresse pour y laisser fleurs, mots et chansons selon les modalités exigées.

Camélia revenait de l’école seule car sa mère n’était pas souvent de retour à la fin des cours.

Le créneau du soir était chargé et offrait une compensation financière appréciable.

Or, un soir, alors que Camélia marchait d’un pas rapide vers son domicile, une voiture s’arrêta à sa hauteur.

Brutalement happée par une main ferme, elle se retrouva bâillonnée sur la banquette arrière d’une limousine qu’elle n’avait pas entendu venir.

Bercée par le roulis de la voiture, elle s’endormit et lorsqu’elle reprit connaissance, elle découvrit un univers qui lui aurait semblé merveilleux dans un autre contexte.

C’était une grande salle où chaque objet évoquait un conte de fée. On y voyait le carrosse de Cendrillon, la maison en pains d’épices d’Hansel et Gretel, le lit à baldaquin et le fuseau de la Belle au bois dormant, le gâteau et la chaumière de Peau d’Ane et le service à thé du Chapelier Fou et du Lièvre de Mars d’Alice au pays des merveilles pour ne prendre que les symboles les plus évidents.

«  Tu peux manger le gâteau de Peau d’Ane, il est tout frais et je l’ai fait pour toi. C’est l’heure du goûter, n’est-ce pas » ? dit une voix douce et masculine.

Puis l’homme s’éclipsa après lui avoir dit qu’il allait lui préparer un chocolat chaud.

Remise de sa surprise, Camélia goûta la pâtisserie qui fleurait bon le beurre frais et les amandes et elle se dit qu’elle n’avait jamais rien mangé d’aussi bon, sa mère se contentant la plupart du temps de lui préparer du pain perdu et des tartines de gelée de mûres pour seule gourmandise.

L’homme à la voix douce revint avec un plateau chargé d’une chocolatière et de jolies tasses fleuries.

Il servit Camélia et la regarda boire ce breuvage aromatisé à la vanille.

Il portait un masque élégant et s’en expliqua à la fillette :

«  Rassure-toi, tu n’as rien à redouter de moi. Je ne désire que ton bonheur ».

Lorsque Camélia eut fini de boire, il la conduisit dans une chambre si agréable que l’enfant eut l’impression d’être une princesse.

Il sortit sans mot dire et dépêcha une nourrice qui aida la fillette à faire sa toilette après le souper composé d’un potage, d’un œuf mollet et d’une tourte aux champignons.

Une crème au caramel et du pain d’épices donnaient une note gourmande à l’ensemble.

Joséphine, la nourrice antillaise, toute vêtue de madras, prépara le coucher de l’enfant d’une main experte.

Elle l’aida à enfiler une ravissante chemise de nuit en percale rose avec un volant de dentelles et des rubans.

Lorsque Camélia fut couchée, elle s’assit dans un fauteuil à bascule et lui chanta de belles romances en créole jusqu’à ce qu’elle s’endorme.

 

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