mardi 15 juin 2021

Le bois des amours

 



Dans le bois des amours, les papillons et les libellules s’entrecroisent pour former la chorégraphie d’un ballet des merveilles.

Troubadours, dames en vertugadin de brocart, enfants au bilboquet échangent des mots rimés et des charades qui placés un soir d’été à la mandoline ou au violon offriront à chacun mystère et poésie.

Dame Éléonore, de son pas chaloupé, s’en va, panier au bras, pour entreprendre une cueillette fructueuse dans le bois des amours, ainsi nommé à la suite d’une légende ancienne rapportant les émois amoureux d’un couple devenu mythique, Tristan et Yseult.

Mais c’est un prince russe, Vladimir de la Cerisaie, sa balalaïka à la main, qui s’offre à sa vue derrière une futaie prometteuse en baies et en fraises des bois.

Né sur les bords de la Volga, Vladimir a été bercé par les mélodies langoureuses des hommes nés pour la guerre et l’amour.

Les chevauchées sauvages lui ont laissé le goût des romances nées spontanément au cours des cavalcades endiablées.

Lassé de ces intrusions martelées par les sabots des chevaux, Vladimir, charmé par la beauté d’Éléonore, se laissa aller à lui conter fleurette, entrelaçant les compliments et les chansons éternelles murmurées au bord du fleuve mythique.

Éléonore écouta les couplets voués à l’amour avec réserve et courtoisie.

Elle songeait toujours à rapporter en sa demeure de quoi mitonner des plats parfumés.

Elle profita d’un moment de distraction du prince pour cueillir prestement des herbes savoureuses, ail des ours et autres plantes destinées à relever un plat, des petits fruits et des cerises griottes dont elle se promit de faire des confitures et des fioles de liqueurs revigorantes.

Ensuite, elle invita le prince à venir la rejoindre le lendemain pour un repas festif qu’elle aurait eu le temps de préparer en ce bel après-midi qui s’annonçait sous les auspices de la gourmandise.

De son inimitable pas dansant, Éléonore s’en retourna chez elle, le panier chargé de promesses de bouchées d’amour.

Le bois d’amour avait encore répondu à sa légende !

Vladimir établit son campement au bord d’une rivière et il pêcha de belles écrevisses qu’il offrirait à sa dame avec un bouquet d’iris des marais et de roses sauvages, réuni à la dernière minute pour que ces fleurs ne perdent pas de leur fraîcheur.

Le lendemain, il suivit le plan que lui avait confié sa dame pour parvenir à sa demeure, il activa le heurtoir et se présenta sous des atours de fête, les bras chargés de cadeaux.

Ravie à la perspective d’inclure les écrevisses à son menu, Éléonore installa son hôte sous la véranda de charme réservée aux préambules gourmands et elle prépara un plat princier venu de la rivière, présentant ces crustacés dans de petites soupières individuelles, baignant dans une sauce épicée.

Sur une table décorée de vaisselle fine, nappée d’un tissu brodé au chiffre familial, des fleurs en vases cristallins offrant une note lumineuse et parfumée, une succession de gourmandes préparations offrit aux amants l’aperçu délicat des richesses de la nature.

Le savoir-faire d’Éléonore les avait magnifiées.

Au dessert, un entremets aux fraises des bois accompagnant un gâteau de Savoie, le prince Vladimir offrit à sa dame une bague de fiançailles qui jetait mille feux.

Ils se dirent des mots tendres sous la tonnelle du jardin et ce fut un charmant prélude à leurs amours futures !

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