mardi 22 juin 2021

Les chevaliers de la rose d'or

 



Dans un royaume lointain, bordé par une mer céleste où abondaient les perles et les coraux, vivaient des chevaliers qui arboraient une rose d’or sur leur bouclier.

Ils menaient parfois des expéditions destinées à la vérification du bon ordre régnant dans les zones habitées.

Le chevalier Bertrand de la Tour Noire dont les ancêtres avaient récolté le fruit des vignes en terroir cadurcien, se trouva détaché de ses compagnons du fait d’une épine plantée dans l’une des jambes de sa monture, près du sabot.

Un médecin spécialisé dans l’art de soigner les chevaux ôta l’épine et appliqua un baume cicatrisant sur la plaie.

Il invita le chevalier à passer la nuit dans sa demeure, l’assurant que l’un de ses valets nourrirait et bouchonnerait sa monture dans les règles de l’art.

Le chevalier accepta l’invitation et il ne regretta pas sa décision car l’hospitalité du médecin frisa la perfection.

Dame Odile apporta un pichet de cidre et en remplit des hanaps, agrémentant cette boisson ancestrale d’un assortiment de beignets aux pommes, de tartelettes à la crème, enrichies de fruits des bois et de pommes d’amour.

Puis elle s’activa à la cuisine pour servir ensuite un plat de viande  en sauce épicée de baies de genièvre et d’airelles, aromatisée de sauge, de thym et de romarin. Un vin chaud liait les sucs de viande confite singée de farine fleurie.

Ce même vin servant à lier la sauce fut servi à table : c’était un bon vin de Tursan, un château Bourda plus précisément et les deux hommes lui firent honneur.

Un plat de topinambours à la crème aida à faire glisser les morceaux de viande en leur octroyant une belle onctuosité.

Le dessert consista en un assortiment de petits gâteaux variés qui révélaient le savoir-faire et l’inventivité de la maîtresse des lieux.

Antoine, son mari, félicita chaleureusement son épouse et le chevalier s’inclina devant cette hôtesse dont la beauté n’avait d’égale que son talent culinaire.

Il se promit de lui envoyer un collier de trois rangs de perles dès son retour en son fief.

Le chevalier passa une excellente nuit dans une chambre parfumée à la lavande et à la rose.

Après un petit déjeuner complet où les œufs à la coque faisaient bon ménage avec des crèmes et de la brioche aux fruits confits ainsi qu’un grand bol chicorée au lait crémeux, il prit congé de ses hôtes, retrouva sa monture guérie et partit, non sans avoir dissimulé une bourse de louis d’or dans un bouquet de fleurs des champs où figuraient des marguerites et des pavots. Il avait envoyé une petite fille du domaine cueillir ces fleurs  moyennant un beau louis d’or.

Il traversa une forêt profonde.

Plongé dans ses pensées, il ne vit pas que les fourrés devenaient de plus en plus épais et que la lumière se faisait désirer. Les feux follets lui servaient de repères.

Craignant de voir sa monture blessée à nouveau, il profita d’une clairière où l’on avait érigé une fontaine.

Il but de l’eau fraîche avec bonheur et offrit la pareille à son étalon qui répondait au joli nom de Prodige.

Il s’assit sur la margelle de la fontaine, effeuilla une marguerite en rêvant et c’est à peine s’il fut surpris de voir une ravissante jeune fille, une cruche à la main. Elle venait se ravitailler en eau pour sa maisonnée lui dit-elle.

Elle portait précisément le nom de Marguerite, ce qui apparut, aux yeux du chevalier, comme un magnifique prélude à une romance étoilée.

Ils devisèrent aimablement.

La jeune fille lui apprit qu’elle vivait non loin de là.

Comme le chevalier avait une noble apparence et qu’il était soucieux des prévenances, elle l’invita à passer la nuit à ses côtés.

Heureux de cette invitation en terre poétique, le chevalier lui emboita le pas, tenant Prodige par ses guides.

Ils arrivèrent près d’une maison en briques roses, pimpante et fleurie, des camélias couvrant le mur et le parant de soieries florales.

Les parents de la jeune fille étant partis pour la foire de Beaucaire, les jeunes gens se trouvèrent seuls.

Le chevalier s’occupa de Prodige puis il coupa du bois pour faire une flambée dans la cheminée.

Marguerite alla chercher des œufs dans le poulailler, de la salade dans le potager et elle fouetta une préparation campagnarde additionnée de crème pour faire une omelette à laquelle elle ajouta de la ciboulette.

Elle déposa des feuilles de laitue romaine dans un grand saladier, y ajoutant des cerneaux de noix, des amandes et des cubes de chèvre frais. Un vinaigre de cidre vieilli en fût de chêne et des framboises, ajoutés à de l’huile de noisette agrémentèrent l’assaisonnement de la salade.

Le chevalier félicita la jeune fille pour ses talents de cuisinière et il se régala, au dessert, de fromage frais agrémenté d’un coulis de fraises.

Ensuite, respectant les usages, le chevalier voulut prendre congé car il se souciait de la réputation de son hôtesse mais la charmante Marguerite le pria de rester en sa compagnie.

«  Une amie viendra ce soir en compagnie de son époux et ils se feront un plaisir de me prêter main forte pour respecter les usages de l’hospitalité et de la courtoisie » dit-elle enfin afin de briser la résistance du chevalier.

Le couple ne tarda pas à arriver.

Olivier était un troubadour doté d’une voix chaude et il interpréta une romance qui semblait provenir du Roman de la Rose.

Son épouse, Bérangère, dansait la volte avec une remarquable légèreté et, en compagnie de son époux, elle exécuta un très joli pas de danse qui transporta les jeunes gens dans un univers féerique.

Ne voulant pas être en reste, Bertrand prit sa mandoline et il chanta une ballade guerrière qui avait une mélodie si particulière que chacun applaudit spontanément.

Marguerite s’adonna aux préparatifs de la nuit et bientôt ceux qui se sentaient unis par les liens amicaux se retirèrent pour goûter les effets d’un sommeil réparateur, riche en rêves délicats.

Le lendemain, chacun reprit sa route.

Bertrand remercia ses nouveaux amis avec effusion et il leur demanda, comme une grâce, d’accepter une invitation à venir quelques jours dans son château : il leur réserverait un accueil chaleureux, plein de surprises avec un apparat digne d’eux.

Décidé à rejoindre le groupe des chevaliers à la rose d’or, il offrit à chacun une magnifique création en or pur qui symbolisait la rose chevaleresque de leur idéal.

Pressé de retrouver ses compagnons, il poussa sa monture et finit par remonter son handicap.

Soulagé de les apercevoir au détour du chemin, il éluda les questions, se contentant du récit réduit à son minimum pour relater l’ensemble de ses aventures.

Leur randonnée touchait d’ailleurs à sa fin.

Satisfaits de ne pas avoir rencontré de bandits voire des assassins, les chevaliers rentrèrent dans leur foyer.

Bertrand put alors se livrer à des préparatifs soignés pour une réception digne de la jolie Marguerite et de ses autres invités.

Lorsque tout fut prêt, il lança les invitations, envoya son cocher avec le carrosse des fêtes et un attelage flamboyant à destination de la maison où il s’était senti si heureux, n’oublia personne, le couple d’artistes ainsi que le médecin et son épouse à qui il avait envoyé un collier de perles d’une rare beauté comme il se l’était promis.

Le jour de la fête arriva.

Venue quelques jours auparavant pour prendre ses marques, Marguerite découvrit avec ravissement une suite de pièces qui lui étaient destinées.

Une armoire contenait de magnifiques robes qui s’adaptaient à tous les événements de la journée et des soirs de fête.

Des robes qui rivalisaient avec les plus merveilleuses créations destinées à séduire une princesse dans le conte Peau d’Ane auraient pu s’appeler robe couleur d’argent, couleur de feu ou couleur de prairie avec un tapis de marguerites brodées d’or.

Marguerite ne put résister au plaisir de revêtir la robe couleur de prairie et lorsqu’elle descendit dans la salle à manger, elle fut frappée par la beauté du chevalier qui s’apparentait à la légende de son enfance.

Vêtu d’un pourpoint de feu, Bertrand avait l’allure d’un prince et c’est ainsi qu’elle accepta sa demande en mariage, assortie d’un anneau d’or serti de pierreries.

Les fêtes se déroulèrent aux accents d’une noce improvisée et lorsque tous les invités eurent pris congé, Bertrand porta sa belle épousée dans le lit nuptial aux longs voiles brodés et ils s’aimèrent jusqu’à la fin des temps.

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