samedi 3 mars 2012

KHADIJA



Elle a seize ans, Khadija la blanche colombe et elle sourit au soleil de l’or de sa dent cassée. Seize ans… taille souple qui la fait sa balancer comme un cheval racé, piaffant, fou, foulant la poussière comme une reine une traîne de rosée.
Elle s’en va à la source, fière beauté aux lourds colliers d’argent qui racontent à la route ses rêves de jeune vierge. Ses pieds nus psalmodient une étrange chanson. Khadija, déesse silvestre à la chevelure nouée, est-ce bien de l’eau que tu vas chercher ?
Dis-nous, à te surprendre si belle et si pure, on te croirait, irréelle créature, échappée d’une légende. Dis, ne vas-tu pas plonger tes mains embellies par les arabesques du henné dans le sang d’un agneau fraîchement égorgé ?
Khadija, ton sourire enfantin dément la poétique vérité de ton être.
Pourquoi recueilles-tu ces tristes mégots et ces petites pièces blanches ? Pourquoi nous embrasses-tu  servilement la main ? Pourquoi essuies-tu, en un geste furtif, la fleur de ta joue salie par le déshonneur d’un baiser payé ?
Khadija, prêtresse de l’innocence, ne t’immole pas à la noire Europe, laisse couler tes larmes comme une eau jaillissante, baigne-toi dans le torrent et tes seins dans les mains comme deux coupes d’offrande, donne-toi tout entière à ce qui est ta raison de vivre, la chaotique montagne qui inscrit en rugissements farouches un seul nom : Dieu.

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