jeudi 27 avril 2023

Le prince de Marrakech


Près des jardins de la Ménara, à Marrakech, vivait un prince qui sortait peu de son palais. La rumeur voulait qu’il soit désespérément amoureux d’une femme qui se refusait à lui ; De ce fait, le prince Farid mangeait peu, attendait la tombée du soir pour se promener dans son pavillon d’amour construit à la mode persane afin d’y recevoir dignement l’élue de son cœur si elle daignait répondre à ses invitations.

De son côté, la princesse Roxane menait une vie paisible, lisant et écrivant la plupart du temps. Elle se livrait également de travaux de broderie qui lui permettaient de vivre avec une certaine aisance : sa famille était ruinée du fait que le jeu s’était emparé de nombreuses personnes. Cette addiction avait eu pour conséquence une perte d’argent si colossale qu’il avait fallu vendre de nombreux biens pour réduire les dettes de jeu qui s’étaient accumulées au fil du temps.

Roxane avait un sens aigu de l’honneur c’est pourquoi elle repoussait poliment mais fermement les avances du prince Farid qui se mourait d’amour pour elle.

Elle ne voulait pas lui apporter en dot le reliquat des dettes familiales qui s’avérait fort élevé. Ce ne sont pas mes travaux d’aiguille qui vont effacer cette ardoise honteuse pensait-elle. Du moins avait-elle trouvé le moyen de vivre confortablement dans le petit Riad hypothéqué que son père avait pu sauver du désastre.

Le soir, Roxane aimait respirer le parfum des citronniers et des orangers qui ornaient le patio où murmurait une fontaine.

Un soir, alors qu’elle fermait les yeux et composait une strophe dédiée à la nymphe des eaux, une petite voix se fit entendre.

«  Roxane, ma douce, je connais un moyen pour que la fortune te soit rendue. Demain, au coucher du soleil, rends-toi dans la palmeraie. En chemin, tu trouveras un plan et une pelle. Creuse à l’endroit indiqué et un coffre d’or et de pierreries s’offrira à toi. L’honneur de ta famille sera enfin lavé ».

La journée parut longue à la jeune fille qui se piqua plusieurs fois le doigt en brodant tant ses nerfs étaient à vif.

Elle revêtit un caftan de soie incrusté de perles, s’enveloppa dans une djellaba noire et se mit en chemin, babouches souples aux pieds, pour la palmeraie.

Elle trouva le plan au pied d’un arbre cerclé de pierres rondes, fit trente pas vers le nord et creusa à l’aide de la pelle posée sur un palmier dattier.

Comme prévu, un coffre apparut mais au moment où elle s’efforçait de l’ouvrir, un bruit de calèche se fit entendre.

Roxane se cacha derrière l’arbre et découvrit avec surprise que l’occupant de la calèche n’était autre que le prince Farid.

Le prince descendit  de calèche, contourna l’arbre et s’agenouilla respectueusement près de sa dame d’amour.

«  Roxane, ma bien aimée, ne tremblez pas car je ne vous veux aucun mal. Devenez ma femme et je vous chérirai toute ma vie. Un esprit s’est adressé à moi hier soir alors que je respirais le parfum d’une rose que mon jardinier a créée pour vous, Rose d’amour, la bien nommée. Cet être féerique m’a conseillé de venir dans la palmeraie ajoutant qu’il y allait de mon bonheur ».

Frappée par la concordance de ces messages surnaturels, Roxane abandonna toute résistance et conta à son tour la révélation de la soirée précédente.

D’un commun accord, ils ouvrirent le coffre et furent éblouis par son contenu : louis d’or, rubis, émeraudes, diamants et perles y figuraient en abondance.

Il y avait de quoi éponger la fameuse dette et acheter de belles propriétés.

«  Plus rien ne s’opposera à notre union dit le prince Farid avec infiniment de tendresse. Je vous aurais épousée démunie de toute fortune mais je sais qu’il vous en coûtait de venir à moi couverte de dettes. L’honneur perdu était pour vous une tache indélébile. Vous voici plus riche que moi à présent : me ferez-vous la grâce d’accepter ma demande en mariage, ma mie » ?

Pour toute réponse, Roxane ôta sa djellaba noire et apparut, sous la lune, resplendissante de beauté dans sa belle robe de soie brodée de perles, son caftan d’amour.

Elle s’abandonna dans les bras du prince Farid qu’elle chérissait depuis toujours en dépit de ses refus et tous deux prirent le chemin de la Ménara pour rêver à leur futur bonheur.

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