mardi 11 mai 2021

OK Boomer

 

C’est ainsi que nous interpellent avec mépris les jeunes de notre temps, semblables à ceux que caricaturait Jacques Brel dans sa chanson Les Bourgeois, nous rendant responsables de la déliquescence politique et du pillage des ressources naturelles en nous intimant, par le fait, le silence !

Je pourrais prendre la tangente et dire que je n’appartiens pas à cette ribambelle de nourrissons venus au monde après la guerre puisque je les ai précédés de peu, naissant le 22 Avril 1945 avant l’armistice !

Mais j’accepte de me joindre à tous ces enfants qui, profitant du plan Marshall et se ruant dans les salles de cinéma tout en se déhanchant au son du rock dans leur adolescence, semblent avoir vécu aux frais de la princesse, exigeant, par la suite, qu’on leur offre une retraite considérée comme fabuleuse à l’époque de la signature des décrets.

Je me revois, un jour, dans une grande salle aux murs tristes, face à une classe de 4ème Technologique : les élèves présentaient leurs doléances à la demande du Proviseur. Comme des moineaux, ils avaient quitté l’enceinte du lycée Jean Jaurès pour réclamer « du matos » aux cris de « so-so-so solidarité ».

J’ai donc pris note de leurs revendications, misère d’une école qui n’incitait pas à conquérir le savoir et une foule de petits détails sans oublier un cri du cœur auquel personne ne pouvait remédier : «  y a pas de filles » !

 J’ai soudain été interpellée de cette manière : «  Et vous, Madame, vous en êtes contente de votre estrade pourrie » ?

Interloquée, j’ai baissé les yeux pour réaliser que j’étais juchée sur un assemblage de planches défaillantes.

Or je n’y avais jamais prêté la moindre attention !

Une craie ou un stylo (plume or, mon seul luxe) à la main, je me sentais reine en mon royaume, négligeant la misère ambiante, la seule richesse à mes yeux restant la conquête des mots.

L’eldorado des Lettres illuminait mon cœur et suffisait à mon bonheur.

Je leur ai donné ma vérité, puisant dans mes souvenirs d’enfance les cartes postales de mes années-lycée.

Je vivais dans le Nord de la France et nous allions, mes camarades et moi, dans des salles sans confort installées le plus souvent dans des bâtiments en préfabriqué, sans rideaux avec parfois même des vitres cassées non remplacées qui nous empêchaient d’écrire en hiver. Les mains violettes,  nous demandions à notre professeur d’attendre un peu pour commencer la dictée car nos doigts étaient engourdis !

Néanmoins, je leur ai concédé bien volontiers que ce n’était pas une raison suffisante pour qu’ils acceptent une situation analogue, la justification de la guerre ne tenant plus !

Ce jour-là, je suis redevenue, l’espace d’une heure, la petite fille qui vivait dans un pays en guenilles.

Mes élèves et moi avons formé un bloc et nous nous sommes compris, retrouvant la fraternité prônée par Victor Hugo dans Les Misérables.

Jeunes gens, sachez que les boomers et leurs affiliés n’ont pas toujours vécu dans un monde regorgeant de richesses.

Prenez nos mains ridées dans les vôtres et allons de l’avant, au son des chants  éternels qui promettent des jours meilleurs !

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