jeudi 1 octobre 2020

Les mille roses du jardin des Merveilles

 



Dans un jardin merveilleux qui prolongeait la splendeur d’un palais, entre mer et terre, alimenté par des sources venues des montagnes voisines, des roses fleurissaient, bercées par les vents alizés, attendant qu’on vienne les admirer, les chanter pour en faire des bouquets d’amour destinés à la belle inconnue qui viendrait hanter l’alcôve et les nuits du prince comme celles du pauvre.

Songeant à cette belle éventualité, le prince Fouad marchait dans les allées du jardin et le parfum des roses l’enivrait au point de lui faire perdre la tête.

Venue à lui par un autre chemin, Myriam, vêtue de lin et chaussée de sandales légères, espérait trouver dans le jardin matière à poésie. Elle recherchait également une plante fibreuse dont elle pourrait extraire des fils capables de rivaliser avec la soie.

Se trouvant brusquement en vis-à-vis, Fouad et Myriam se mirèrent réciproquement dans le lac profond des amours éternelles.

D’un commun accord, ils prirent place sur une balancelle et ils échangèrent quelques mots, leurs regards et leurs corps complétant des phrases inachevées qui se perdaient dans le parfum des roses.

Enfin Fouad retrouva l’usage de la parole et il put complimenter la jeune fille sur sa rare beauté et lui proposer dans la  foulée, de l’accompagner en son palais pour y retrouver le traitement de faveur qu’elle méritait.

Ils cheminèrent donc côte à côte en direction du palais et à leur arrivée, le prince Fouad ordonna que l’on prépare pour son invitée un appartement somptueux, à la mesure de sa beauté.

Il demanda que l’on garnisse les vases de roses et que l’on parsème de pétales parfumés les tapis persans destinés à amortir le bruit des babouches ou autres chaussures.

Des dames de compagnie aidèrent la jeune femme à prendre un bon bain puis elles enduisirent son corps d’onguents à la rose et drapèrent sur leur hôtesse une robe fabuleuse digne des Mille et une Nuits.

Invité à pénétrer dans le boudoir pour admirer les effets des soins prodigués à son aimée, notamment la coiffure sophistiquée, ornée de fleurs et de perles, le prince Fouad accrocha au cou de Myriam une rivière de diamants et attacha des semainiers d’or et de pierreries de la belle devenue princesse.

Par courtoisie, Fouad laissa la jeune femme attacher elle-même ses bracelets de cheville puis il l’emmena, toute rayonnante, telle la déesse du soleil.

On servit des mets exquis : beignets de fleurs d’acacia, de roses et d’ananas, tourtes aux champignons et à l’effilochée de jarret de veau cuit en pot-en-feu, Saint Pierre braisé, servi en filets reposant sur un lit de laitues de mer, toasts au foie gras d’oie ou aux rillettes de saumon, sorbets au citron et enfin une farandole de pâtisseries sucrées et fondantes, le tout arrosé de jus d’orange au gingembre et de violettes confites.

Du vin de Tursan, Jurançon et Monbazillac était mis en carafes pour que l’on admire leur robe.

Porto, Madère et Cherry étaient servis dans des coupes cristallines d’où émergeaient des rochers de nougats et de sucre d’orge.

Myriam goûta toutes ces merveilles, se laissa bercer après le dessert, par des mélopées pleines de tendresse provenant de chanteurs attitrés.

Pour remercier son hôte de cette divine réception, Myriam proposa au prince de lui dédier une chorégraphie.

C’est en dansant avec infiniment de grâce, ses bracelets tintinnabulant et rythmant ses pas, qu’elle finit de conquérir le prince Fouad, déjà très épris de sa princesse.

Il dut se retenir de l’enlacer et d’effleurer ses lèvres charmantes d’un baiser ardent.

 Il invita son chambellan à reconduire la princesse, c’est le nom qu’il employa, dans ses appartements car il craignait de ne pas pouvoir contenir sa fougue et son désir.

Le lendemain, il accompagna sa dame d’amour dans tous ses déplacements et ils allèrent au gré de leur fantaisie, se retrouvant le plus souvent dans le jardin merveilleux de leur première rencontre.

Il en fut de même, les jours suivants et peu à peu, leurs amours se concrétisèrent si bien qu’une année s’étant écoulée, l’annonce officielle de leur mariage fut proclamée.

Des invités vinrent de toutes parts, des tentes d’apparat furent dressées et il fut relativement facile d’ordonner les cadeaux de mariage car le prince avait fait construire un pavillon réservé à sa dame d’amour.

Quelques pièces s’embellirent ainsi : sculptures, verres de baccarat dans un vaisselier de merisier, soieries, rouleaux de satin et de velours dans des coffres ouvragés, tableaux, bijoux et meubles d’ébénisterie formèrent un hymne à la beauté de la mariée.

Au comble du bonheur, Fouad emmena sa belle d’amour dans une chambre pourpre et or sous un dais de mousseline rose brodée d’argent.

Des rosiers grimpants s’enlacèrent au lierre et une rose couleur de lune naquit le jour de leur union, jetant une note solaire sur leur amour.

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