samedi 17 octobre 2020

Le tournoi des surprises

 



Véritable reine du quotidien, Pervenche était perçue par tous les habitants du château comme la petite fée nécessaire à la bonne marche de la quête difficile du Saint Graal.

On lisait sur son visage la beauté profonde et morale concrétisée par tous les peintres et les sculpteurs, spécialisés dans la reproduction des traits de la Reine des Cieux.

Marie serait sans nul doute au côté des chevaliers lorsqu’ils partiraient, selon des plans établis avec soin, à la recherche du ciboire sacré.

Chacun s’interdisait de s’attarder sur sa silhouette car elle était si fine, si élégante, si racée qu’elle pouvait plonger le spectateur dans une ivresse difficile à contrôler.

Libre de ses mouvements, Pervenche allait et venait, veillant à ce qu’aucun détail ne soit négligé.

Il en allait de la notoriété de Jehan des Roselières et la jeune fille ne ménageait pas sa peine : le fils de Lancelot du Lac ne pouvait essuyer un faux pas !

Ses frères Tristan-Lou et Enguerrand le Magnifique appuyaient discrètement et efficacement les entreprises de leur cadet, si conforme à l’excellence de leur père qu’il semblait être son prolongement merveilleux.

On s’attendait presque à la venue de la fée Viviane, mère de substitution de Lancelot du Lac et effectivement, elle vint, sous l’apparence d’une reine, Marguerite de Brocéliande.

Elle portait bien son âge et quelques fils d’argent couraient dans sa chevelure.

Elle accompagnait deux chevaliers, Bernard de Questembert et Jocelyn de Rohan.

Ces deux chevaliers, beaux, imposants et s’exprimant avec recherche et courtoisie promettaient d’être les fleurons de la Table Ronde que l’on attendait.

C’est pourquoi Jehan les pria de ne pas participer au tournoi tant il craignait que ces fiers chevaliers ne fussent mis à mal par un participant brutal et sans respect de l’éthique rituelle.

Mais les deux chevaliers sourirent et l’assurèrent qu’ils ne risquaient rien, plaisantant en disant qu’ils affronteraient le diable en personne tant leur bravoure et leur sens du combat les mettaient à l’abri de tout effet de surprise.

Ne voulant pas s’avouer une crainte qui s’emparait de son cœur de manière insidieuse, Jehan des Roselières fit contre mauvaise fortune bon cœur.

En effet, il lui semblait que ces deux chevaliers avaient leur place toute désignée à la Table Ronde mais il n’osait formuler la crainte qui le taraudait : leur beauté et leur prestance pourraient trouver un écho favorable dans le cœur de Pervenche dont il se sentait éperdument amoureux, à son corps défendant.

Ignorant toutes ces turbulences, Pervenche se montra aimable envers le trio d’allure royale, lui octroyant la plus belle suite du château, se tenant à leur disposition si besoin était.

Marguerite de Brocéliande la remercia avec effusion et elle lui fit don, pour les bons services annoncés, d’un bijou en argent ciselé, portant en son cœur une turquoise et mis en valeur par une chaîne torsadée en métal précieux.

Pervenche, touchée par ce cadeau magnifique, voulut le refuser en disant avec grâce qu’elle ne méritait pas un don aussi prestigieux mais la fée Viviane, cachée sous l’identité de Marguerite de Brocéliande, l’assura que ce bijou n’était en rien somptueux et qu’elle le lui offrait en toute connaissance de cause.

Jocelyn de Rohan lui baisa la main et affirma que tous les bijoux de la terre ne seraient pas à l’aune de sa beauté.

Il avait un regard si ardent que Pervenche préféra clore la page. Elle attacha le bijou à son cou en signe de reconnaissance et s’en fut après quelques révérences et l’excuse des nécessités de sa tâche.

Jehan des Roselières remarqua le bijou et s’inquiéta du devenir de la romance qu’il sentait s’affirmer entre une belle, rencontrée un jour alors qu’il ne songeait guère à l’amour et lui qui s’était laissé conquérir par le charme indéfinissable de la jeune fille.

Persuadé que ce bijou provenait de la triade installée en son château, il décida de lutter avec les mêmes armes, fit venir un joaillier et lui commanda des parures dignes d’être portées par une reine.

Il le mit en présence de Pervenche et le présenta comme un ami estimable.

Son nom fut inscrit sur le plan de table du festin, Célestin Rubis.

L’orfèvre s’éclipsa après avoir pris la mesure de la beauté de la jeune fille, estimant la finesse de son annulaire en lui baisant la main.

Il se mit immédiatement au travail, faisant jaillir de la matière brute, fleurs précieuses et supports dorés ou argentés pour mettre en valeur la beauté de Pervenche, au nom si bien porté.

Il travailla nuit et jour et le résultat dépassa ses espérances.

Pendant ce temps, ignorant l’œuvre d’amour commandée pour elle par le seigneur des lieux, Pervenche recevait les chevaliers qui se présentaient au château pour participer au banquet et au tournoi.

Enfin le jour tant attendu arriva.

Des hérauts firent savoir à son de trompe que le banquet attendait ses convives.

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