samedi 24 octobre 2020

Le seigneur de Barenton

 



Au sortir de son oratoire, les yeux baignés de larmes pour s’être remémoré la funeste fin de son époux, gardien de la fontaine sacrée de Barenton et protecteur du patrimoine légendaire de Brocéliande, Dame Aude entendit le bruit d’un galop de cheval.

Le beau chevalier Fleur des Genêts avait hâte de retrouver sa dame de cœur et de la serrer dans ses bras avant de la conduire sur la couche nuptiale pour l’y aimer à la folie.

Les deux amants tombèrent dans les bras l’un de l’autre et sans plus attendre, fermèrent les rideaux de l’alcôve pour assouvir la frénésie de leur passion réciproque, le désir de la dame étant ravivé par la douleur de son veuvage : cette douleur poignante avait fait d’elle un véritable brasier.

M’auriez-vous fait boire un philtre d’amour, ma Dame ? disait Fleur des Genêts sans relâcher son étreinte et il se sentait voguer dans une barque, allant de récif en récif et frôlant l’écume des flots en compagnie de fiers albatros.

Dame Aude sentait monter en elle une houle de désir inextinguible et elle s’abandonnait avec délices aux ardeurs de son amant.

Entre deux étreintes passionnées, Fleur des Genêts admirait le corps gracile de son aimée et le parcourait de baisers.

Arcboutée et livrée au désir fou de son amant, Dame Aude se livrait, laissant Fleur s’emparer des sources vives qui jaillissaient des profondeurs de son être.

Fleur des Genêts ne se lassait pas d’explorer et de défaire un à un les pétales de chair de son amante.

Ma Dame de cœur, prévenez-moi si mes élans vous blessent lui murmurait-il entre chaque caresse passionnée qui devenait plus profonde.

C’était un peu comme s’il naviguait sur une mer étale qui révélait tout à coup des tourbillons inconnus qui l’entraînaient dans un délicieux vertige.

Il lui arrivait fugitivement de se remémorer sa mission, la préservation de la fontaine de Barenton mais alors qu’il se préparait à la dernière étreinte, le dernier baiser, le regard chaviré de sa belle d’amour le ramenait à l’adoration de ce corps qui devenait sien à chaque exploration profonde de la source sacrée.

Or, il s’avérait que durant ces folles étreintes, son avatar, portant heaume, cuirasse et lance noirs, galopait farouchement dans les landes pour sauvegarder la fontaine des amours de Merlin et de la fée Viviane. Ce lieu était ainsi devenu légendaire et mythique.

Fleur des Genêts, par la simple reconnaissance et adoration du corps sacré de Dame Aude de Barenton, était devenu le seigneur de la fontaine.

Les sources vives de son aimée et celles de la fontaine ne faisaient qu’une.

Fleur des Genêts, devenu le suzerain de sa Dame, avait conquis le titre de seigneur de Barenton sans autre fait d’armes que la seule jouissance d’un corps si désirable qu’il en était devenu le maître et le prisonnier.

Ses hommes d’armes, rassurés de voir son ombre conquérante dominer les abords de la fontaine, formèrent un cercle magique et guerrier, prêts à passer à l’action si leur maître faisait appel à leurs ardeurs combattantes.

Les amants passionnés dormirent enfin , apaisés et enlacés.

Après ce repos nécessaire, la vie reprit son cours et Fleur des Genêts s’en alla dans la lande pour prendre son poste de guet auprès de la fontaine après avoir une dernière fois goûté la source chaude et parfumée de sa dame d’amour.  

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