vendredi 2 octobre 2020

Le vallon oublié

 



C’est en cherchant une herbe médicinale, l’hellébore des bois, que Louise se trouva tout à coup, après avoir erré dans la brume, dans un vallon perdu.

Perdu ou oublié ? Il ne figurait sur aucune carte topographique mais il était si beau, si lumineux que la jeune fille oublia toute prudence et marcha en chantant afin de faire retentir la preuve de sa présence.

Après quelques lieues effectuées dans cette trouée de lumière, Louise s’assit sur un tronc d’arbre qui avait été sculpté par un ébéniste : des roses de bois tourné décoraient ce curieux siège, préparé à l’évidence pour un hôte de marque, vraisemblablement de passage.

Un écureuil se posa sur son épaule et lui offrit une noisette. Reconnaissante, la jeune fille lui tendit, en retour, un morceau du quatre-quarts fabuleux dont elle tenait la recette de sa grand-mère.

Plus fondant et plus délicieux que le cake d’amour de Peau d’ Ane, il était aromatisé à la rose et au gingembre.

Quelques noisettes pour le décor et me voici prête pour figurer au nombre des meilleurs pâtissiers du royaume confia-t-elle à l’écureuil qui comprit le message.

Il lui fit signe de le suivre et la conduisit auprès d’un arbre creux qui contenait une réserve de noisettes.

Louise en prit quelques-unes, juste de quoi décorer son prochain gâteau et elle promit à son ami l’écureuil de taire son secret et de se servir de la cachette qu’à bon escient.

Impatiente à la perspective de confectionner ce gâteau d’amour, elle en oublia l’hellébore des bois et après avoir embrassé l’écureuil, elle partit d’un pas léger pour retourner à son logis mais c’était sans compter sur la magie du vallon oublié.

Elle eut beau chercher toutes les issues en revenant sur ses pas, elle ne trouva pas l’orée de la forêt où se situait le vallon.

Découragée et voyant le soir tomber, elle pensa à s’abriter pour la nuit. Elle fit demi-tour et marcha en direction d’une lueur qui provenait certainement d’une demeure hospitalière puisqu’on envoyait un signe lumineux à la personne égarée.

Une jolie maison, pimpante, aux briques rouges, roses, noires et jaunes, décorées de fleurs, précisément celles de l’hellébore qu’elle avait cherché en vain, lui parut accueillante.

De fait, la personne qui lui ouvrit la porte était un fort bel homme, vêtu avec recherche et simplicité.

C’est paradoxal se dit Louise mais ce sont les mots qui me viennent à l’esprit car comment qualifier une tenue qui nous plonge dans l’univers des contes de fée avec un effet de réel et de contemporain, tout à fait étrange et inattendu ?

Le prince car c’en était un, il se nommait Renaud d’ Artois, s’inclina devant Louise et l’invita à entrer, la traitant comme s’il se fût agi d’une princesse.

Il la débarrassa de sa pèlerine et de son panier, lui présenta une aiguière d’eau tiède parfumée à la rose et après un séchage à l’aide de serviettes chaudes, il lui prit la main et la plaça au cœur d’un dispositif charmant et astucieux pour passer des plaisirs de la conversation aux délices gourmands.

Louise apprécia ce tête à tête et la soirée  apporta sa kyrielle de moments choisis et féeriques.

Le prince Renaud s’intéressa aux recherches de Louise sur l’hellébore inscrite dans les murs de sa demeure et en retour, il évoqua la passion qu’il éprouvait pour un arbre, le pommier de la Saint-Jean : ses fruits sont si doux dit-il que l’on obtient des compotes au parfum incomparable.

D’ailleurs, chère Louise, vous pourrez en juger par vous-même car, tandis que nous parlions, ma cuisinière a sorti l’un de ses pots de conserve et vous aurez en dessert un ramequin de cette compote divine accompagnant un gâteau au cœur coulant de cerises et de poires au miel.

Louise approuva ce choix et suggéra que l’on félicite la cuisinière pour l’excellence de son travail.

«  Regrettez-vous, chère amie, de vous être égarée dans un vallon perdu ? En quittant mon Artois natal, j’ai été pris dans un tourbillon de vents contraires et c’est ainsi que je suis arrivé ici. J’ai frappé à la porte de cette maison et je m’y suis si bien trouvé que j’y suis resté. L’hôtesse des lieux m’a vite quitté et j’ai procédé à des améliorations dont vous bénéficierez si vous acceptez de rester en ma compagnie car je ne vous cache pas, charmante Louise, que vous m’êtes devenue indispensable ».

Quelques anges passèrent et Louise se sentit enveloppée dans un écrin de douceur. Elle eut l’impression de devenir le cœur d’un bonbon fondant au parfum de bergamote et de jasmin.

Voyant son trouble, le prince la conduisit dans la jolie chambre spacieuse et agréablement meublée et décorée qu’il lui avait choisie.

«  Bientôt, ma mie, lui chuchota-t-il à l’oreille, nous ne ferons plus qu’un dans le grand lit qui est le mien ».

Louise sentit ses genoux se dérober à cette perspective et pleine de langueur, elle prit possession de sa chambre qui lui parut extrêmement plaisante.

Le lendemain et les jours suivants, les deux futurs époux apprirent à mieux se connaître et se promenèrent aux alentours de la maison.

Louise eut le bonheur de trouver de l’hellébore et une bonne  fortune ne venant jamais seule, elle croisa son ami l’écureuil.

Il lui fit fête et accepta qu’elle se serve à nouveau de ces excellentes noisettes dont elle se promit de garnir un gâteau avec l’aide de la cuisinière.

Ce soir-là, Renaud et Louise fêtèrent leur union prochaine et l’écureuil Panache les accompagna.

Renaud lui proposa de dormir au cœur du pommier de la Saint-Jean, honneur qu’il apprécia à sa juste mesure.

«  Il nous tiendra compagnie jusqu’à la naissance de notre premier enfant, en toute liberté et ensuite, bien entendu, il fera partie de la famille, allant de la forêt à la maison comme bon lui semblera ».

Il sera un parfait compagnon de jeux pour notre enfant et pour ma part, il restera le symbole de notre rencontre et de notre amour, renchérit Louise et c’est avec ces rêves d’un bonheur parfait qu’elle prit du repos, pensant à toutes les journées merveilleuses qui l’attendaient dans le vallon oublié qu’elle garderait pour toujours en son cœur.

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