dimanche 18 octobre 2020

Le banquet merveilleux

 



Capucine, la cuisinière en chef du château n’avait pas ménagé sa peine pour que le repas soit parfait.

Sur une table décorée avec art par Doria, lingère de talent, elle disposa des pyramides de fruits déguisés, cédrats, angélique, violettes, oranges, pommes et poires avec un additif sucré, les dragées aux amandes.

Des pétales de roses confits et de petits fromages de chèvre aux noix, présentés sous forme de marguerites des prés et de boutons d’or nappaient des coupelles en porcelaine, invitant à la dégustation de cervoise Lancelot et de cidre de Quimper.

Le premier plat arriva dans l’enthousiasme général après un rinçage des doigts dans de l’eau parfumée, présentée en aiguière et en burettes pour l’essence de roses.

C’était un vol-au-vent au pigeonneau et aux amandes, servi avec une purée de topinambours et un caquelon de champignons à la crème.

Vint ensuite une daurade farcie d’un hachis de pibales et d’encornets pimentés revenus sur le feu dans un bain d’huile d’olive.

Présentée sur un lit d’algues brunes et de laitue romaine, avec de petits choux pommelés contenant en leur cœur une farce d’aiguillettes de poulet, la daurade apparaissait comme la reine des flots gourmands, se multipliant à l’envi pour satisfaire l’appétit de valeureux chevaliers et de dames de renom.

La fée Viviane, sous les traits de Marguerite de Brocéliande, demanda à féliciter la cuisinière Capucine et sa brigade.

Ces dames se présentèrent avec un tablier immaculé, brodé de pervenches et elles obtinrent des applaudissements chaleureux.

Marguerite de Brocéliande leur promit une pervenche d’or et Bernard de Questembert demanda à Capucine l’un de ses rubans pour avoir l’honneur de défendre ses couleurs le jour du tournoi.

Cerise et sa brigade repartirent en cuisine pour préparer la suite, une rosace de magrets servis avec une sauce aux cerises, une purée de carottes et de poires de terre ainsi qu’une tombée de pleurotes.

Des pages alertes s’emparèrent prestement des assiettes pour éviter un refroidissement de ces préparations servies chaudes.

Une selle d’agneau farcie d’aneth et de fenouil caramélisé apparut dans un tourbillon de pâte feuilletée cuite sur la braise, complétant ces délices carnés.

De petites roses de pommes, passées au pinceau, au miel et à la gelée de roses, servies avec une gelée de citron et de lavande, passèrent parmi les convives pour leur permettre de patienter jusqu’au dessert.

Des aiguières d’eau fraîche agrémentée de sirop d’orgeat rafraîchirent les convives qui commencèrent à se sentir disposés à déguster des friandises inédites.

Les conversations allaient bon train et des amitiés se nouaient.

Edouard de Nohant, chevalier de belle prestance et féru de poésie, trouva en la personne  d’ Hélène de Beaumanoir, sœur jumelle de Benoît des Forges, venu pour participer au tournoi, une audition complaisante.

«  Hélène dont le nom évoque le courroux de Ménélas, parti en guerre jusqu’à Troie pour reprendre au beau Pâris, son épouse chérie, vous êtes si belle que pour vous, je m’efforcerai de gagner le tournoi.

Que le ruban doré qui retient les boucles de votre chevelure digne de Cérès, orne ma lance, tel est mon vœu le plus cher !

Je vous le rapporterai au terme des combats pour me montrer digne de vous » !

Hélène n’eut pas le loisir de répondre car troubadours, ménestrels, jongleurs, danseuses et montreurs d’ours firent irruption dans la salle pour procurer des divertissements.

Une danseuse, nommée Soraya, fit sensation en interprétant une danse des sept voiles qui coupa le souffle de plus d’un chevalier.

Vêtue de voiles roses, elle s’en défit avec élégance et sensualité et lorsqu’elle apparut, au tableau final, en justaucorps couleur chair, elle suscita un enthousiasme fou et des chevaliers durent être sermonnés par Jehan des Roselières car ils en seraient venus aux mains pour se disputer un voile de la belle, afin de porter ses couleurs lors du tournoi.

Tristan-Lou proposa un tirage au sort et c’est le chevalier Norbert du Hainaut qui gagna le droit de porter un morceau de voile en guise de brassard.

Soraya ne fut pas mécontente du choix octroyé par le destin car Norbert du Hainaut était un très bel homme et son visage avenant était empreint de finesse et de douceur.

Les divertissements terminés, on dressa à nouveau la table du festin pour qu’éclate un océan de douceur.

Pyramides de fruits, coupelles de crèmes aromatisées, choux pralinés, charlottes à la framboise ou aux pralines, nougatines au miel furent le prélude d’un entremets merveilleux, une omelette norvégienne et une farandole de douceurs, mille-feuilles, mokas, babas au rhum et enfin arriva le clou du spectacle , une pièce montée, délicatement parfumée à la rose et à la barbe à papa.

Chacun se délecta de fondantes parts de rêve puis on but du café, des liqueurs et du vin pétillant.

Les pages eurent tôt fait de tout débarrasser et les invités prirent congé en félicitant le maître de maison.

Demeuré seul avec Pervenche, Jehan des Roselières la félicita pour la coordination et l’agencement harmonieux des différentes étapes du festin.

Il brûlait de l’enlacer et de poser ses lèvres sur les siennes mais, soucieux des convenances, il lui baisa la main avec ferveur et lui promit une surprise pour le lendemain.

Pervenche le quitta, le cœur battant. La surprise lui importait peu mais elle tremblait de tous ses membres lorsqu’elle se trouvait seule, en songeant au beau seigneur qui avait pris son cœur dès le premier regard.

Elle regagna sa chambre, se dévêtit puis, après une toilette soignée, se mit au lit et s’endormit en rêvant qu’un aigle s’emparait de son ruban pour le déposer dans son aire.

 

 

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