dimanche 25 octobre 2020

René le Mauvais

 



L’étau se resserrait autour de René le Mauvais  et ce seigneur maudit appliqua la technique de la terre brûlée.

Des catapultes installées sur les créneaux de sa tour envoyaient des brûlots à l’aveugle, ce qui valut à des enfants partis à la recherche de châtaignes et de champignons de revenir chez eux brûlés et apeurés.

Les guerriers appartenant à la maison de Jehan des Roselières arrivèrent au château de Philibert le Sage où ils furent accueillis chaleureusement.

L’un des maîtres d’armes, Eugène de Caudry avait hâte d’en découdre avec cet émule du diable.

Volailles et viandes rôties rassasièrent les troupes, crêpes et entremets accompagnant des gâteaux riches en œufs et en farine leur redonnèrent un goût d’enfance, les incitant à rendre au terroir le bonheur primitif que René le Mauvais s’était ingénié à détruire.

Philibert le Sage avait envoyé des émissaires dans les campagnes afin de recueillir des anecdotes, des faits d’armes et des souffrances en tous genres relatifs à René le Mauvais.

D’après ces renseignements, il fut avéré que ce seigneur détestable usait de moyens ténébreux pour parvenir à ses fins.

Le combat livré contre Gilles le Téméraire, le seigneur de Barenton, avait été entaché par de multiples actions frauduleuses.

Des pièges dont on se servait contre les renards et divers nuisibles avaient été placés aux alentours de la fontaine, à l’endroit précis où le seigneur avait l’habitude de passer.

Des sbires cachés dans les frondaisons des hêtres, munis de lacets se tenaient prêts à étrangler Gilles le Téméraire.

L’un d’eux, particulièrement adroit, lança son cordage funeste au moment où le seigneur s’approchait de la fontaine.

Etranglé et pendu, le grand seigneur eut la tête tranchée par un René le Mauvais sadique et triomphant à peu de frais.

« Rassurez-vous, mes amis, dit Philibert, j’ai pris soin de faire ratisser les abords de la fontaine  de manière à en expurger les pièges de toutes sortes, installés en maints endroits.

Un cercle de chasseurs formait une ronde, de sorte qu’un filet de protection régnait, rendant toute approche malveillante de la fontaine sacrée impossible.

Nous devons nous attendre à des fourberies de la part de ce maudit seigneur, c’est pourquoi je suis tout ouïe à vos propositions.

C’est un ennemi couard et lâche et il est prêt à tout pour parvenir à ses fins.

Tâchons de le prendre vivant. Nous le mettrons en cage comme la bête féroce qu’il est et nous le jugerons ».

Ayant ainsi parlé, Philibert le Sage distribua les chambres et les tentes assignées à ses hôtes et on se donna rendez-vous pour le lendemain, à l’aube.

Des concertations eurent lieu après la collation du petit déjeuner, lard frit, omelettes roulées et farcies, gâteau cuit à la broche, servi avec de la confiture de cerises et des boissons chaudes aromatisées à volonté, mélisse, violettes, thé à la rose et au jasmin, café moka, lait au miel.

De l’eau de vie fut enfin servie, cognac, armagnac et alcools de prunes ou de poires et de pommes.

Ainsi revigorés, prêts au combat, les guerriers partirent en se divisant en petites unités. Ils ramifièrent dans les campagnes, pressés d’en finir avec cet être méprisable qui faisait régner la terreur chez les jeunes filles et les parents qui voulaient les protéger.

Philibert, utilisant les méthodes de chasse, avait envoyé en guise de rabatteurs et d’éclaireurs, des paysans protégés par des vareuses doublées, armés de coutelas. Des chiens dotés d’un sens aigu du déminage avertissaient les assaillants d’un danger caché.

Toutes ces précautions ne furent pas inutiles car René le Mauvais avait utilisé des procédés inhabituels, réquisitionnant les montreurs d’ours et lançant ces pauvres bêtes habituées à danser au milieu de combattants à cheval, à la seule fin de désarçonner les cavaliers. Ces ours semèrent ainsi la panique chez les équidés.

Coupeurs de gorges et assassins en tout genre, surgissaient d’un bosquet, attaquant à la fronde, à la savate et au lacet.

Leurs poignets étaient protégés par des lanières de cuir, hérissées de pointes acérées, destinées à lacérer les chairs.

Irrité par ces intrusions étrangères au monde de la chevalerie, Eugène de Caudry lança une attaque surprise avec ses vaillants guerriers mais il évita de justesse une chute dans une fosse où pointaient des pieux bardés de fer en forme de flèches acérées.

Les chiens étaient passés par là et avaient aboyé avec force pour déjouer le piège.

Eugène de Caudry fit une manœuvre discursive qui lui permit d’arriver au pied de la tour.

«  Montre-toi, chien haineux, viens m’affronter au combat si tu l’oses, poltron » ! cria-t-il à l’adresse de René le Mauvais mais pour toute réponse, il reçut de l’huile bouillante  qui le brûla partiellement.

Galvanisé par la douleur, Eugène de Caudry sortit sa masse hérissée de pointes de fer et fit le tour de la bâtisse infernale, entouré par sa garde personnelle.

Des combattants à pied, vêtus de noir et munis d’armes locales, frondes, arcs et billes d’acier battaient les buissons qui avaient échappé aux flammes, débusquant ainsi des bandits à la solde de René le Mauvais, prêts à blesser traitreusement le chevalier qui serait à leur portée.

L’élimination des bandits dégagea le terrain, ce qui permit à une unité combattante dirigée par Christian de Ploërmel de servir de repli, voire de rempart aux combattants entourant Eugène de Caudry en cas d’échec.

René le Mauvais se garda bien de sortir de sa tour où il se sentait en sécurité et il prit la décision d’envoyer à nouveau des projectiles enflammés sur les assaillants.

Le siège aurait pu durer longtemps si un fait exceptionnel ne s’était pas produit.

Venus des nuages, deux aigles royaux et quatre faucons fondirent sur René le Mauvais et s’emparèrent de sa personne avant que ses gardes n’aient eu le temps de réagir.

Propulsé dans les airs, il atterrit au pied de Christian de Ploërmel. Les épaules meurtries et sanguinolentes, l’assassin violeur avait piètre allure.

Le chevalier le fit mettre en cage et l’envoya sous bonne garde au château de Philibert le Sage pour qu’il y soit jugé.

Regroupés, les chevaliers s’apprêtaient à donner l’assaut final mais il n’y eut aucun combat car les habitants de la tour préférèrent se rendre.

C’est donc une cohorte de prisonniers qui prit le chemin du château pour un jugement adapté à chaque individu, entourée par des chevaliers et leurs hommes d’armes.

L’espoir d’en avoir fini avec le mal incarné fit renaître des roses du renouveau.

Philibert le Sage envoya une équipe de nettoyeurs qui restaurèrent la tour et lui rendirent son lustre d’antan.

On découvrit des malheureuses enchaînées dans les oubliettes. Victimes du sadisme de René le Mauvais et de ses acolytes, elles avaient presque perdu la raison.

Sœur Marie-Monique qui gérait un hôpital psychiatrique se chargea de leur rendre une apparence humaine en soignant leur corps et leur âme malades.

Un tribunal d’exception instruisit le jugement de ceux qui avaient impunément fait régner la terreur dans la région.

René le Mauvais fut frappé d’ostracisme et on l’envoya dans les pays barbaresques où il avait manifestement sa place.

Certains de ses compagnons subirent le même sort car il fut avéré, sur la base de témoignages et de preuves concordants qu’ils avaient commis des actes odieux, tortures, viols et massacres de manière volontaire.

Quant aux sous-fifres et aux serviteurs, on les jugea au cas par cas.

Heureux d’en avoir terminé avec l’aide du ciel avec la zizanie maléfique causée par René le Mauvais, les chevaliers de la Table Ronde reprirent la route qui les menait à Fol Espoir, le château de leur suzerain Jehan des Roselières.

Philibert avait remis aux dirigeants des présents de qualité, rouleaux de soie, bijoux en métal précieux, porcelaine fine.

En outre, quelques hommes proposèrent à des servantes de la tour, demeurées miraculeusement intactes, de les accompagner pour un nouveau destin, ce qu’elles acceptèrent avec joie.

Parmi ces femmes, il y avait Alexandra de Jésus, si sage, si belle et si persuasive dans ses homélies morales que René le Mauvais n’avait pas pu la soumettre.

Elle remercia le seigneur à son arrivée au château et lui demanda la faveur de diriger un établissement où l’on soignerait des femmes en détresse.

Jehan des Roselières la remercia pour son projet généreux et il fit appel à des maîtres d’œuvres pour construire et équiper le bâtiment.

Dans cette attente, Alexandra de Jésus fut mise à la disposition de Pervenche qui la traita comme si elle fût sa propre sœur.

Le calme revint au château et l’on attendit le retour des chevaliers partis en mission pour trouver un nouveau cap digne de la Table Ronde.

 

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