lundi 26 octobre 2020

Tourments d'amour

 



Venue d’une île lointaine après avoir échappé à un négrier, une belle jeune femme au teint doré, Josépha du Gosier demanda l’hospitalité à Jehan des Roselières.

Alexandra de Jésus proposa à la nouvelle venue de partager l’appartement vaste et confortable qu’on lui avait attribué.

«  C’est avec joie que j’accepterai cette proposition si elle convient à tous » dit Josépha et elle ajouta qu’il lui serait agréable de finaliser les projets nobles qui naîtraient du château de Fol Espoir pour le bien de tous.

Ces deux femmes qui avaient en commun l’expérience de la souffrance et de la douleur ainsi que le courage d’avoir surmonté ces épreuves, œuvrèrent de leur mieux pour dispenser le bonheur autour d’elles.

Capucine et Doria accueillirent leur aide et leurs capacités techniques, en cuisine notamment, pour retrouver un nouvel élan.

On découvrit ainsi des aliments inconnus jusqu’alors ainsi que des épices qui donnèrent à des plats anciens un goût exquis puisqu’il relevait de l’exotisme.

Jambon braisé à l’ananas, colombo de poulet, travers de porc marinés et grillés, brandade de morue, daurade au lait de coco, patates douces aux épices, gratin de cristophines firent leur entrée sur les tables festives du château.

Casseroles, chaudrons de cuivre et plats allant au four furent mis à contribution pour magnifier toutes ces préparations qui donnèrent aux convives le plaisir des gourmets.
Ce fut dans l’élaboration de desserts flamboyants qui décuplèrent toutes les énergies que les cuisinières firent florès.

Blanc-manger, flan antillais, chaudeau, gâteau d’ananas au rhum constituèrent le clou de chaque repas.

Et parmi toutes ces douceurs, flotta le parfum merveilleux d’une préparation au nom suave de tourment d’amour.

Ce fut à qui produirait le plus merveilleux tourment d’amour qui devint le symbole de passions inavouées.

Un chevalier, Gwendal de Fréhel réclama à Josépha un tourment d’amour avec tant d’insistance que la jeune femme découvrit le sens caché de sa demande.

Certes, elle n’était pas insensible au charme de Gwendal mais l’idéal d’Alexandra de Jésus, à savoir soigner des femmes victimes des déviances sexuelles sadiques d’hommes indignes de porter ce nom, encore moins d’être chevalier comme René le Mauvais, de sinistre mémoire, lui semblait infiniment plus fondamental.

C’est pourquoi elle prit la demande de tourment d’amour au pied de la lettre et elle s’ingénia à faire de cette pâtisserie l’élément nécessaire du plateau-repas du chevalier.

Gwendal finit par comprendre que c’était là une fin de non-recevoir et il dut avouer à Josépha que des rondeurs inhabituelles s’étaient emparées de son corps : il devait donc renoncer à ces douceurs gourmandes qu’elle était la seule à réussir avec autant de talent.

Alors que le chevalier échaudé s’apprêtait à demander une mission au seigneur du château pour calmer ses élans et sa douleur, une plainte arriva à Fol Espoir sous la forme d’une colombe porteuse d’un S.O.S adressé par un village opprimé par des malandrins et des assassins.

Gwendal saisit l’occasion aux cheveux, se porta volontaire et obtint le commandement d’une troupe de combattants décidés à pourfendre les bandits.

Il prit congé de Josépha, lui promit de prendre soin de lui et il lut dans ses yeux un peu de tendresse, ce qui lui donna la vigueur nécessaire aux besoins de l’expédition.

En se dirigeant vers le village de Guerlédan où sévissaient des tortionnaires, il laissa derrière lui les tourments d’amour, au propre et au figuré, gardant au fond de son  cœur une étoile ardente, prometteuse de baisers consentis et d’enlacements passionnés.

 

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