jeudi 29 octobre 2020

L'île d'Avallon

 



Quittant à regret sa dame d’amour mais décidé à mener l’aventure jusqu’à son terme pour en rapporter la belle Excalibur, Jehan des Roselières, son écuyer à ses côtés, pressa son bel étalon Etoile du Nord vers les brumes d’Avallon.

Son escorte comprenait les guerriers les plus redoutables du château.

Sur les créneaux de Fol Espoir, Dame Pervenche, son épouse, l’avait longtemps suivi du regard puis elle s’était arrachée à sa contemplation et avait rejoint ses compagnes, Capucine, Doria, Alexandra de Jésus et Josépha du Gosier pour établir des menus et les commandes qui s’y rattachaient.

Toutes furent d’accord pour éviter les tourments d’amour.

Ces pâtisseries faisaient voyager les chevaliers, provoquant de véritables séismes dans leur cœur avide de passion.

Préparons du pot au feu à base de jarret de veau, de paleron, de bœuf, de légumes du potager, d’os à moelle et de bouquets garnis avec un bel oignon piqué de clous de girofle.

Cette préparation nous aidera à présenter plusieurs repas, viandes et légumes en un premier temps, bouillon au tapioca ensuite et enfin hachis préparé à partir des restes de viande et passé au four avec une sauce blanche et de la moutarde, suggéra Capucine.

Adjugé ! dit Pervenche. Pour les desserts, nous leur servirons du pudding, des charlottes, du pain d’épices, des cakes et des tartes aux pommes.

Satisfaites d’avoir élaboré des menus susceptibles de satisfaire les chevaliers sans fouetter leur imaginaire compulsif, les dames se mirent en devoir d’envoyer les marmitons à la recherche des ingrédients nécessaires à la fabrication des plats et elles commencèrent à pétrit la pâte qui serait la base de différents gâteaux cuisinés.

Dame Pervenche pensa à ce cœur en pâte feuilletée, fourré de crème pralinée  qu’elle avait enveloppé dans un linge parfumé à l’essence de rose puis placé dans les fontes d’ Etoile du Nord, destiné à son époux.

Il pourrait le savourer lors de la première halte puisqu’elle avait mis l’écuyer dans le secret.

Albin de Watreloo, l’écuyer, apporta le cœur ardent et sucré à Jehan des Roselières et ce dernier caressa ce message feuilleté avant de le déguster.

Chaque bouchée lui offrait une parcelle du corps si désirable de sa Pervenche bien aimée et lorsque le cœur feuilleté se fondit en lui, il éprouva une sensation voisine de la déchirure et du plaisir assouvi.

Il mit un terme à la halte qui lui avait permis de retrouver la fleur charnelle de sa dame.

Il repartit, galvanisé par le désir de tirer Excalibur de son fourreau d’écume.

Parvenu avec son escorte sur les rives de la mer qui bordait l’île d’Avallon, il avisa un passeur qui se montra disposé à emmener les chevaliers et leurs gens par petits groupes jusqu’aux abords du dernier refuge du Roi Arthur.

Un tiers des hommes resta à terre pour garder les chevaux et servir d’appoint, le cas échéant.

Quentin de Trégastel, chargé du commandement des guerriers appréciés pour leur sagesse et leur sens stratégique, fit construire des abris pour les hommes et leurs montures.

Des soldats cuisiniers firent un feu au-dessus duquel on suspendit une crémaillère où mijotèrent viandes, légumes et plantes tubéreuses qui apportèrent l’onctuosité nécessaire à l’ingestion des plats revigorants.

Des jeunes filles d’un village voisin leur apportèrent des pains cuits au feu de bois, des pichets de vin et des brioches dorées qui rappelèrent à tous les délices dégustés au château.

Ces jeunes paysannes promirent de revenir le lendemain et de leur apporter à nouveau du pain, du vin et des douceurs.

Pendant ce temps, Jehan des Roselières et ses compagnons d’armes progressaient dans la conquête du château de brume.

Ils eurent la chance d’apercevoir un véritable village de tentes et de constater qu’on les y attendait.

Un repas festif à base de poissons, servis grillés, pochés ou en cotriades, changea les convives habitués à des nourritures carnées.

Des galettes de sarrasin garnies d’œufs et de cubes de viande ou de fromage, accompagnées de cidre, de cervoise et de vin chaud enchantèrent les hommes peu habitués à ce genre de nourriture.

Des crêpes aux saveurs orangées ou citronnées, des palets de dame et des beignets aux pommes caramélisées clôturèrent ce repas qui sortait de l’ordinaire.

Jehan voulut féliciter les cuisiniers et les organisateurs du repas.

C’est alors que l’on vit arriver une ronde de petites fées et de korrigans.

Rien d’étonnant, se dit Jehan, nous sommes en pleine féerie et je crois que cette île d’Avallon nous réserve bien des surprises.

Pour leur faciliter le sommeil, les lutins et les fées leur servirent des tisanes parfumées à la mélisse, au tilleul ou à la camomille ainsi que de petits gâteaux joliment nommés langues de chats et des tartelettes à la praline rose.

Des tentes préparées pour la nuit étaient pourvues de duvets qui plongèrent les hommes, repus et reposés dans un sommeil réparateur.

Le lendemain, après une collation de pain chaud, de lait au miel et de suppléments à base d’œufs à la coque et de crème aux amandes, les hommes de Jehan se déployèrent en colonnes, Albin de Watreloo brandissant l’oriflamme de Fol Espoir où l’on avait brodé une pervenche festonnée d’or.

Jehan des Roselières, son écu à la main, progressait méthodiquement en observant prudemment les alentours.

Un château qui semblait sculpté dans les nuages apparut au détour d’un chemin.

Des hérons, des aigrettes et des flamants roses apparurent sur les créneaux des tourelles, soulignant l’aspect mystérieux du château.

Le pont levis s’abattit, invitant les guerriers à pénétrer dans le fort légendaire de l’île.

Une jolie fée les accueillit et les invita à entrer dans le salon d’apparat.

Une fois installés par la maîtresse de maison, ils savourèrent une noria de pains aux noix, fourrés d’une farce de champignons poêlés et de fromage frais.

C’est la surprise de Merlin dit une voix forte.

Un chevalier de haute taille, aux longs cheveux argentés cascadant sur ses épaules, était apparu dans la pièce, ce qui arracha un cri aux hôtes : Arthur !

Arthur, car c’était bien lui, décidément immortel et peu enclin à se séparer d’Excalibur, son épée magique, prit place aux côtés de Jehan des Roselières et les deux chefs se parlèrent longtemps, savourant au passage les délices que l’on servait à la Table Ronde de Kaamelot.

Alors que l’on servait une couronne briochée décorée de fruits confits, un personnage légendaire fit une entrée spectaculaire, arborant fièrement une épée qui ressemblait étrangement à Excalibur.

C’était Merlin, bien entendu, et il offrit l’épée magique à Jehan des Roselières en lui disant que puisqu’il avait un frère jumeau, Fleur des Genêts, il pouvait également avoir une épée jumelle d’Excalibur.

Arthur lui enjoignit de garder le secret.

Personne ne doit savoir qu’il existe deux épées similaires.

Tâche, Jehan, de conduire des expéditions victorieuses, ton épée Excalibur à la main !

Tu entreras ainsi dans la légende, réussissant là où j’ai échoué !

Un banquet exceptionnel, à la mode d’antan, fut offert à tous et après une nuit paisible, Jehan des Roselières prit congé de ses hôtes avec ses compagnons.

Korrigans et autres personnes féeriques avaient mis des barques à leur disposition et des bateliers les emmenèrent de l’autre côté de la mer.

Albin de Watreloo fit sonner de la trompe et les deux corps d’armée se ressoudèrent, heureux de revenir à Fol Espoir avec l’épée prodigieuse du Roi Arthur.

C’est dans ce climat de bonheur et de confiance que chevaliers et guerriers prirent la route du retour, l’oriflamme Pervenche flottant fièrement au vent !

 

 

 

 

 

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