jeudi 31 juillet 2025

Amour en fleurs

 




«  Mon histoire

C’est l’histoire d’un amour

Ma complainte

C’est la plainte de deux cœurs

Un roman comme tant d’autres

Qui pourrait être le vôtre

Gens d’ici ou bien d’ailleurs

C’est la flamme

Qui enflamme sans brûler

C’est le rêve

Que l’on rêve sans dormir

Un grand arbre qui se dresse

Plein de force et de tendresse

Vers le jour qui va venir ».

Eveillé par le chant provenant d’un coquillage géant apparu dans son rêve, Vincent Niclo se préparait à embrasser cette belle d’amour lorsqu’il se rendit compte qu’elle existait dans les nuages.

Il se promena en bord de mer, espérant qu’elle se matérialise et le miracle se produisit.

Il vit venir à lui une tahitienne vêtue de fleurs, de coquillages et d’un jupon en feuilles de bananier.

Elle se déhanchait en dansant le tamouré et elle entraîna le chanteur au rythme de l’amour.

«  C’est l’histoire d’un amour éternel et banal

Qui apporte chaque jour tout le bien tout le mal

Avec l’heure où l’on s’enlace

Celle où l’on se dit adieu

Avec les soirées d’angoisse

Et les matins merveilleux ».

Le charme se perpétua et Vincent décida de s’en tenir à la dernière proposition «  les matins merveilleux », évitant les étreintes qui pourraient détruire le costume de sa belle. Il fit bien car lorsque la vahiné disparut rejoindre son nuage, il se trouva encensé par un groupe d’admirateurs qui le prièrent de reprendre son chant, ce qu’il fit de bonne grâce car telle était sa destinée, perpétuer le bonheur d’aimer !

Le faucon d'or

 

 

 


Après le départ d’Erwan et un temps de repos nécessaire à la remise en marche de son horloge interne, Fleur de lune reprit ses activités.

Elle explorait méthodiquement le bord de mer, ne laissant filer aucune source exploitable sur un plan gastronomique ou artistique.

Un jour, alors qu’elle traquait impitoyablement un crabe dissimulé sous une roche, un oiseau aux reflets dorés, un faucon, se posa sur sa main.

Le crabe eut la vie sauve car Fleur de lune se releva, le faucon d’or au poing, pour regagner sa demeure.

Le faucon trouva sa place sur un pouf en cuir fauve, cadeau du prince Abdallah.

Ce choix fit sourire Fleur de lune avec un brin de mélancolie car elle n’avait aucune nouvelle du prince, disparu mystérieusement lors d’une chasse au faucon. Melchior n’avait pas donné signe de vie, ce qui ne lui ressemblait pas. Le faucon prit alors la parole :

« Ne t’inquiète pas ; le prince n’est pas à une ruse près pour briser la monotonie des jours. En ce moment, il est peut-être en train de voguer sur les mers pour te rendre visite ».

Sur ces mots, le faucon se volatilisa, laissant une pépite d’or sur le pouf.

C’est un curieux sortilège pensa Fleur de lune puis elle prépara une cotriade avec les poissons du jour achetés à un pêcheur et les coquillages ramassés sur la grève. Elle fit également une tombée d’oignons rosés de Roscoff, prête à parfumer une omelette pour le cas où un visiteur se présenterait.

Ce travail achevé, elle dessina de mémoire le faucon d’or, le croquant sous divers profils. L’effet était si saisissant qu’elle voulut fixer ce souvenir fantastique sur une toile.

Le lendemain, elle aperçut au loin la voile d’un navire s’apparentant à une felouque. Un faucon se détachait sur le lin de la voile blanche, noir avec des flammes rouges.

Elle put enfin distinguer la silhouette du prince Abdallah portant fièrement un burnous de prix qui le protégeait des embruns.

Lorsqu’il mit pied à terre, il étreignit Fleur de lune sans plus de façon :

«  Comme je suis heureux de vous revoir, ma mie. Je n’ai pas cessé de penser à vous. J’ai simulé mon propre enlèvement pour échapper à un mariage que mes conseillers avaient organisé. Je me suis rendu compte que je n’éprouvais aucune inclination pour l’épouse que l’on me destinait malgré ses nombreuses qualités, ses titres de noblesse et sa grande beauté. Votre gentil visage s’imposait à moi et je croyais vous voir dans chaque nuage ourlé de rose passant dans le ciel. Me voici donc et je serai enchanté de goûter l’un de vos plats. Mes serviteurs déballeront tout à l’heure les cadeaux que je vous réserve ».

Fleur de lune se réjouit d’avoir eu l’idée de préparer un repas de sorte qu’ils purent se régaler des produits de la mer et de la Bretagne réunis.

Une pyramide de dattes et de gâteaux au miel venus du navire conclurent ce repas de fort belle manière.

Danseuses et musiciens appartenant à la suite du prince offrirent un spectacle auquel Fleur de lune prit un plaisir immense.

Lorsque la fête fut terminée, le prince présenta un coffret empli de bijoux somptueux qu’il remit à sa dame d’amour, ajoutant la touche finale, une bague en or ciselé portant ses initiales et sa couronne princière.

Fleur de lune s’éclipsa et revint peu après pour donner à son prince l’anneau de jade qu’elle destinait à son époux.

Un nuage les enveloppa et ils s’endormirent en rêvant qu’un faucon d’or veillait sur eux.

Erwan le valeureux

 


Un matin, Fleur de lune aperçut un voilier s’approchant de la crique pour y mouiller. Elle fut frappée par la principale voile du navire qui arborait en son centre un énorme triskel, ce symbole celtique reposant sur les trois positions du soleil, le lever, le zénith et le coucher.

S’attendant à recevoir de la visite, elle prépara des bocaux de soupe à l’oignon rosé de Roscoff, un plat d’agneau cuit à la broche et des flans à la noix de coco.

Elle avait à peine terminé ses préparatifs qu’Erwan le valeureux pêcheur qui avait échappé à la tempête heurta le marteau en forme de main fixé sur sa porte pour signifier son amitié.

Fleur de lune découvrit avec bonheur le pêcheur qui avait une seconde fois franchi la barrière océane pour lui rendre visite.

C’était un homme de belle apparence. Ses cheveux bouclés étaient attachés derrière la tête par un ruban. Ce catogan lui allait à merveille, encadrant un visage aux traits réguliers ; il avait de beaux yeux bleus.

Il portait une vareuse blanche, un pantalon corsaire et des bottes.

Se débarrassant de ses bottes il chaussa des sabots finement décorés et entra chez celle dont chacun vantait les talents culinaires et artistiques dans le monde marin.

Il fit honneur au délicieux repas servi par son hôtesse puis lui exposa la raison de sa venue.

Il voulait tout d’abord la remercier d’avoir sauvé sa cargaison d’oignons en les valorisant de belle manière. Il rapportait une autre caisse ainsi que des denrées typiquement bretonnes congelées : kig ha farz, cotriade, galettes de sarrasin, crêpes fines, kouing amann de Douarnenez, gâteau breton. Il avait ajouté à ce pack gourmand de la vaisselle de Quimper dont les motifs variés et stylisés mettaient en valeur les scènes de vie paysanne.

Fleur de lune, subjuguée par ces œuvres d’art jura qu’elle s’en servirait au quotidien : «  Présentées dans ces merveilleuses soupières, les veloutés d’oignons rosés de Roscoff et la cotriade de Douarnenez n’en auront que plus de saveur et que dire des crêpes et du kouign amann valorisant les plats à gâteaux ? Grâce à cette vaisselle de toute beauté, la Bretagne sera au cœur de cette terre jadis vouée aux cratères et aux rocs ».

Les remerciements de la jeune femme étaient d’une telle authenticité qu’Erwan empoigna sa harpe celtique pour interpréter un Tri Martelod convaincant :

«  Trois jeunes marins, tra la la la

Trois jeunes marins s’en allant voyager

Conduits par le vent tra la la la

Conduits par le vent jusqu’à Terre Neuve

Près des pierres du moulin tra la la la

Près des pierres du moulin ils ont mouillé l’ancre ».

Sur cette romance évoquant l’histoire bretonne dans son essence profonde, Fleur de lune servit un merveilleux café en utilisant l’un des services venus de cette terre généreuse habitée par des personnes à l’âme noble.