mardi 1 juillet 2025

Le voile de Salomé

 



Salomé s’était fait une spécialité des voiles de mariée dans son village où fleurissait l’artisanat.

Toute jeune fille préparait le grand jour en retenant son voile chez la spécialiste de cet ornement de rêve en  garantissant  son originalité.

La beauté et la délicatesse du thème retenu faisaient du voile l’élément onirique propice à la solidité du couple.

Pensant à son propre mariage, Salomé passait ses heures de liberté à broder le sien. Cœurs, lys et roses entrelacés formaient le symbole de ce voile d’exception.

Lorsque son voile fut terminé, Salomé annonça au village qu’elle se donnait un an pour trouver l’élu de son cœur.

«  Je passe toutes mes journées à broder expliqua-t-elle et de ce fait, je ne trouverai jamais l’opportunité de faire une rencontre décisive ».

Plusieurs jeunes gens protestèrent et se mirent sur la liste des prétendants possibles mais Salomé les remercia gracieusement en leur disant que des demoiselles les attendaient, le cœur battant.

Elle ferma donc sa boutique et partit à l’aventure, une sacoche Mary Poppins et une ombrelle à la main.

Elle s’enfonça dans une zone boisée, faisant halte parfois pour dessiner une fleur, un papillon ou un oiseau qui serviraient à constituer le décor de voiles nouveaux.

Un soir, elle rencontra une licorne ce qui lui permit d’exaucer un rêve, la création d’un voile fantastique destiné à une mariée d’exception.

«  Bonjour, Salomé lui dit la licorne, je t’attendais ; je suis la messagère de la reine Nour : elle a fait dire à ses prétendants qu’elle choisirait son époux lorsque son voile de mariée serait achevé. Elle voulait que cette pièce d’exception fût réalisée par une fée de l’aiguille à broder nommée Salomé.

C’est me faire beaucoup d’honneur dit la jeune fille ; j’espère être à la hauteur des attentes de la reine Nour dont le nom est synonyme de lumière. Si elle y consent, des lucioles et des libellules émailleront son voile et nous déterminerons ensemble le thème central ».

Le voyage sur le dos de la licorne fut bref et Salomé se trouva bientôt au pied d’un palais en forme de bouton d’or.

On la reçut avec faste. La reine Nour se montra sous ses plus beaux atours et le repas du soir porta l’étiquette royale sous toutes ses formes.

Soupe aux truffes, quenelles de brochet sauce Nantua, volaille de Bresse en croûte de sel, signés Paul Bocuse, Jeune pigeon de Vielle-Tursan en « bécasse », Asperges Rêves des Landes et entremets Nuage du Marquis de Béchamel portant la griffe Michel Guérard firent de la table de la reine Nour le livre d’or de la gastronomie.

Salomé fut sensible à ce déploiement fastueux, goûtant quelques plats avec parcimonie afin de garder la main sûre pour lancer le voile au petit jour. Nour fut sensible à cet argument et elle conduisit sa prodigieuse invitée dans la suite qui lui était réservée.

Salomé esquissa une révérence et se mit rapidement en devoir de passer une bonne nuit propice à la qualité de son ouvrage d’exception, le voile de mariée d’une reine.