dimanche 30 novembre 2025

Le Prince Rossignol

 

 

 


Le Rossignol de l’Empereur se réincarna en un beau prince aux cheveux de jais et au teint de pêche.

Entouré par de fidèles samouraïs, il partit accomplir une mission secrète, trouver le tombeau du dernier empereur amoureux de la nature, des fleurs et des pierres précieuses qui orneraient son palais.

Chevauchant dans les plaines, le prince et les samouraïs finirent par arriver dans une vallée perdue où planaient des faucons.

Liu San, le prince rossignol, mit la main sur un tombeau de marbre où apparaissait le portrait de l’empereur, un rossignol perché sur son épaule.

Le prince fit déposer des gerbes de fleurs puis il pria pour que l’empereur redonne au royaume le goût des arts, de la peinture, de la musique et des manuscrits enluminés qui chantent l’amour de la terre et de ses trésors.

Une petite main se posa sur la sienne. C’est un petit garçon aux grands yeux lumineux, ombrés de cils soyeux qui recherchait son soutien.

Comme le petit prince, il voudrait un ami et il pense l’avoir trouvé au pied du tombeau de l’empereur.

Le petit prince aux yeux d’Asie se mit à chanter et aussitôt tous les oiseaux du ciel formèrent l’esquisse d’un cœur qui se mit à battre au rythme d’un tambour céleste.

Les chœurs de jeunes vierges strièrent le ciel et dans un éclair azuré, une jeune princesse sortit du groupe et rejoignit le tandem princier qui priait auprès du tombeau.

La princesse Pivoine Céleste s’agenouilla près du prince qui la releva délicatement pour la prendre dans ses bras et l’enlacer tendrement.

Le couple et l’enfant, escortés par les samouraïs s’en allèrent vers le palais de marbre où les serviteurs avaient préparé un festin en leur honneur.

Les rossignols chantaient dans les jardins pour leur souhaiter la bienvenue.

Les samouraïs occupèrent les habitations réservées à leur usage et ils se vêtirent de tenues d’apparat pour apparaître, majestueux et ténébreux à la table d’honneur où une ronde de plats circulait parmi des hanaps de boissons épicées au goût de miel.

Liu San et Pivoine Céleste s’unirent pour rendre au royaume perdu sa magnificence et en attendant l’enfant qui ne tarderait pas à naître, ils chérirent celui que leur avait envoyé les rossignols.

Renouveau

 

 

 

Les jours s’égrenèrent au château de Beauregard avec une certaine mélancolie.

Laura sema des fleurs nouvelles dans le jardin d’amour et fit ériger une gloriette à l’emplacement de la rencontre fabuleuse qu’elle avait connue avec Gabriel d’Occitanie et elle broda de ses mains une tenture qui lui rappellerait leurs premiers baisers.

Il lui arrivait de se perdre volontairement dans la forêt de Brocéliande pour y trouver une forme de paix liée à l’aventure.

C’est ainsi qu’elle fit la connaissance d’un ermite et qu’elle prit plaisir à l’écouter.

Il parlait de manière énigmatique mais elle parvenait à décrypter ses messages.

Elle commanda une harpe celtique et entreprit de jouer de ce bel instrument qui épousait le vent.

Des sons mélodieux s’échappaient du jardin et à la demande de tous, elle fit également installer une harpe dans la pièce principale du château afin d’élever l’âme des habitants.

En se promenant à nouveau dans la forêt, elle fit une singulière rencontre : un enfant blond aux longs cheveux bouclés cascadant sur ses épaules et aux magnifiques yeux d’émeraude semblait chercher âme qui vive.

Il déclara se prénommer Dylan et selon ses dires, ses parents avaient disparu à son réveil.

Laura l’emmena au château, lui attribua une jolie chambre exposée au soleil et entama des recherches sur sa famille.

Dylan était doué pour le dessin et il réalisa des portraits signifiants de ses parents et une belle esquisse de leur château naquit de ses pinceaux.

Un guerrier de la troupe de Laura identifia ce château pour être celui de Bellerive, un château si beau qu’il avait attisé les convoitises de nombreux malfrats, toujours prêts à vouloir s’emparer des biens d’autrui dès que la défense baissait sa garde.

On se rendit en nombre au château et c’est malheureusement pour découvrir qu’il avait été dévasté et quasiment incendié après un pillage rigoureux.

Dylan constata les dégâts avec tristesse et se souvint alors d’un pan de sa jeune vie qu’il avait occultée : sa mère l’avait réveillé en pleine nuit, l’avait vêtu à la hâte et ils s’étaient enfuis par une porte dérobée du château tandis que son père combattait avec ardeur pour chasser les malandrins.

Sa mère, la belle Yveline, avait décidé de faire une halte dans la forêt de Brocéliande qu’elle connaissait à merveille. Au réveil disait-elle, nous chercherons du secours.

Mais lorsque Dylan s’était réveillé, sa mère avait mystérieusement disparu et ses appels désespérés n’avaient trouvé aucun écho.

« Nous la retrouverons, Dylan, je te le promets » dit Laura et je vais entreprendre toutes les recherches nécessaires pour cette entreprise.

Ils revinrent au château de Beauregard et la jeune femme se promit de rester sur ses gardes et de prolonger les heures d’entraînement guerrier car il s’avérait que les châteaux, aussi fortifiés qu’ils puissent être, suscitaient la convoitise de ceux qui n’avaient pour tout objectif que leur fortune personnelle.

Dans cette attente, Laura initia le jeune Dylan au métier des armes et elle fit venir un précepteur au château pour qu’il lui inculque la beauté des Lettres, de la poésie et des mathématiques.

Dylan eut également un professeur de dessin et de peinture, ce qui lui permit de réaliser de magnifiques tableaux représentant sa famille et son château en pleine gloire mais il fit également une aquarelle qui mettait en valeur la beauté singulière de Laura et ce tableau figura à la place d’honneur de la salle de réception du château aux côtés de la harpe dont il apprit également à jouer.

Au fil des jours, la peine de Laura s’amoindrissait et elle connaissait un regain de vitalité grâce à la présence de cet enfant qui lui offrait une seconde vie.

Fleur Désir

 




«  Mon amour, ma fleur des îles aux grands yeux turquoise, je rêve de plonger à la source de ton être pour en extraire le joyau rare, la Fleur Désir dont je respirerai toute ma vie l’incomparable parfum de santal et de rose ».

Ces mots ouvraient le livre du mystère dont Louis découvrait la trame romanesque en interrogeant son corps enfiévré.

Sa plume volait sur le parchemin et il était littéralement en transes.

Père Emile s’inquiéta un peu de le voir s’écarter du chemin de Damas puis il pensa avec sagesse que son filleul était un jeune homme et que tout amour conduisait à Dieu.

Rassuré, il excusa l’absence du romancier au séminaire sur Saint Paul qui touchait à sa fin en disant qu’une frénésie d’écriture lui était venue.

Le moment du départ se profila.

Par chance, Père Emile n’eut pas à prendre une douloureuse décision car Lilwenn le prit de court en lui demandant la faveur de garder auprès d’elle le jeune homme qui avait illuminé sa vie.

Les deux hommes se séparèrent avec émotion. Louis promit de donner de ses nouvelles régulièrement puis il partit, le cœur léger, vers l’hacienda somptueuse de sa promise.

Lilwenn lui avait préparé une suite confortable et propice à l’écriture.

Des liens se tissèrent au fil des jours.

Louis participait aux travaux quotidiens de la journée.

Afin de calmer ses ardeurs juvéniles, il seconda le jardinier, maniant la hache et la cisaille avec entrain.

Ensuite, les jeunes gens se promenaient, main dans la main, dans les environs dont ils devinrent bientôt les mascottes.

On aimait les amoureux dans ce pays cajun propice au rêve.

Louis et Lilwenn emportaient un carnet d’écriture et parfois, ils s’asseyaient sur un banc afin de noter les phrases vagabondes qui leur venaient au rythme de la marche.

Dignes émules de Jean-Jacques Rousseau, l’auteur des Rêveries du promeneur solitaire, ils allaient au gré de leur fantaisie, suivant les nuages ourlés de rose ardent.

Louis se procura les œuvres de Rabindranath Tagore, les dévora passionnément et réussit à trouver une harmonie en unissant le chantait d’amour qui grondait en lui à la manière d’un geyser et la sagesse conduisant à Dieu.

La trame de son essai amoureux ainsi fixée, il noircit de nombreuses pages le soir.

Fleur Désir put paraître en même temps que le livre de Lilwenn, le chevalier d’or, roman inspiré par l’homme dont elle était amoureuse.

Leurs œuvres croisées, à la manière de Louis Aragon et Elsa Triolet, emportèrent les suffrages des habitants de la Louisiane.

Assurés d’être faits l’un pour l’autre, ils franchirent le pas décisif en annonçant leurs fiançailles.

Père Emile fut enchanté. Il fit le voyage pour bénir leur union. Par ailleurs,  il félicita son filleul pour la qualité de son essai.

«  Quoique profane, il pourra être diffusé dans les diocèses et chacun reconnaîtra en toi le doigt divin posé sur ton front » dit-il avec émotion.

C’est ainsi que Louis et Lilwenn ouvrirent le grand livre de leur vie conjugale, heureux de s’être trouvés après avoir tant erré sur les chemins sinueux de la vie.

samedi 29 novembre 2025

La jeune femme à la voilette

 





Au temps où les voilettes étaient à la mode, une jeune femme fit sensation en remplaçant cette dentelle par une plume de faisan, ce qui lui donnait un charme fauve.
C’est dans cet accoutrement qu’elle rencontra le roi des oiseaux qui lui fit grief d’arborer un attribut de l’un de ses sujets. « Contentez-vous des fanfreluches habituelles et laissez ces plumages qui ne vous appartiennent pas » lui dit-il sévèrement mais pour le faire mentir, un jeune homme vêtu de velours dont le chapeau était orné d’une magnifique plume, à la tyrolienne, apparut au bout du chemin et fit entendre un chant ancestral qui mit en fuite le roi des oiseaux. Une fois de plus, les hommes ont gagné pensa-t-il amèrement, laissant le couple se former, esquisser une danse pastorale et enfin se laisser aller aux douces rêveries d’un amour naissant.
La jeune femme fit serment de laisser le vent caresser son visage en toute liberté et dorénavant elle ne sortit plus sous le refuge d’une voilette ou d’une plume d’oiseau. Quant à son bel amant, il se débarrassa à son tour, de tout cet attirail destiné à plaire aux jeunes filles car il l’avait trouvée, sa douce dame aimante. Il préféra le collier de ses bras à toute parure, bien inutile jusqu’à ce que le destin les sépare.

vendredi 28 novembre 2025

Zohra, la reine de l'oued perdu




Dans un oued présent dans la mémoire des amoureux régnait Zohra aux yeux d’amande.

Elle aimait se retirer dans sa tente spacieuse tapissée de chefs d’œuvre venus d’Ispahan et décorée de coussins brodés en provenance de la Chine.

Son service en porcelaine estampillé dans une manufacture du royaume de France donnait une touche d’élégance et de finesse à son intérieur douillet.

Les cuisiniers s’affairaient autour de braseros, de fours artisanaux installés près d’un cours d’eau où nageaient des poissons destinés à aromatiser de précieux bouillons.

Des marmitons cuisaient de généreux quartiers d’agneau badigeonnés de miel , des cuisinières préparaient une soupe délicieuse, la chorba, véritable donatrice d’énergie.

«  Qu’attendons-nous ? dit un enfant ; Personne, mon petit, mais n’en profite pas pour salir ton bel habit de fête en jouant aux osselets » .

Aicha, la cuisinière en chef avait à peine fini de parler qu’un dragon surgit dans l’oasis, semant l’épouvante et le trouble.

Le dragon rassura tout le monde en se métamorphosant en prince oriental vêtu de soie et coiffé d’une toque en velours surmontée d’une aigrette en diamants.

Il se dirigea vers la tente de Zohra, lui présenta ses hommages et lui offrit un coffret à bijoux où l’on pouvait admirer un sautoir en perles fines, des broches, des bracelets et des colliers en tout genre savamment ornés de pierres fines et de diamants façonnés en rosaces.

La reine accepta le présent,  promettant au prince de lui réserver un cadeau inédit en retour. Elle l’invita à prendre place à ses côtés et déclencha les débuts d’une collation généreuse en réclamant des sorbets à l’eau de rose.

Cette entrée en matière achevée, on fit honneur à la chorba où l’orge perlé, la viande séchée et la coriandre déployaient leurs parfums.

La saveur de ce mets était telle qu’on aurait pu s’en tenir là mais Zohra voulait honorer son invité ; c’est pourquoi des plats prestigieux se succédèrent, parts de méchoui, couscous, dattes et noix fourrées aux amandes, pastilla à la rose et gâteaux orientaux au miel.

Du thé au jasmin aida à la digestion et pour conclure le repas de belle manière, Zohra fit venir ses musiciens et ses danseurs pour un spectacle enchanteur.

Le prince dragon demanda ensuite la permission de se retirer et pour ne pas encombrer l’oued où chaque pouce de terrain était utilisé, il s’envola sous son apparence de reptile.

Il creusa son aire dans une île voisine et s’endormit en rêvant au moment choisi où il pourrait serrer la divine Zohra dans ses bras.

Pour cela, il fallait qu’il rompe le sortilège qui l’obligeait à apparaître sous la forme d’un dragon, répulsif en cas de cour passionnée auprès d’une dame.

jeudi 27 novembre 2025

L'homme aux yeux de loup

Il était une fois un homme aux yeux de loup. Chaque nuit, il rêvait d’une fontaine bleue où l’attendait une nymphe vêtue de mousseline blanche brodée d’or.

Dès qu’il s’approchait d’elle, son corps se métamorphosait jusqu’à devenir un loup à visage humain ; à cette vue, la nymphe disparaissait, laissant derrière elle d’adorables oiseaux qui chantaient en accompagnant le murmure de l’eau.

Déçu, notre homme se lavait le visage et retrouvait son aspect habituel.

Les oiseaux chantaient des airs si mélodieux que le jeune homme, en s’éveillant, croyait être au paradis.

Or un jour, le scénario subit une modification : loin de s’enfuir, la nymphe lui tendit les bras et les oiseaux se blottirent dans leurs chevelures jumelées. De petites fées parsemèrent de fleurs de jasmin, roues solaires du désir, leurs vêtements brodés.

Les deux amants s’assirent au pied d’un olivier centenaire et échangèrent baisers et serments.

Au terme de cette folle journée, ils s’unirent dans une cascade de volupté bleutée de saphirs, d’une eau si pure qu’ils furent aspirés par la fontaine.

Le bleu du monument provenait de l’union sacrée d’amants éperdus, toute une lignée de princes et princesses du désert pour que vivent éternellement les roses de la beauté !