Le bois charmant méritait son qualificatif : la
clairière avait été aménagée pour pallier les intempéries ; un village de
toile digne du Camp du Drap d’Or établi par François Premier pour recevoir
Henri VIII d’ Angleterre avait été conçu pour célébrer le poète de l’année.
Des tables rondes garnies de carafes de liqueurs, de fleurs
et de petits verres filés or charmaient les poètes dont on avait retenu les
textes.
Pancakes, crêpes, bricks garnis, fruits, cookies et madeleines
apaiseraient les petites faims en attendant le banquet final concluant l’élection
du prince des poètes.
La fée Rubis avait délégué ses pouvoirs à la fée bleue adepte
de la poésie.
Des orateurs se succédèrent. Des prix d’encouragement furent
décernés et les lauréats reçurent leur trophée, lyre d’argent, rose d’or,
statuette d’ivoire représentant la muse de la poésie lyrique, Erato, en
rougissant.
Les auteurs primés remercièrent les membres du jury et
attendirent que soit prononcé le nom du vainqueur.
Marion et Mérovée du Hainaut n’avaient pas été cités. Leurs
chances demeuraient donc intactes. Ils se rencontrèrent autour d’une tarte aux
pommes dont les fées découpaient des parts.
En savourant cette pâtisserie d’automne, ils échangèrent des
propos nuancés de poésie et chacun apprécia la finesse de l’esprit de l’autre.
Ils s’assirent sur un banc, à l’écart de la foule et
joutèrent à l’envi.
« Ma chère, si vous le souhaitez, je vous élirai ma
dame d’amour. Il me semble, à vous voir et à vous entendre que j’ai trouvé l’âme-sœur
que j’ai cherchée en vain. J’ai cru être amoureux de la fée Rubis mais je m’aperçois
aujourd’hui que c’était un leurre. Le destin m’a incité à concourir pour que je
vous rencontre, j’en suis persuadé à présent ».
Marion, au comble de l’émotion, s’apprêtait à répondre
lorsque la fée bleue annonça le nom du vainqueur. Il s’agissait d’un poète
classique, roi du sonnet. Les poèmes réunis dans un livre Les Cieux déracinés
étaient si beaux que l’azur s’était fendu en éclats de soleil libérant des oiseaux
de paradis.
Le poète couronné remercia le jury, la fée Rubis et son
adjointe la fée bleue puis il félicita tous les participants à la mise en
valeur d’un art parfois délaissé.
Couronné de roses, il repartit avec son trophée, une coupe en
porcelaine de Sèvres, un chef d’œuvre aussi accompli que sa poésie.
Nullement déçus de n’avoir pas été distingués, Marion et
Mérovée du Hainaut s’éclipsèrent discrètement pour abriter leur amour naissant
dans le manoir ducal de Mérovée.
Les invités de la poésie participèrent au festin final en
savourant des parts d’agneau de lait farci, rôti à la broche après avoir été
enduit de miel, d’haricots blancs en sauce et de salades composées.
Une lyre de caramel était posée sur des disques de génoise
fourrés à la crème et chacun se régala des parts servies par les fées et les
lutins.
La fée Rubis les remercia pour leur collaboration et promit
de lancer un nouveau concours l’année suivante sur un thème différent.
On chanta, on dansa, on dormit dans les tentes aménagées en
nids douillets et l’on se quitta, à regret, avec des souvenirs dans le cœur.