vendredi 11 mars 2016

Grand bal chez les fées






Sous la houlette de fées tutélaires, la fée des  Lilas, la fée Dragée et la fantasque fée Armagnac, il fut décidé à l’unanimité qu’un grand bal serait organisé dans la clairière du Val sans Retour afin de réunir les princesses du vingt et unième siècle.
«  Pas question de porter une tenue sportive. De la soie, des paillettes, des robes à frou-frou et si possible des éventails et des bijoux de nacre, d’argent et d’or ciselé ». Cette recommandation fit le tour de tous les royaumes, assortie d’un carton d’invitation avec jour et heure de la réunion.
De grands chefs furent priés de présenter un menu adéquat et finalement on retint des plats qui venaient du fond des âges.
-       Mignardises sucrées et salées.
-       Pâté en croute et salade de jeunes pousses.
-       Saumon farci à la crème d’oseille.
-       Gelée de fruits.
-       Charlotte royale.
On convint de ne pas servir de vin afin d’éviter tout incident fâcheux.
« Mais où sont les princes ? » dit la fée Armagnac, toujours désireuse de s’amuser et de rire.
« C’est ma surprise » dit la fée Dragée.
Le jour J arriva. Les princes portaient des masques vénitiens et il était impossible de distinguer leurs traits.
On mangea modérément car chacun voulait garder suffisamment de souffle pour danser.
L’orchestre attaqua La Valse d’Eugène Onéguine et la fée Dragée se laissa inviter par un prince pour ouvrir le bal.
Les couples se formèrent et un peintre s’empressa de croquer les plus charmants duos. La valse des fleurs emporta tous les suffrages et un couple particulièrement assorti se distingua. La princesse portait une toilette vaporeuse dans les tons turquoise et vieil or. Quant au prince, chacun s’accordait à penser que, sous le masque d’oiseau du paradis, le plus beau des visages apparaîtrait à la fin du bal mais à la déception de tous lorsque les musiciens reposèrent leurs instruments après un dernier fox trot endiablé, le prince disparut dans un nuage poudré d’ocre et nul ne put dire si un équipage l’avait emmené dans un royaume mystérieux.
Esseulée, la princesse Fleur de Lune vit se consolider des couples créés par le bonheur de la danse.
Néanmoins en jeune fille bien élevée, elle ne laissa pas sa déception éclater sous la lumière diffuse des lustres.
Elle s’éclipsa non sans avoir remercié le trio de fées qui se promit de se renseigner sur cet étrange invité.
Le lendemain, en récapitulant les noms des princes présents au bal, il s’avéra qu’un nom semblait usurpé. Un prince moldave avait reçu une invitation or ses excuses retardées par un enneigement subit arrivèrent au cours de la semaine.
Qui était donc la personne qui s’était présentée sous son identité ? Cette question hantait la princesse Fleur de Lune, avertie de l’usurpation présumée du beau prince qui l’avait tant émue.
Elle revivait les valses langoureuses, rêvant de plus belle au bel inconnu. Au bout de quelques jours, elle décida d’en finir avec ces vaines rêveries et reprit avec bonheur ses activités. Peinture, broderie, atelier de cuisine gourmande, lecture et poèmes illustres refirent surface au grand soulagement de tous.
Désireuse de composer un bouquet de fleurs des bois pour s’en inspirer, côté pinceaux et côté plume, elle fit une longue promenade à cheval et s’arrêta près d’un ermitage car les fleurs y étaient abondantes. Elle se laissa guider par son instinct, frappa à la porte et lorsque celle-ci s’ouvrit, elle se trouva nez à nez avec le prince de ses pensées. Elle le reconnut à sa prestance et à sa stature élégante, à nulle autre pareille.
Il était vêtu avec simplicité et cependant la majesté ressortait de son maintien.
Il la convia à prendre place dans la pièce principale, la servit en toute simplicité de brioches et de confitures ainsi que de bon lait crémeux. Après la collation, chacun attendit que l’autre parle et ce fut un silence charmant où les regards tenaient lieu de phrases bien inutiles. Tous deux se dirigèrent ensuite dans le parc de fleurs et chacun eut à cœur de composer de magnifiques bouquets.
Le prince se fit fort de les faire parvenir au château de la princesse afin de fleurir toutes les pièces.
Fleur de Lune promit au prince une belle réception donnée en son honneur en sa demeure avec la présence bienveillante de ses marraines les fées.
« Encore faut-il que je connaisse votre nom, dit-elle, non sans malice au prince de son cœur.
- Chère beauté, Fleur de Lune au nom prédestiné, sachez que je suis le prince Diamant, nom qui me fut donné pour honorer l’une de mes aïeules, la Reine Diamant, qui laissa son empreinte dans un royaume déchiré à qui elle rendit la paix.
Je n’avais pas été invité dans la mesure où je n’étais pas connu mais je présenterai aux fées les preuves de ma belle lignée car je dispose des écrits de la Reine Diamant, un ensemble instructif comprenant ses dessins d’enfant et les récits de ses aventures.
Je me suis présenté incognito et je dois dire que je ne l’ai pas regretté car, chère âme j’ai trouvé l’amour dans ce bal qui me promettait juste, au départ, un beau divertissement ».
Un silence délicieux flotta dans l’air parfumé par les jacinthes des bois les jonquilles, le muguet et des roses anciennes.
Le prince Diamant offrit à son aimée une broche en forme de pervenche sertie de petites pierres de turquoise et de quartz qui lui venait de la reine.
Fleur de Lune reprit le chemin du retour, pleine d’espoir et d’amour.
Au château, les préparatifs allèrent bon train. On invita les fées qui devancèrent l’invitation formelle afin de mettre une touche personnelle. Dragées, flacons d’armagnac, assortis de délicieuses confiseries nommées flocquins, bouquets de lilas envahirent toutes les pièces en jetant leur note plaisante sur les dressoirs, les buffets et les consoles.
Le menu fut des plus raffinés et rappelait, pour faire honneur au prince Diamant, les fastes de la cour royale de son aïeule.
Enfin le prince apparut, sous bonne escorte.
Il présenta le legs de la reine aux trois fées qui n’eurent aucune peine à l’authentifier.
Fleur de Lune le guida auprès d’elle. Un orchestre de sept musiciens joua quelques airs mélodieux dans l’attente de la mise en bouche assortie d’aiguières emplies de boissons aromatisées aux fleurs et aux fruits.
Le repas se déroula selon le protocole ancestral institué par les princes du domaine. Fleurs, fruits et légumes recherchés, parfois ciselés formaient un thème central. Au dessert, le prince Diamant demanda solennellement la main de la princesse et sous les hourras des convives, on célébra cette promesse d’amour car personne ne put se méprendre sur les souhaits de la princesse. Elle essuya une larme de joie et offrit sa jolie main ornée d’une bague et d’un bracelet en pierres de lune, la marque honorifique de sa famille, au prince qui la retint afin d’y ajouter son cadeau, une bague sertie de diamants qui avait appartenu à la reine.
Enfin ils se promenèrent dans les jardins en marchant lentement au rythme de leur amour naissant.
Les fées promirent d’organiser le plus beau des mariages dans le domaine de la fée Armagnac qui se jura de mettre  en œuvre de si belles fêtes que l’on en parlerait longtemps.

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