jeudi 31 mars 2022

La Môme Mimosa

 


C’est ainsi qu’on l’appelait, la môme Mimosa tant ses tenues flamboyaient comme le soleil ! Elle aimait coudre et broder des vêtements qui évoquaient ces fleurs semblables à des pierrots lunaires. Fanfreluches, pompons, bijoux fantaisie en topaze ornaient judicieusement ses toilettes et elle aimait porter des canotiers ou orner ses cheveux de coiffes somptueuses, jaune mimosa.

Son véritable prénom était Louise : le père Louis de Malebranche l’avait trouvée toute petite, enveloppée dans des dentelles anciennes, sur les marches de son église. Il l’avait baptisée, lui donnant son prénom puis il l’avait confiée à une veuve du village demeurée sans enfant.

La mère Célestine était une brave femme qui avait entouré la petite fille de tout l’amour dont elle disposait. De plus, Célestine était passée maître dans l’art de la couture, de la broderie et de toutes les manières dont on créait des accessoires de mode et patiemment, elle avait appris tout son savoir à la petite fille qui s’avéra être une élève modèle et qui surpassa ensuite sa mère adoptive.

On ne lui avait pas caché le côté obscur de ses origines mais elle s’en accommodait fort bien tant Célestine lui prodiguait de l’amour.

Lors de son adolescence, Célestine se préoccupa de l’avenir de la jeune fille en pensant qu’elle pourrait disparaître sans lui laisser les moyens de vivre décemment.

Elle lui offrit, par acte notarié, une maison qu’elle avait héritée de sa grand-mère dont elle avait toujours pris soin et qui faisait l’admiration des habitants du village.

C’était une jolie maison de briques roses entourée de mimosas qui, au moment de leur floraison donnaient un aspect féerique à cet ouvrage digne d’une fée.

En s’y installant, Louise voulut se confondre dans cet environnement enchanteur et elle créa une ligne de vêtements qui lui valut son surnom de Môme Mimosa. Coco Chanel des champs, elle devint sans le savoir la porte-parole des arbres fleuris et leur égérie.

Véritable muse du mimosa, elle relégua au second plan les fleurs dites royales, lys, roses et orchidées.

Une robe aurait mérité de figurer dans la panoplie de la princesse qui avait lutté contre les penchants incestueux de son père tant elle reflétait l’âme des fleurs de courte durée et flamboyantes, telles de petits soleils qui éclataient au jour.

Bientôt on surnomma Louise d’une jolie métaphore La Môme Mimosa car elle incarnait à merveille ces fleurs miraculeuses qui, au sortir de l’hiver, redonnaient à tous le goût de vivre et de se vêtir avec une forme de magnificence.

Robes, chapeaux et voilettes assorties, bijoux de fantaisie, broderies naissaient des mains de la couturière brodeuse de talent.

Son renom parvint à la cour et le jeune prince, désireux de connaître la personne qui trouvait à chacune de ses invitées une tenue originale, en harmonie avec son caractère ou ses titres de noblesse, toujours unique et merveilleuse, envoya un carrosse pour chercher l’artiste de talent qui faisait ainsi vibrer les âmes du bout de son aiguille.

Mimosa revêtit une robe qui lui seyait au plus haut point, plumetis, strass, perles et boutons aux couleurs soleil agrémentaient un tissu coupé dans une soie de rêve, feu et or.

Elle passa une cape sobre, prune et camélia de printemps pour faire honneur à la personne qui l’avait élevée et prit place avec beaucoup de naturel dans le carrosse.

Dès qu’elle arriva aux portes du château, elle vit un extraordinaire jeune homme vêtu d’un pourpoint d’or et argent qui l’invita solennellement à prendre son bras : c’était le prince Armand des Roselières et il lui fit en chemin un petit brin de cour qui fit monter le rose aux joues de la jeune fille, peu habituée au monde de la galanterie.

Banquet, bal et festivités en tout genre se succédèrent puis, en fin de soirée, le prince accompagna la jeune fille jusqu’à sa demeure.

Il demanda fort poliment à entrer dans la maison où vivait lui dit-il la fée des fleurs précoces et somptueuses.

Louise s’empressa de lui servir une préparation aux herbes odorantes, ce que le prince apprécia fortement :

« Ma chère Louise, vos talents sont si nombreux que je ne résiste pas à l’idée de vous proposer un poste à ma cour ».

Louise déclina l’offre en précisant qu’elle était enchantée de cette proposition mais qu’elle préférait demeurer dans la maison que lui avait léguée sa bienfaitrice.

«  De plus, ajouta-t-elle, j’ai besoin de cet environnement fleuri et choisi pour trouver l’inspiration de mes créations ».

Le prince dut admettre que le choix de la jeune fille était des plus sages.

Ils convinrent de se revoir au palais régulièrement.

Il n’y eut plus de bal ni de réception choisie : le prince recevait la jeune fille en tête à tête et lui proposait de se promener en sa compagnie dans les jardins qui étaient fort beaux et empreints de cette poésie qui fleurit dans les allées de l’amour.

Louise s’accoutuma peu à peu à la présence du prince et lorsqu’il lui offrit une bague topaze pour rappeler la couleur du mimosa elle sut qu’une demande en mariage suivrait et en cela, elle ne se trompait pas.

Les noces furent belles et sobres. La mariée apparut dans un fourreau couleur de miel drapé dans une dentelle de feu et chacun reconnut que les lettres de noblesse de la jeune épousée éclataient au grand jour puisqu’il s’agissait de son immense talent !

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