jeudi 9 mai 2013

La princesse Turquoise





Il était une fois une princesse qui refusait toutes les propositions de fiançailles venues des princes proches de son royaume. À l’abri dans les murs ocre de son palais, Batoucha, belle parmi les belles justifiait ces affronts infligés à des jeunes gens de qualité et de belle prestance par la révélation de son magicien personnel : elle ne devait accorder sa main qu’au prince capable de faire surgir un lac en plein désert et de lui offrir un palais de marbre couleur turquoise où le soleil viendrait se mirer et renvoyer ses rayons à travers le prisme de joyaux diamantaires.
Chacun rit sous cape à l’énoncé de ce sortilège impossible à réaliser et les princes furent soulagés d’avoir été éconduits par une princesse aussi fantasque et ils se tournèrent vers d’autres partenaires pour convoler en des noces prospères.
Il n’en resta qu’un : s’inclinant devant sa reine, la main sur le cœur, il lui jura de parcourir le monde pour trouver le palais de Turquoise et il partit en emportant pour talisman le foulard de soie de l’élue de son âme.
Les années passèrent, le prince ne revenant pas, Batoucha en déduisit qu’il était mort ou qu’il avait rencontré une femme plus belle qu’elle n’était, ce qu’elle trouvait tout à fait insupportable.
Craignant que les quolibets dont elle commençait à faire l’objet ne détruisent son royaume, elle ordonna que l’on selle son vaisseau du désert, Nuage Bleu et rassembla une petite escorte pour partir à la rencontre de son destin. Ils s’enfoncèrent dans le désert, se reposant la nuit en un bivouac improvisé. Batoucha était infatigable car elle croyait en son étoile. Elle était certaine qu’un lac réservé aux flamands roses surgirait du désert et qu’elle découvrirait ensuite le palais bleu.
Comme il lui paraissait fade, son palais natal, construit avec la terre de son royaume. Même si les sculptures étaient absolument admirables, cette habitation ne lui semblait pas digne de sa beauté. Poursuivant son idéal, elle notait à peine la fatigue de son escorte. Certains notables se groupaient dès qu’ils le pouvaient pour fomenter une révolte tant cette marche désespérée leur semblait détestable.
Alors qu’un audacieux venait de prendre la décision de poignarder la princesse tyrannique dans son sommeil, un nuage bleu se forma, en dispersant les cendres du bivouac.
Batoucha enfourcha Nuage Bleu et suivie de deux amis fidèles quitta ces lieux, abandonnant les conspirateurs à leur sort. L’aube se leva sur un paysage souriant. Une oasis s’offrait à leurs yeux éblouis. Ils y furent accueillis en hôtes de marque. Un bain salvateur leur enleva toute fatigue et le banquet leur restitua toutes leurs forces et leur bel enthousiasme.
Poulets farcis aux amandes cuits en tajine, gâteaux au miel et tranches de melons parfumés à la fleur d’oranger régalèrent les convives, à l’abri du vent de sable sous une tente où l’on servit ensuite le rituel thé à la menthe assorti de loukoums et de cornes de gazelle.
Après ce véritable festin, Batoucha demanda à se reposer, ce qui lui fut accordé. Allongée dans un hamac sous une tente royale, elle se laissait aller à une douce rêverie. Elle eut l’impression de voir un tapis volant mais pensa qu’il s’agissait d’un rêve. Lorsqu’elle découvrit en s’éveillant un paysage qui se déroulait comme un ruban, elle réalisa enfin qu’elle vivait un moment exceptionnel et féerique.
Le tapis finit par ralentir et la déposa, ô merveille, sur les marches d’un palais couleur turquoise où des diamants étincelaient. La prédiction était en partie réalisée. Il n’y manquait que le lac « Venez, princesse, le lac vous attend » lui dit l’audacieux jeune homme qui était à la recherche de l’improbable royaume. Il lui prit galamment la main, lui fit traverser le palais de part en part et ils arrivèrent au bord d’un lac bleu où s’ébrouaient des flamants roses.
« Dorénavant, on vous nommera la princesse Turquoise » lui dit amoureusement son valeureux prétendant et il dévoila son identité : il était le prince de la pléiade et il était à la recherche de son passé et du royaume prédit à Batoucha dont il était épris. « Si vous le désirez, ô ma reine, vous deviendrez mon épouse et nous aurons de beaux enfants aux yeux couleur de lumière ; sinon je rejoindrai la constellation à laquelle j’appartiens pour y siéger auprès des étoiles de ma famille ».
Batoucha n’hésita pas longtemps. Adressant un regard langoureux au prince de son cœur, elle lui dit simplement « Je serai ta princesse Turquoise » et ils s’unirent dans un baiser fougueux. 

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