mercredi 1 juin 2016

Les Tulipots voient rouge





A l’approche du printemps, les Tulipots, notamment les plus jeunes, eurent envie de battre le pavé pour clamer leur colère. Imitant les Frondeurs qui menaient une lutte intestine à la Maison du Peuple, les idéalistes qui allaient de Solferino aux cafés branchés en passant par les plateaux télévisés pour proclamer leur vie, sortaient les drapeaux à l’effigie du parti au pouvoir pour contester une loi Travail censée en donner à tous et naturellement aux Jeunes. « Oh mais le compte n’y est pas disaient-ils pleins de rage, imitant le loup de la fable. Où sont les promesses tenues dans les meetings proclamaient-ils, oubliant que tout homme politique, même sincère, ne peut tenir toutes les promesses faites pour obtenir des voix » et boudant avec rancœur, ils juraient la perte de celui qui avait voulu leur bonheur, quitte à faire le jeu de prédateurs tapis dans l’ombre, prêts à ramasser la mise sur le velours de la Présidentielle.
Puis un homme aux épaisses moustaches qui semblaient d’un autre temps et qui consistaient à donner un air farouche à un visage somme toute ordinaire battit le pavé et multiplia les déclarations de guerre à un gouvernement qui cherchait seulement à trouver des solutions de réussite dans un pays bloqué par tant d’usages et  de lois que la contradiction était au cœur de la marelle politique où le ciel était assombri par des nuages noirs.
Il osa même s’en prendre au ballon rond dont la fête était annoncée. Il n’hésita pas une seconde à s’adresser aux camarades travailleurs afin qu’ils bloquent le pays de manière rédhibitoire.
Dans ce jeu pervers, un homme jeune, aux beaux yeux bleus et aux déclarations empreintes de bon sens et stigmatisant à la fois le gouvernement qu’il servait et les pseudos révolutionnaires, se fit remarquer dans des postures singulières, notamment la pêche à l’anguille en Camargue, terroir privilégié pour celui qui amorce une conquête lente et sûre du pouvoir.
Son nom hantait les médias et son sourire à la fois angélique et carnassier flottait sur le drapeau où se détachaient ses initiales. E. M. qui épousaient celles de son mouvement En Marche, si bien nommé pour celui qui entamait une longue marche vers le château central dont chacun rêvait.
Parallèlement, jeunes et moins jeunes investissaient la Place de la République, sous le nom de Nuit Debout. C’était à la fois un mouvement destiné à la reconquête de l’esprit, au théâtre comme  dans les périodes pré révolutionnaires et bien entendu aux épisodes festifs gourmands, merguez et saucisses chères à tout mouvement populaire rôtissant sur des braseros.
On interdit l’alcool car des abus conduisirent certains rêveurs à des débordements dont ils n’étaient plus maîtres.
Interrogé sur la valeur qu’il accordait à ce mouvement si singulier, Manolète rétorqua par une boutade disant qu’en ce qui le concernait, il était toujours debout nuit et jour, faisant ainsi allusion au farniente que l’on prêtait à ces révolutionnaires qui rebattaient les cartes du monde la nuit mais qui vraisemblablement dormaient le jour.
Cette remarque attisa la recrudescence de la colère dite patriotique mais on reçut un peu moins les meneurs sur les plateaux médiatiques, certains journalistes pensant à juste titre que leur corporation serait peu ou prou remise en cause tant la volonté de tout détruire pour pouvoir renaître devint pressante.
Des ultras, cagoulés et matraqués s’en prirent au matériel urbain et aux biens des commerces avoisinants, brisant les vitrines et allumant des feux pour bien marquer leur territoire.
La haine de l’état sous toutes ses formes fut à son comble quand des énergumènes connus des forces de police selon l’expression consacrée, mirent le feu à une voiture avec la volonté d’enfumer les passagers jusqu’à ce que mort s’ensuive. N’écoutant que son courage, un homme qui venait de se faire recaler à un examen le menant à la titularisation, évita les coups qu’un adversaire voulait lui porter en pratiquant un évitement sportif admirable.
Les photos firent le tour du monde et le président l’anoblit par une légion d’honneur méritée. Orson Casenave, présent à la cérémonie, assura ce brave des braves qu’il serait élevé au grade supérieur en respectant les normes administratives usuelles. Le jeune femme qui était à ses côtés dans la voiture transformée en brasier connut également les honneurs de la République, ce qui était tout de même la moindre des choses, compte tenu de la frayeur qui avait dû surgir lors de cet épisode douloureux.
On arrêta les agresseurs présumés et à la suite d’une plaidoirie bien menée par un avocat talentueux, chacun évita la prison où tout quidam sensé aurait voulu l’y conduire, sous prétexte qu’il était difficile, voire impossible de déterminer si la personne jugée était seule ou appartenait à un groupe !
Subtile distinction qui valut à chaque criminel en puissance de battre le pavé à nouveau, à sa guise et de fomenter, pourquoi pas ? une nouvelle révolte !
Déçus par ces rebondissements sauvages, de nombreux Tulipots se tournèrent vers un parti qui promettait de mettre un terme à l’impunité, oubliant que sa figure de proue était avocate et qu’elle ne pourrait, en aucun cas, contourner le code civil, à moins de le détruire pour en faire une réécriture, ce qui ne manquerait pas de jeter à nouveau de vagues de mécontents dans les rues .
Et pendant ce temps, le président élu homme politique mondial 2016 se demandait si sa préconisation n’allait pas se trouver vérifiée.
Avant d’être élu, conscient de la difficulté de sa tâche, il aurait confié à des proches « J’espère qu’on ne nous jettera pas des pierres à la fin ».
Certains plumitifs, agressifs et virulents mirent un bémol à leurs éditos au vitriol et l’on commanda des ouvrages lénitifs notamment un livre intitulé Mademoiselle qui brossait un tableau charmant de la vie privée élyséenne.
Bel Aubépin se fendit d’un petit ouvrage intitulé sobrement Qui est l’ennemi ? rappelant à toutes fins utiles que le royaume des Tulipots restait le point de mire d’un ennemi protéiforme, qui pratiquait la haine des valeurs ancestrales de notre pays, de Saint Louis à nos jours, nommé Daesh dont le drapeau noir flottait comme l’étendard du malheur annoncé.
Mais cela c’est une autre histoire.

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