jeudi 6 octobre 2011

L’Été Indien



Lors d’un improbable bal, le Prince Printemps fut présenté à la ravissante Princesse Automne moulée dans un fourreau couleur châtaigne et feuille flamboyante, fendu sur le côté pour découvrir des jambes irrésistibles, satinées et nacrées. Son émoi fut tel qu’il en perdit momentanément l’usage de la parole. Il enlaça sa belle cavalière et ouvrit le cérémonial au son d’une valse de Strauss.
Tandis que le Beau Danube Bleu égrenait ses notes lumineuses et cascadantes, la princesse, yeux mi-clos, savourait ces instants de bonheur. À quoi bon le langage mondain lorsque la poésie s’exprime avec le charme inné de la rencontre ?
Des vers oubliés s’imposèrent au Prince mais il ne put les dire car le rythme de la valse lui imposait le silence. Il s’agissait d’une ballade de Charles d’Orléans qui le qualifiait joliment.
Le temps a laissé son manteau
De vent de froidure et de pluie,
Et s’est vêtu de broderie,
De soleil luisant, clair et beau.
Lorsque la Princesse Automne fit la révérence à son cavalier, le Prince sentit des frissons parcourir son échine. Il lui prit la main avec délicatesse et tous deux se promenèrent dans le parc en proie à une valse-hésitation entre les deux saisons.
Colibris, muguets et soleils radieux marquaient l’apparition du printemps tandis que légumes et fruits automnaux jalonnaient leur parcours dans des senteurs de sous-bois.
Des oiseaux leur donnèrent une aubade et lorsqu’ils s’assirent sur un banc, un perroquet offrit au couple la dernière strophe du poème :
Rivière, fontaine et ruisseau
Portent, en livrée jolie,
Gouttes d’argent, d’orfèvrerie ;
Chacun s’habille de nouveau
Le temps a laissé son manteau.
Les nuages enveloppèrent le Prince et son amie tandis qu’ils échangeaient un baiser au goût de mûre et de raisin.
Leur union fut tout à fait fusionnelle et lorsqu’ils revinrent sur la piste de danse, ce fut pour constater que tous les invités s’étaient enfuis. Une princesse avait oublié son soulier de verre mais le Prince Printemps se garda bien de l’emporter.
L’orchestre joua de nouvelles valses que les amants interprétèrent avec émotion.
L’aube les trouva enlacés et unis pour la vie.

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