lundi 9 juillet 2012

La Princesse oubliée



Il était une fois une princesse à qui une fée oubliée au fin fond du royaume avait prédit qu'elle mourrait en se piquant à un rosier. Par précaution, le Roi publia un édit interdisant la culture des roses sous peine de mort. Ignorant cette terrible prédiction, la princesse grandit dans l'insouciance et devint une ravissante jeune fille dont tous les hommes étaient épris. On organisa des goûters champêtres et les jeux succédaient aux tablées gourmandes. Une partie de cache-cache faillit se terminer en drame car la princesse poussa une porte dissimulée sous un amoncellement de chèvrefeuille et pénétra dans un jardin où de splendides fleurs inconnues et parfumées renvoyaient la beauté du monde à la façon d'un prisme odorant: c'étaient des roses !
Au moment précis où elle tendait la main en approchant son visage de ces fleurs embaumées, un tourbillon de chevaux miniature taillés dans le cristal de roche forma un cordon sanitaire qui lui en interdit l’accès.
« Ne touchez pas à ces fleurs, ma Reine, car sur ma foi, elles causeraient votre mort. » dit une voix profonde, veloutée et mélodieuse. Le plus beau prince du monde se tenait à ses côtés. Il était moulé dans une superbe tenue pourpre où couraient les lianes de roses d’or stylisées et de fleurs du printemps, d’un blanc nacré pour servir les chaudes couleurs de cette tenue d’apparat de haut dignitaire.
La princesse, ravie de cette rencontre, accepta d’offrir sa main gantée à ce bel homme de sang royal, à n’en point douter et ils cheminèrent côte à côte jusqu’à une tente circulaire où apparaissaient divans profonds, tables en mosaïque et fer forgé. Un orchestre entama une valse champêtre où le gazouillis des oiseaux était reproduit grâce à un instrument en forme de rouge gorge.
Les jeunes gens s’assirent et goûtèrent ces instants exquis puis on leur servit mignardises et verrines de préparations légères aux écrevisses et légumes coupés en dés et colorés. Mini tourtières et sabayons  servis en flûtes à champagne terminaient l’agréable moment festif couronné par une tour gélifiée à la rose ornée de groseilles. Avant que la princesse n’ait pu goûter cette merveille, le prince la trancha et il en sortit un dragon ailé cracheur de feu qui fit pleuvoir une incroyable couronne d'épines qui semblaient provenir d’un gigantesque roser.
« Vous en seriez morte, ma mie ! » dit le Prince avec une profonde tristesse.
Il révéla alors à la princesse Souad dont il était devenu profondément épris le terrible destin qui avait été prédit le jour de son baptême.
Souad était une jeune fille parfaitement équilibrée et elle accueillit cette nouvelle avec un certain soulagement. Il suffirait de rencontrer cette fée pour lui demander de renier cette malédiction dit-elle calmement et elle ajouta : « Je ne peux tout de même pas passer ma vie à redouter les roses qui sont de véritables dons de la nature ».
Un grondement accompagné d’éclairs noircit le paysage et la fée maléfique apparut dans une calèche noire tirée par des dragons. Elle invita la princesse à la rejoindre d’un claquement sec de son éventail. Le prince souhaitait suivre ces dames mais les dragons le clouèrent sur place en déclenchant une ronde de flammes infranchissables.
Souad fit face à son destin en prenant place dans la calèche. La fée posa une main rassurante gantée de dentelle noire sur celle de sa filleule. Le curieux attelage pénétra dans une enceinte pavée et de grands cygnes noirs se précipitèrent pour ouvrir la porte de la calèche. La fée Pavot et son invitée entrèrent dans un château sculpté à même la roche. Lorsqu’elles furent installées et qu’on leur eut servi le thé accompagné de scones, la fée révéla son secret à la princesse. Le vœu funeste émis à sa naissance n’était en fait qu’un leurre. « Vous êtes ma fille, mon enfant et il était nécessaire que je laisse planer une malédiction sur votre tête afin d’éloigner les prétendants qui règnent toujours à la cour.
Seul le Prince Sabre du Rosier a déjoué mes plans en simulant à merveille le rôle du parfait amoureux. Son unique but consistait à s’emparer de vos pouvoirs après vous avoir laissé croire à l’amour éternel qui n’existe que dans les contes de fées. Vous et moi sommes des fées véritables et il nous appartient de veiller sur un monde tourmenté où règnent le désordre et la guerre. Nous devrons nous pencher sur le sort des humbles et leur apporter réconfort et argent en récompense de leur travail ».
La fée Pavot ordonna alors que l’on conduise la princesse dans ses appartements qui étaient d’une grande beauté. Mis à part la chambre et le cabinet de toilette, il y avait une bibliothèque et un salon où des instruments de musique et une table d’écrivain inciteraient la jeune fille à améliorer sa culture.
Avant de suivre femmes de chambre et valets, la princesse avait osé demander à la fée par quel subterfuge elle pouvait être sa fille mais cette dernière lui avait répondu avec un fin sourire : « Ceci, ma fille, est une autre histoire ! ».

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