mercredi 2 juillet 2025

Rencontres inopinées

 


La reine Nour avait veillé à la magnificence du buffet : agneau rôti au miel servi à la découpe, salades composées individuelles au foie gras et au magret, blanquettes de poisson en cassolettes, cuisses de pintades sauce poivre rose et garnitures de légumes, babas au rhum, crème brûlée, nougat glacé, gâteau de semoule et gâteau oriental à l’orange, Doigts de Zineb au miel et au sésame et mille merveilles que chaque participant découvrirait à la demande ; une urne gourmande était à la disposition de tous pour y glisser le nom du mets de prédilection dont ils rêvaient, les cuisiniers se faisant fort de le réaliser.

Salomé réclama de la corne de gazelle, une délicieuse pâtisserie orientale en forme de croissant, fourrée d’une farce moelleuse à la cannelle et à la fleur d’oranger. On lui apporta un plat de ces merveilles avec un thé à la menthe.

Un jeune homme lui demanda l’autorisation d’y goûter en sa compagnie, cette pâtisserie étant aussi l’objet de ses désirs gourmands.

Ils se mirent à l’écart pour se restaurer loin de l’orchestre qui déchaînait les danseurs avec La Valse Brune, des mazurkas et des tangos époustouflants.

Le vis-à-vis de l’artiste brodeuse était un homme charmant. Il était romancier et rêvait d’obtenir le grand prix du royaume pour pouvoir vivre de ses écrits. Il était obligé de louer ses talents au gré des travaux saisonniers, récolte des asperges, taille des vignes, vendanges selon les nécessités des propriétaires.

Il admira la toilette de Salomé avec tant de sincérité que la jeune brodeuse fit état de sa position à la cour.

«  Si vous le souhaitez, je vous aiderai à exercer votre talent d’écrivain en toute liberté. Je gagne bien ma vie en brodant et je peux créer une bourse spéciale qui vous offrira le loisir d’écrire sans être obligé d’exercer des tâches pénibles et contraignantes ».

Le prince André révéla alors sa véritable identité et son subterfuge : voulant être aimé pour lui-même et non pour son statut princier, il avait inventé un personnage en espérant que Salomé ne le rejetterait pas tant il la trouvait sublime dans sa toilette de rêve.

«  Je n’ai pas menti totalement ajouta-t-il, j’aime vraiment les cornes de gazelle et je m’adonne à l’écriture, espérant gagner le prix de la reine sous couvert de l’anonymat ».

Ce qu’ils se dirent ensuite relève de l’intimité.

La reine Nour félicita le prince André dont la notoriété rayonnait dans les royaumes environnants pour son choix de l’inimitable Salomé aux multiples talents.

«  Promettez-moi de la libérer, cher prince, lorsque j’aurai besoin de constituer mon trousseau de mariée.

Vous serez exaucée au centuple chère souveraine et je vous doterai d’une corbeille de mariage emplie de bijoux précieux pour vous remercier de m’avoir permis de connaître une personne aussi merveilleuse que Dame Salomé » assura le prince André et il ajouta galamment qu’en l’absence de Salomé, c’est à elle qu’il aurait fait la cour.

« Vous êtes un charmeur, prince » rétorqua la reine en l’effleurant de son éventail.

Ainsi se termina la fête royale.

Salomé prit place dans le carrosse du prince et fit des adieux émouvants à la reine, la remerciant de toutes ses bontés.

Elles promirent de correspondre ;  Nour reconnut qu’elle avait fait de belles rencontres durant cette soirée.

«  Je finirai par le porter, ce voile d’amour, dit-elle et c’est à vous que je devrai mon bonheur ».

Un voile de pourpre embrasa l’horizon et les amants partirent vers leur destin.

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