mercredi 2 juillet 2025

Un prodigieux ouvrage

 



Oubliant le but de son voyage, la quête d’un époux qui lui permettrait d’arborer son voile de mariée, Salomé se leva de bon matin pour prendre la mesure des lieux où elle trouverait l’inspiration.

Elle prit son petit déjeuner dans les cuisines en compagnie du personnel puis elle revêtit une robe ample, se munit de son nécessaire à broder et de ses carnets d’esquisses, attendant que la reine Nour prenne le temps de la recevoir.

La reine apparut dans une tenue d’apparat. Elle tenait à la main un éventail en ivoire sculpté et elle offrit un cadeau de bienvenue à son obligée : c’était un dé d’or !

« Il vous protègera des coups d’aiguille s’écartant de leur objectif » dit-elle avec son beau sourire puis elle ajouta «  Prenez votre temps, ma chère ! Je ne suis pas pressée de me marier ; j’ai proposé un voile brodé de votre main comme impératif en guise de prétexte. Je ne vous demanderai pas de le défaire la nuit à l’imitation de Pénélope. Plus simplement, vous aurez toute latitude pour travailler sans souci. Si, par hasard, l’une de mes dames d’atour désire se marier voilée par vos soins, vous pourrez interrompre vos travaux et satisfaire leur désir. Vous percevrez les gages de première dame d’honneur afin que vous trouviez votre compte dans cette aventure ».

Confuse de se voir décerner une place centrale dans un édifice artistique, Salomé remercia la reine de la carte blanche attribuée et de ses largesses.

Elle se promena dans les jardins, cherchant l’inspiration.

Avisant un parterre de pavots, elle s’y dirigea et son choix fut le bon.

Au milieu du parterre, une petite fée avait fait d’un pavot pourpre sa demeure ; elle apparut à Salomé comme la quintessence de la beauté.

Elle la crayonna sous tous les angles et rentra au palais, heureuse de sa rencontre et de ses dessins.

La reine Nour tomba à genoux devant ses esquisses «  Cette petite fée est l’âme de ma mère : rares sont les personnes qui ont pu la voir. Elle ne se montre qu’aux personnes qui ont le cœur pur. Si vous le voulez bien, ce sera le thème central de mon voile de mariée ».

Heureuse d’avoir fait mouche par l’effet du hasard, Salomé se mit au travail, brodant l’apparition féerique sur le voile de mariée où brillaient les lucioles et les libellules.

Elle travailla avec flamme, maniant le dé d’or avec maestria.

Lorsque le voile fut terminé, elle le contempla longuement, cherchant un défaut à rectifier mais il était parfait ; elle invita la reine à donner son avis.

La reine Nour pleura de joie devant le chef d’œuvre de la brodeuse.

«  Il me faut, à présent, lancer des invitations pour une fête qui me permettra peut-être de trouver un époux digne de ce voile. Je souhaite que vous soyez présente, chère grande artiste et je vous élève au rang de Première Dame de ma cour ».

Salomé s’inclina puis elle tissa et broda une robe de cour pour honorer son rang car elle n’avait emporté que des tenues de brousse, parfaites pour le voyage mais inadéquates en la circonstance.

Elle broda une licorne sur le devant de sa robe, l’entourant d’un bestiaire prodigieux parmi les fleurs.

Lorsqu’elle apparut, ainsi vêtue, le jour de la fête, elle déclencha des exclamations émerveillées et de nombreux jeunes gens de qualité demandèrent à figurer sur son carnet de bal.

La reine Nour ne lui en voulut pas de l’avoir éclipsée et elle se dit que son but était atteint : il ne resterait pour l’aimer qu’un homme capable de lire en son cœur l’immense besoin d’amour dormant en son âme qui attendait le réveil !

 

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