On dit qu’une laie veilla sur le berceau d’Aymeric, la nourrice ayant déserté son poste tandis que le seigneur et sa dame festoyaient à la cour.
On ne refuse pas une invitation royale et la duchesse Alix se résigna à quitter son premier né.
« Nounou Faustine veillera sur lui nuit et jour dit son époux Aubin et vous le retrouverez grandi et heureux de se lover sur votre belle poitrine, ma mie ».
Or ce que le duc ignorait c’est que Faustine avait succombé aux charmes d’un félon qui voulut profiter de l’aubaine en s’emparant de l’héritier.
Il versa un narcotique dans le hanap de vin chaud qu’il offrit à la nourrice en conclusion d’une cour habilement menée.
Cependant, lorsqu’il voulut s’emparer du bébé, il recula face à l’hostilité manifeste d’une laie au regard fauve impitoyable.
De retour en son manoir, il fomenta un complot destiné à destituer son suzerain.
Une fois dégrisée, la nounou dépêcha un courrier à la cour pour dénoncer la tentative de rapt. Elle ne quitta plus la chambre du nourrisson, se faisant porter ses repas.
La laie avait mystérieusement disparu et personne ne put dire ce qui s’était réellement passé. On releva des empreintes de sanglier près du berceau, ce qui parut pour le moins étonnant.
De retour au château, le duc et la duchesse redoublèrent de vigilance.
La duchesse décida d’allaiter son bel enfant. On renvoya la nourrice en la dotant d’un beau pécule.
Alix recruta une dame d’atour pour la seconder dans les tâches quotidiennes. Isabeau avait fière allure avec son hennin aux longs voiles brodés et plus d’un gentilhomme demanda sa main ; ils furent tous éconduits avec le sourire et un unique motif : elle se voulait à sa tâche jour et nuit et pour ce faire, elle devait rester célibataire.
On relevait parfois des empreintes des empreintes de sanglier sous les fenêtres d’Aymeric et une légende se forgea selon laquelle l’enfant avait été choisi par une horde pour être leur prince.
« Ce sera certainement un grand chasseur de sangliers dit son père. Il a été reconnu pour être l’élu et il aura la force et le courage de ces animaux qui ne reculent devant aucun obstacle ».
Le temps passa. Aymeric devint un beau jeune homme et chassa le cerf.
Curieusement, il évitait les sangliers comme s’il savait qu’une mère nourricière avait remplacé la dame préposée à son allaitement.
Cependant, un jour, il se trouva face à face avec une énorme laie qu’il se crut obligé de tuer, son écuyer l’y incitant fortement.
Au moment où il décocha sa flèche, la laie se fendit dans un nuage, faisant pleuvoir une portée de marcassins.
Fortement ému, Aymeric ordonna à ses piqueurs de s’emparer des marcassins et de les ramener au château.
Certain de la véracité de la légende répandue dans le fief à son sujet, Aymeric rentra chez lui et fit savoir à la ronde que le futur seigneur ne tuerait jamais un sanglier, vu que dans son enfance une laie l’avait nourri comme la louve de Rémus et Romulus.
On déclara l’animal sacré et il vécut en sécurité dans le fief seigneurial.
Aymeric apposa une laie sur son blason et sa devise fut D’azur, au sanglier d’or, surmonté de trois roses d’argent.

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